Le 10 novembre prochain, le Centre Pompidou ouvre grand ses portes aux
artistes du label Tsunami-Addiction. Tant à l’aise avec l’écriture que
la production, Claude Violante est l’une des perles que le public pourra
y découvrir. Mais en attendant de la voir sur scène, son clip “For you”, lâché sur la toile
il y a moins d’un mois, encore méconnu de la communauté virtuelle
(moins de 1500 vues sur Youtube), en vaut largement le détour…

Aux
commandes de la réalisation ? La plasticienne et vidéaste
Rebecca Bournigault (dont on vous avait dressé le  portrait dans le Modzik #26), qui confirme avec brio son statut d’artiste plurielle, avec ce clip lumineux et forestier (qui plairait sûrement à Angus
Stone
d’ailleurs, dont les effets d’une caméra dirigée vers la canopée
ont inspiré le titre de son album Broken Brights).

L’occasion est trop belle pour ne pas revenir sur cette personnalité aux multiples cordes à son arc, pour qui la musique occupe une place très importante. Plasticienne
française née à Colmar, Rebecca Bournigault a débuté très jeune sa carrière
artistique, exposée et reconnue alors même qu’elle était encore aux Beaux-Arts
à Bourges. Aujourd’hui la quarantaine, l’artiste qui vit et travaille à Paris
détient une œuvre pour le moins tentaculaire. Interview.

Propos recueillis par Valentine Croughs


A quand
remonte ton attrait pour l’art ?

En fait, ça
m’est arrivé très jeune. Dès l’enfance, ma vocation artistique m’est apparue
comme une évidence. Sur les bancs de l’école, j’étais cancre, très agitée et
impatiente. Je me souviens que petite, je devais mes seules récompenses à mes
dessins, même si j’étais forte en math et que par ailleurs, sans travailler
j’avais des résultats qui me permettaient de maintenir une bonne moyenne. Et
une fois au collège, je voulais déjà intégrer les Beaux-Arts. Ensuite, tout
s’est déroulé de façon logique.


Cela fait
plus de quinze ans que tu exposes dans le monde entier…

Oui, je ne suis
même pas passée du statut d’étudiante à celui de professionnelle, car
j’exposais alors que j’étais encore aux Beaux-Arts. De plus, j’ai eu une
reconnaissance tout de suite.


Que retires-tu
de cette expérience internationale ?

D’avoir été
plongée très tôt dans le circuit avait un côté fascinant – j’ai voyagé et découvert
le monde. Par contre, il y avait un inconvénient à être si jeune : je
n’avais aucune expérience ni connaissance du marché de l’art et de son
fonctionnement. J’ai dû tout apprendre, parfois à mes dépens, et j’en étais
parfois dépassée.


Qu’as-tu appris
sur toi, suite à cette exposition précoce ?

C’était
intéressant d’être rapidement reconnue. Mais j’ai compris que je ne voulais pas
travailler afin de garder à tout prix ce niveau de visibilité. D’ailleurs, j’ai
fait très peu de compromis sur mes œuvres. Il me fallait poursuivre pour des
vraies raisons. Forcément, cela exige une sorte de réinvention permanente, et
c’est fatigant de toujours aller puiser ce qu’on a de plus profond en soi, mais
c’est aussi ce qui fait que ce métier en est un, et ce pour quoi il vaut la
peine d’être défendu.


A quels
artistes voues-tu une admiration particulière ?

Plein
d’artistes ! Ce serait délirant de les énumérer. J’ai une réelle passion
pour l’art contemporain et l’artiste qui me vient à l’esprit spontanément,
c’est Mike Kelley (décédé le 31 janvier dernier, ndlr
), dont j’aime énormément le travail. J’ai toujours eu un grand
plaisir à découvrir ses expositions et maintenant, c’est terminé, une page est
tournée, et j’en suis profondément blessée.


As-tu déjà eu
l’occasion de croiser les artistes que tu apprécies ?

J’ai eu la
chance de rencontrer James Turrell, qui sculpte la lumière et que j’admire beaucoup.
Ce fut une très belle rencontre. On travaillait dans la même galerie, et à
l’occasion d’un de ses vernissages, il m’a dit quelque chose d’extrêmement
touchant… à peu près ceci : « Le chemin va être difficile, mais tu
dois le suivre, car tu as ça en toi »
. Un
grand moment de ma jeunesse. En tout cas, il n’avait pas tort pour le
« chemin difficile » (rires).


En un mot, comment
te caractériserais-tu en tant qu’artiste ?

« Libre ».
J’ai peur que ce soit un peu prétentieux. C’est un mot lourd de sens et de
conséquence.


A quel point
la musique occupe-t-elle une place importante pour toi ?

J’ai toujours
été accompagnée par elle, au quotidien. Ma première vidéo d’ampleur s’appelle
d’ailleurs « PORTRAIT chanson ». J’ai fait écouter à des gens un
morceau choisi pour eux, sans les avoir prévenus, puis j’ai filmé leur réaction
en direct pendant toute la durée de la chanson. Il s’agit de plans fixes sur le
visage de neuf personnes. C’était le début d’une grande série de vidéos dans le
même genre.


Que
cherches-tu à transmettre à travers cette vidéo ?

Il y a quelqu’un
qui a dit un jour de mon travail que j’essaye de montrer ce qu’on ne voit pas,
et c’est très juste. Le corps est une sorte de limite, entre l’extérieur et
l’intérieur. Donc quand quelqu’un écoute une chanson, un élément externe entre
dans son corps et suscite des émotions simples, qui se traduisent par des
expressions que la vidéo capture. Etre dans la contemplation pure, le temps
d’une chanson, et pouvoir répéter ce moment extrêmement privilégié à l’infini, c’est
aussi une manière de magnifier l’être. Car on ne regarde jamais les gens comme
ça. A part quand on est dans cet état amoureux, on vit parfois des instants un
peu ébahis. Ici, c’est la même chose, mais avec des inconnus.


Avec du
recul, peux-tu dire que ton œuvre a pris une certaine orientation, au fil des
ans
 ?

Elle ne se
développe pas linéairement, avec un objectif à atteindre, mais plutôt de
manière tentaculaire. C’est une progression où chaque pièce est une sorte de
pierre à l’édifice. Par ailleurs, je fonctionne beaucoup avec des notes. J’en
retrouve parfois cinq ans après et finalement, je me rends compte que dans mes vieux
carnets, il y a des choses qui reviennent, mais sous d’autres formes. On a
l’impression d’avoir une nouvelle idée, mais non. Quand ça arrive, je me dis
qu’il faut que je fasse le projet en question et puis on n’en parle plus.


Si tu devais
refaire ta vie, que changerais-tu ?

A part ma fille,
je changerais tout. Tant qu’à revenir en arrière, autant refaire complètement
autre chose. Avec le même métier, probablement. J’assume entièrement toutes les
œuvres que j’ai faites, mais je ne voudrais pas revivre la même chose.


Pour plus d’infos sur les actualités de Rebecca Bournigault, rendez-vous sur sa page facebook.