Rencontre avec Jean Janin a.k.a. Cézaire, tête pensante (et dansante) du projet Roche Musique, jeune label qui monte en flèche dans la capitale électro française.
Comment est né le projet Roche Musique ?
Roche Musique est né d’une succession d’événements et de rencontres. Une évolution loin d’être brutale ! Après une première expérience en tant que blogueur avec des potes du site Boule à facettes, plusieurs soirées organisées à la Flèche d’Or et la création d’un premier label avec les Man & Man, l’idée de Roche Musique commençait à germer dans ma tête. Je n’avais pas un très grand rôle dans le premier label, mais ça m’a permit d’engranger un peu d’expérience. Ensuite, la création d’une seconde structure nommée Zappruder Records (que je vous conseille de suivre !) avec Nicolas Pinault, qui m’a enseigné une autre approche du travail et la meilleure façon de monter son entreprise. Pour terminer, ma rencontre avec Thomas (Kartell) avec qui l’idée du label Roche Musique s’est définitivement ancrée dans mon esprit. J’ai toujours fait les choses par pur plaisir. C’est vrai que quand je regarde en arrière, j’ai l’impression qu’il y a une sorte de suite logique à tout ça, mais ce n’est peut être pas aussi simple que ça en a l’air !
D’où vient le nom de Roche Musique ?
Ca fait référence à un morceau de Sébastien Tellier qui s’appelle Roche. Ce son me rappelle certains bons moments de ma vie. Si je devais illustrer des vacances, la peau bronzée, les filles et le bruit des grillons, cette musique en serait la bande son ! Je voulais insuffler un peu de cet état d’esprit dans le label.
Comment fonctionne le label ? Qui gère quoi ?
Pour l’instant, le label s’apparente plus au microcosme qu’à une grande major. Nous bossons avec beaucoup de gens en freelance, dont les Editions Limitées pour la fabrication et la distribution des vinyles, Closed Collar pour les vidéos, Your Army, une agence anglaise pour la com’ et de temps en temps, un stagiaire pour m’aider sur l’événementiel. En ce qui me concerne, je suis un peu en électron libre, je touche à tous les secteurs qui composent ce vaste monde ! Je bosse sur l’événementiel, un peu de com’, beaucoup de direction artistique, mais aussi DJ à mes heures perdues et pas mal de management. Thomas m’aide beaucoup, il me fait partager ses coups de coeurs musicaux, me fait découvrir des artistes… Il m’aide aussi pour les newsletters dont nous sommes plutôt fiers !
L’esthétique du label est très développée. Les photos et le graphisme que vous utilisez sont toujours très léchés. Qui s’occupe de l’image ?
Nous avons plusieurs façons de faire mais j’aime laisser le choix à l’artiste de son identité visuelle, je trouve important de garder une vision propre à chacun, de mettre en avant l’univers de l’artiste. Par exemple pour Kartell, c’est lui qui m’envoie des photos, la plupart d’un photographe appelé Cody Cobb, puis notre graphiste, Charley Dupont, y ajoute sa touche et quelle touche ! Il m’épate à chaque fois. J’ai toujours été attiré par l’imagerie futuriste des années 80, 90. J’aime voir comment les générations passées s’imaginaient le futur. Ce serait un peu comme dans un tableau de Dali, de ceux où on a l’impression que la gravité a disparue.
Quels sont les futurs projets du label ? Et comment vois-tu son avenir ?
Nous avons deux EPs à sortir, le premier de Karma Kid, un très jeune britannique qui a pas mal agité la blogosphère l’année dernière et le second de Darius, moitié de Cherokee un de nos groupes sur le label. Après celui de Kartell qui est sortit cette semaine, l’année démarre bien ! J’aimerais aussi organiser un événement inédit pour cette été, mais c’est plus à l’état de réflexion pour le moment. Dans un futur proche, j’aimerais continuer à pousser les artistes du label sur le devant de la scène et stabiliser la structure. Pour le reste, ce qui me tient vraiment à coeur, c’est de découvrir de nouvelles choses, de nouvelles idées, voyager plus car c’est aussi à ça que sert un label, s’ouvrir sur le monde. Cette structure est un bon moyen pour moi de voir de quoi je suis capable, de me comprendre un peu mieux, ainsi que ceux qui m’entourent. Roche Musique m’aide à m’améliorer j’en suis certain.
Parle moi un peu plus du Roche Musique Lab ?
C’est un projet qu’on a en partenariat avec Version Originale qui organise des événements au Dandy, une boîte dans le 9ème. Le concept est assez simple, nous invitons de jeunes artistes à venir se produire sur scène. Je pense sincèrement qu’il faut aider ceux qui débutent, leur donner une chance de pouvoir partager leur travail, comme d’autres ont pu le faire avant pour Roche Musique. Et puis le Dandy c’est comme à la maison, on y est super bien accueillis.
Depuis une bonne vingtaine d’années, la « French Touch » n’en finit plus de déclinaisons. Que représente ce terme pour Roche Musique ? Est ce quelque chose dont tu te sens appartenir ou pas du tout ?
Le mot « French Touch » me fait penser au mot « Pop« , c’est une culture, une façon de vivre, de manger même ! Mais c’est surtout une façon de faire tout ça à la française. Nous avons pour la plupart tous grandis en France et nous sommes imprégnés de cette culture. J’aime l’adage du label de Laurent Garnier, F Communications qui disait « We give a French touch to house ». On prend ce qu’il y a de bon ailleurs et on y ajoute notre savoir-faire et nos influences personnelles. Au même titre que le mot « Pop« , « French Touch » peut s’appliquer à quasiment n’importe quoi, comme un bon burger de chez Bronco !
N’avais tu pas peur en lançant le label d’ajouter une goutte à l’océan revival funk-house de ces dernières années ?
Quand j’ai lancé le label, je n’avais pas l’impression que nous nagions dans un océan « funk-house ». Je me souviens de notre première soirée tous ensemble, c’était dans un petit club de Tours avec FKJ, Kartell, Darius et moi-même. A l’époque, il y avait un gros retour de la house filtrée, qui n’a pas vraiment duré mais qui nous a influencé, bien que ce ne soit plus vraiment ce qu’on écoute actuellement. J’ai plutôt l’impression de faire parti d’une scène assez peu développée. Ce qui me fascine en ce moment ce sont tous ces collectifs comme Soulection, HW&W, Future Classic ou French Express… des labels qui n’hésitent pas à mélanger les genres et qui se foutent des revivals.
A l’heure d’internet, gérer un petit label rapporte très peu d’argent. Comment arrives-tu à faire vivre le truc ?
Je pense qu’un label peut se suffire à lui même à condition de mettre toute son énergie dedans. Le fait de toucher à d’autres secteurs comme l’événementiel ou le management, je vais pas dire que ça rapporte énormément non plus, mais ça permet une diversification de nos activités dans laquelle on peut asseoir une certaine stabilité. Faire le DJ me rapporte aussi un peu d’argent qui m’aide énormément.
Quelle place tienne les sorties physiques chez Roche Musique ? On vous sait très présent sur le web mais j’imagine que vous portez une attention aux disques ? Que penses-tu de cette tendance qui voit le retour du disque en temps qu’objet quasiment collector pour une partie de la génération qui n’écoute de la musique uniquement sur internet ?
Au départ j’avais en tête de faire un label uniquement digital. Principalement pour des raisons de logistique, ça m’apparaissait plus simple. Mais au fur et à mesure des sorties, je me suis dit qu’il fallait garder ce côté physique de la musique. L’aspect visuel, le fait de pouvoir toucher, palper, le fait d’en prendre soin… cela donne une autre dimension à la musique, ce n’est pas juste un fichier mp3 qu’on trimbale, ça donne de l’importance à la musique. En tous cas, cette tendance me plaît. Elle prouve que les gens font encore attention à la musique.
Le label est plutôt jeune. Quelles leçons retiens tu de ces un an et demi d’expérience ?
J’ai vraiment appris beaucoup de choses. Sur un plan plus professionnel, je suis conscient du chemin qu’il me reste à parcourir mais j’ai l’impression d’avoir mûri. Je n’ai jamais suivit de formation ou quoi que ce soit, j’ai appris sur le tas au contact des autres. J’ai un peu l’impression d’être un personnage de jeu vidéo qui améliorerait ses compétences au fil des niveaux. Sur le plan humain, j’ai appris à être plus à l’aise avec des gens qui n’ont pas forcément le même état d’esprit que moi.
Une petite anecdote à rajouter depuis que tu diriges le label ?
Ah yes ! Il y a quelques temps, on organisait une soirée à la Villette Enchantée et on n’avait pas de nouvelles d’un des DJ en guest ce soir la. A une heure de son set, il nous envoie un texto pour nous dire qu’il faisait une sieste. La panique s’installe, le mec ne répond pas, on appelle la réception de l’hôtel et rien de leur côté non plus… On finit par aller le chercher dans sa chambre où on le trouve allongé nu sur son lit, bourré comme jamais. Il a fini par se lever, s’habiller en vitesse et nous a fait un set totalement fou dans le club ! Mais je vais quand même garder son nom pour moi…
Propos recueillis par Roméo Husquin