Le kitsch a pris fin trop vite dans la mode, connaissant son crépuscule quelque part au milieu des années 90 avec la montée de l’anti-fashion. Pourtant, certaines maisons italiennes choisissent aujourd’hui de se renouveler avec des collections où se mêlent roses et paillettes à profusion. Le kitsch aurait-il droit à une nouvelle vie ?

Gucci SS17 Modzik
Gucci SS17 – Glen Luchford

En 2016, Alessandro Michele s’est imposé comme le nouveau directeur artistique à suivre, aux côtés de Demna Gvasalia. Le premier officie chez Gucci, le second chez Vetements. Mis à part leur statut de nouvelles coqueluches de la mode, les deux designers partagent aussi leur affection pour le mauvais goût. Tandis que Demna et son équipe font référence à un mauvais goût plus proche du prolétariat que du BCBG, Alessandro préfère quant à lui travailler le tape-à-l’œil propre au kitsch. Dans une profusion de couleurs, les détails rococo s’accumulent de la tête aux pieds : les chaussures à plateformes pailletées, les broderies animales qui transforment les collections en un véritable zoo, les slogans façon carte du tendre, des lunettes de vue bourrées de strass. La liste s’allonge à chaque nouveau défilé Gucci avec des collections presque trop chargées, dont le public raffole. Alessandro a réussi sans aucun doute à faire rayonner à nouveau la maison italienne, nous séduisant au passage avec la prouesse d’un kitsch imposant et subtil, tandis que son squad goal s’agrandit un peu plus chaque jour. Parmi les Gucci Girls, on peut compter sur Florence Welch, Beyoncé et Petra Collins.
Sauf qu’il semblerait que Gucci ne soit peut-être pas la seule perle baroque de l’Italie. Alors que le groupe de luxe Kering, forte de ce juteux filon du kitsch made by Alessandro Michele, a vu ses ventes progresser sur l’ensemble de l’année 2016, c’est aujourd’hui toute la Botte qui pourrait bien mettre à profit cette tendance flamboyante.

Fiorucci paillette

En 2015, alors que la chaleur de l’été battait son plein un 19 juillet, le monde apprenait le décès du créateur Elio Fiorucci. Un an et demi après cette triste nouvelle, Fiorucci apparaît à nouveau dans le paysage. Un compte Instagram et quelques hashtags ont suffit pour exprimer cette bonne nouvelle : Fiorucci renaîtra de ses cendres dès 2017. Marque iconique créée en 1968, Fiorucci a su conquérir le cœur des Italiennes à coup d’applications strass et de « sex sells ». La marque tire autant sa gloire de ses publicités explicites que des innovations venues d’ailleurs qu’elle amène dans ses boutiques, à Milan ou New York. Mêlant l’ultra-string et le monokini originaires du Brésil avec des manteaux afghans et des robes de bal froufroutantes, Fiorucci installe cependant son nom avec sa ligne de jeans, les premiers à être mélangés à du Lycra. Moulants et confortables, ils passent du statut de vêtement de travail à celui de véritable atout de séduction sous la direction de la marque italienne.

Aujourd’hui, Fiorucci se relance dans la course avec ce bon basique sexy accompagné d’une série de t-shirts ressuscitant les publicités emblématiques de la marque. Un premier départ qui joue la carte de la sécurité mais qui promet de sublimer l’ADN de la marque. Les angelots sont bien évidemment au rendez-vous, ainsi que l’espadon et l’identité graphique tout droit sortie d’un catalogue Memphis des années 80. Après plusieurs décennies d’errance, Fiorucci compte sauter à pieds joints dans la modernité. Même le site internet de la marque se révèle être un petit îlot créatif unique en son genre, au moins aussi ludique que celui de son compatriote Fornasetti.

Fiorucci-Divine-ad-Modzik

En s’adonnant au kitsch, Gucci et Fiorucci finiront-ils par changer la donne de la mode italienne en 2017 ? Si le mauvais goût a toujours eu sa place au sein de la mode, le kitsch rose bonbon s’était éteint au milieu des 90, pour laisser place à l’anti-fashion grunge et l’esthétique néon des 00s. Le bling descendait alors dans la rue et sur les starlettes, loin des podiums. Si aujourd’hui le kitsch réapparaît comme possibilité créative parmi l’ensemble des propositions anti-conformistes qui forment le mauvais goût, c’est aussi parce qu’il sait séduire. Car si l’histoire de l’art nous a appris quelque chose sur le kitsch, c’est qu’à défaut d’être adulé par la critique, il rapporte beaucoup (et Jeff Koons en sait quelque chose). Une bonne dose de pop-culture bien clinquante qui se retrouve aujourd’hui dans la mode car l’appel du toc et des glitters est plus fort que tout. Une attention facilement provoquée qui séduit le public tout en laissant au créateur la possibilité de développer un univers codifié mais immensément riche. Et puis après tout, le kitsch va si bien à l’Italie, avec sa place titanesque dans l’histoire des chef-d‘œuvres de l’art, son attrait pour le too much et la provocation, des basiliques baroques à la Cicciolina. On attend encore Versace au tournant, maison tapageuse par excellence, qui célèbre actuellment l’arrivée de Riccardo Tisci en tant que nouveau directeur artistique. En alliant provocation et savoir-faire italien, les marques iconiques qui prennent le pari du kitsch pour se renouveler pourraient bien faire couler beaucoup d’encre.

Versace Kitsch Modzik