Après plusieurs projets entre 2020 et 2022, Jäde revient avec son premier album studio nommé Les Malheurs de Jäde. Un journal intime aux rythmiques rap, R’n’B, hyperpop et électro dans lequel l’artiste installée dans le 18ème arrondissement de Paris raconte entre autres, ses peines de cœur, ses doutes, et évidemment ses malheurs.

 

 

Comment tu te sens à l’approche de la sortie du projet ?

Je me sens assez bien. C’est cool, on a fait des sessions d’écoutes, notamment hier où on a fait écouter à deux ou trois personnes et j’ai eu des bons retours, des retours intéressants. Donc je suis assez confiante et puis en vrai je ne suis pas trop stressée, je suis contente de ce que j’ai fait. C’était mon objectif. 

 

Ton nouvel album s’appelle Les Malheurs de Jäde. Pourquoi ce nom et cette couleur d’album ?

Je parle beaucoup de choses négatives. J’ai tendance à écrire beaucoup de choses tristes mais j’aime pas être dans la tristesse premier degré, ça ne me ressemble pas trop. Je préfère le tourner sur un ton plus léger avec un peu d’autodérision. Je me suis dit, Les malheurs de Jäde, ça se voit que c’est pas gai, mais en même temps il y a ce truc un peu enfantin qui permet d’avoir un peu plus de recul et qui fait que ce n’est pas trop plombant non plus. J’aime bien ce titre pour ça. J’ai tiré le trait de la couleur enfantine c’est devenu un peu la ligne directrice du projet. Après je ne pense pas qu’il y ait de lien direct avec l’enfance, que ce soit dans les textes ou autres. Mais quand on pense au titre, il y a directement Les malheurs de Sophie qui viennent. Visuellement ça va pas être enfantin non plus mais il y a cette esthétique mamie vieillot à mi-chemin entre un côté bourgeois, qui fait penser aux contes et qui me ressemble.

 

Cover de l’album Les Malheurs de Jäde

 

Tu as parlé des Les malheurs de Sophie, ça a été une de tes inspirations dans la conception du projet ?

J’ai réfléchi au fait que dès qu’on pense au titre de l’album, c’est directement ce qui vient en tête. Mais je n’ai pas de réel point commun avec ce personnage qui a vécu des trucs hyper compliqués parce qu’en vrai c’est chaud ce qu’elle a vécu. Mis à part le fait d’être une enfant qui faisait des bêtises comme ça. 

 

Dans Les Malheurs de Jäde, on retrouve des featurings avec Zamdane et Makala. Comment as-tu établi des connexions avec ces artistes ? Est-ce que ça s’est fait à distance ou tu es allée à Marseille et en Suisse ? 

Quand je fais des feats avec des artistes, j’aime bien proposer quelque chose que j’ai déjà commencé. Mais je voulais quand même avoir un lien avec eux pour de vrai et pas juste leur envoyer. Donc je suis allée à Marseille, j’ai proposé un titre que j’avais dans mon ordinateur à Zamdane. Il a bien aimé en sachant que lui et moi on s’est déjà croisés deux fois avant, mais je ne le connaissais pas plus que ça. Du coup, c’était vachement bien parce que y a eu un bête de feeling, il était chaud sur le morceau, ça s’est fait en un week-end et après ça, j’ai retravaillé un peu les arrangements, les voix, refait quelques petites choses et voilà, je suis contente. Pour Makala, c’est un peu pareil, c’est-à-dire que je l’avais déjà croisé deux fois mais j’ai envoyé une bouteille à la mer « Tu veux poser sur l’album ? » et il a dit oui. Je suis allé en Suisse. Pareil. Je lui ai fait écouter quelques sons, il y en avait un que j’avais en tête et c’est précisément celui-ci qu’il voulait faire. Donc tout s’est déroulé à la perfection, mais j’étais un peu stressée en mode j’arrive, je vais leur présenter des sons, ils vont me dire non tu vois, il va falloir tout refaire. Et en fait ça s’est archi bien passé parce qu’ils ont capté exactement ce que je voulais.

 

 

Au cœur de l’album, il y a aussi eu un voyage à Londres. Tu es allé là-bas en te disant OK, j’y vais pour le projet ou est-ce que c’est sur place que tu t’es dit là il y a matière à en faire quelque chose ? 

C’est un peu des deux. Mais en vrai, j’y suis d’abord allé parce que j’avais envie de quitter Paris et que j’en avais marre d’être là. Dès que je vais quelque part, comme je fais du son un peu tout le temps et que j’ai l’habitude d’écrire et de m’enregistrer seule chez moi, je prends automatiquement mon micro. Donc en fait là je me suis dit « prend ton micro, prend aussi des enceintes, on sait jamais ». Et c’est devenu l’endroit pour faire l’album.

 

Dans le projet il y a un morceau qui s’appelle Certifié Lover Girl, le clin d’œil à Drake est évident. Pourquoi ? 

De base je kiffe Drake. Même si j’aime plus trop ce qu’il fait ces derniers temps, il est trop en mode toxic boy, bizarre. Quand j’en parle avec mes copines, il nous a soulé de ouf avec son dernier projet For All The Dogs. Et en même temps, je trouve ça amusant parce qu’il va au bout de ce nouveau personnage toxic boy. Son titre Certified Lover Boy est vraiment trop bien trouvé pour son album. Je me suis dit que la chanson Certifié Lover Girl, c’est vraiment cette histoire avec un seul gars et j’y vais vraiment à fond. C’est que des phrases de moi qui pleurniche un peu sur une histoire d’amour en mode victime. En même temps, c’est un peu drôle, je me moque de moi même.

 

À la prod. j’ai vu qu’il y avait principalement deux personnes sur le projet, Kofi Bae et Roseboy666, comment as tu établi la connexion avec eux ? Ça remonte à longtemps avant le projet ?

Il n’y en a pas que eux deux même si c’est ceux qui sont revenus le plus souvent sur les morceaux. Roseboy666 a un peu réalisé le projet : sur tous les sons il a fait des arrangements et sur certains, il a fait la prod. Et puis il est avec moi en studio quand j’enregistre les voix, on réfléchi en amont à comment mettre les morceaux ensemble, que tout transitionne bien. Il a un grand rôle sur cet album. Et après Kofi Bae, c’est un producteur de longue date avec qui je travaille depuis les débuts et qui est là sur environ la moitié de l’album. Sur les synthés, les mélos. Pour Roseboy666, la connexion est récente. En fait, on se connaît depuis les années Soundcloud mais on n’avait jamais vraiment bossé ensemble. Quand j’ai commencé à me dire « il va falloir que quelqu’un m’aide pour vraiment avancer et finaliser cet album », je cherchais un profil précis. C’était dur parce que je voulais à la fois quelqu’un qui puisse capter tous les délires underground rap, genre la DMV, la plug et à la fois quelqu’un OK pour faire de la pop. Et lui il était un peu dans tout, tu vois, c’était cool. 

 

Justement, musicalement ton album est très riche, on trouve un petit peu des mélodies de DMV, de plug, comme tu l’a décris, un petit peu d’hyper pop des fois, avec des guitares… D’où te vient toute cette richesse musicale ?

Tout est dans mes écoutes. Même si je ne suis plus trop une diggeuse, je me suis pris toute la vague plus électronique dans le rap qui se passe depuis deux ans et puis pas que dans le rap mais juste comme tu dis le hyperpop. En Angleterre, ils parlent d’antipop, je ne sais pas pourquoi, mais c’est le mot qu’ils utilisent là-bas. Ailleurs qu’en France, c’est vraiment très très big. Forcément ça a infusé dans ma musique. J’ai même l’impression que en soi, le R’n’B en général, qui est le cœur de ma musique, prend une tournure un peu plus rock quand je vois des exemples comme Amaarae qui a sorti un album ou il y a énormément de guitares, des trucs un peu énervés. SZA qui a sorti un album full guitare avec des trucs un peu plus rock. De plus en plus les genres se mélangent c’est évident, dans ma musique aussi. 

 

@ Alexandre Caron

 

Tu as parlé de Sza et Amaarae mais en ce moment, on trouve quoi dans ta playlist ?

Il y a une artiste que j’ai découvert et que j’aime beaucoup. Elle s’appelle Anycia. Il y a aussi une autre rappeuse qui a déjà fait un feat avec Anycia, c’est KarrahBooo. C’est une gang, c’est des nouvelles meufs qui sont en train de tout péter aux Etats-Unis. J’aime vraiment bien les rappeuses américaines, je les suis pas mal même si je suis un peu larguée sur les hommes. Sinon je suis retombé sur Ateyaba et j’écoute beaucoup ses projets. 

 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour le projet qui arrive ?

Je souhaite que les gens l’écoutent parce que je pense que ça peut plaire. Je pense que les gens vont se retrouver dans les textes. 

 

Jäde sera en concert sur la scène de la Gaîté Lyrique le 18 avril prochain.

 

Texte Alexandre Caron

Photo couverture Louise Chevallet