On parle beaucoup d’Azealia Banks ces temps-ci, mais il est temps de s’attarder un peu sur son alter ego (et ennemie jurée) océanienne. Incarnation d’une rappeuse au bagout certain dans le corps d’un mannequin, Iggy Azalea a beaucoup d’arguments à faire valoir. Après avoir quitté la campagne australienne pour les mégalopoles américaines, elle a su se hisser au statut de star naissante, à la fois dans le monde du hip-hop et celui de la mode.

L’aspect le plus surprenant de la nouvelle rappeuse du moment ? Elle ne ressemble absolument pas à une rappeuse. Grande et élancée, la peau laiteuse, dotée d’une longue chevelure blonde tirée en arrière, Iggy Azalea n’a pas exactement l’air de sortir de Harlem. À vrai dire, elle n’est même pas Américaine, ou même Britannique – autant pour le street cred. Et pourtant, Iggy est à sa manière un pur produit du rap états-unien : née dans un trou perdu de l’Australie rurale, elle passe son adolescence à rêver de L.A. en écoutant 2Pac, Busta Rhymes et Missy Elliott. En 2006, alors âgée de 16 ans, elle se rend (seule) à Miami, sous le prétexte d’un voyage censé durer deux semaines. Elle ne quittera plus les Etats-Unis. Après avoir enchaîné les petits boulots pendant un bon moment, l’aspirante rappeuse finit par sortir sa première mixtape, Ignorant Art, en 2011. L’enregistrement devient immédiatement culte, et lui vaut d’être la première femme sélectionnée dans la liste des nouveaux talents établie chaque année par le magazine américain XXL – une référence en matière de hip-hop. Deux morceaux extraits de sa mixtape (« Pu$$y » et « Work ») donneront lieu à des clips stylisés extrêmement populaires sur ce bon vieux YouTube. Courtisée par le label Interscope Records, elle signe finalement chez Grand Hustle (aux côtés de Killer Mike) pour des raisons d’indépendance artistique. C’est sur ce label qu’elle publie, en 2012, l’EP Glory, ainsi que sa seconde mixtape TrapGold, produite par Diplo. Au fil du temps, Iggy s’est affirmée comme une rappeuse véloce et sexuellement agressive, propulsée par des productions électroniques clinquantes et ce qu’il faut de vulgarité. Si cela vous fait penser à Azealia Banks, sachez que leurs points communs ne s’arrêtent pas là. Les deux artistes n’ont en effet qu’un an d’écart, et toutes deux ont bâti leur premier succès sur une chanson faisant référence à l’amour oral de certains attributs sexuels féminins (inutile de vous faire un dessin) – « 212 » pour Azealia, « Pu$$y » pour Azalea.

Il serait sans doute hypocrite de prétendre qu’Iggy Azalea doit uniquement son succès naissant à la qualité de sa production musicale. Comme elle le reconnaît avec une once de tristesse, il ne fait aucun doute que la perfection de sa silhouette, son visage de poupée et sa longue chevelure blonde ont tout autant contribué à sa popularité. À l’inverse de ces modèles qui se mettent à la chanson – coucou Grace Jones ! –, c’est donc en toute logique qu’Iggy s’est bien vite retrouvée dans les rangs d’une agence de mannequins. Après que l’agence Elite lui ait suggéré de perdre du poids (jetez un coup d’oeil à l’une de ses vidéos pour mieux réaliser l’absurdité de ce conseil), c’est au final Wilhelmina Models qui lui a ouvert ses portes. À la fin de l’année dernière, elle a ainsi été sélectionnée par Levi’s pour devenir l’égérie de sa campagne publicitaire, et a eu l’honneur de défiler à la Fashion Week de New York. En somme, la star montante est également un modèle en devenir. Que demander de plus ? Iggy n’est néanmoins pas immunisée contre les faux-pas : sa chanson « D.R.U.G.S. », dans laquelle elle se comparait à un esclavagiste (« I’m A Runaway Slave Master »), n’a étrangement pas été du goût de tout le monde. On doute cependant que cette erreur de jugement freine son ascension : non contente d’être fréquemment vue en compagnie de Nas, elle a eu l’occasion de collaborer avec des pointures telles que Pusha T et T.I.. En mai dernier, Iggy Azalea a par exemple allié ses forces avec l’autre « rappeuse montante », Angel Haze, sur une reprise du morceau « Otis » de Jay-Z et Kanye West (Watch The Throne, rappelez- vous). Son premier album, intitulé sans fausse modestie The New Classic, devrait sortir en septembre prochain – inutile de dire que beaucoup de gens l’attendent au tournant. Puisse son ramage se montrer à la hauteur de son plumage.

Par Thibaut Goehringer
Photo : Sabine Mirlesse
Stylisme : Charlotte Renard

Iggy Azalea, The New Classic (Mercury/Universal)
Mixtape à télécharger sur www.iggyazalea.com