Ce sont deux groupes de rock garage très en vogue qui se font face aujourd’hui pour un duel au sommet. A ma gauche, veuillez accueillir les garçons vindicatifs de Deerhunter. A ma droite, ce sont les éclatantes filles de Savages qui défendent leur peau. 

Deerhunter tire son nom d’une série éponyme de jeux vidéo créée à la fin des années 2000 et dont les membres du groupe étaient fans. Qualifiant sa propre musique de « garage nocturne », la formation inspirée par Sonic Youth a sorti cette année son très acclamé dernier album, Monomania. Il s’agit du sixième disque que sort le groupe depuis sa formation en 2001 à Atlanta. Mené par la tête pensante Bradford Cox, également membre d’Atlas Sound, Deerhunter est signé sur l’excellent label indie 4AD aux côtés de Bon Iver, Purity Ring ou encore Twin Shadow. Ce n’est qu’en 2005 que sort leur premier album Turn It Up Faggot, empreint d’une grande mélancolie en réaction à l’accident tragique de leur bassiste quelques mois avant la sortie du disque. Plus tard, la formation reprend du poil de la bête grâce au soutien de leurs amis du groupe Liars et distille une shoegaze de grande qualité sur les albums Cryptograms (2007) et Microcastle (2008). A cette époque, Deerhunter assure d’abord la première partie de Ninch Inch Nails sur quelques dates, avant de se lancer en tête d’affiche aux côté de No Age et Dan Deacon pour une tournée savamment nommée « The No Deach Hunter Tour ». Après un gros hiatus en 2009 où les membres se sont dispersés dans des projets parallèles, leur album le plus abouti sort l’année suivante. Mixé par Ben Allen, qui collaboré sur plusieurs albums d’Animal Collective, Halcyon Digest est en effet un intense concentré de garage envoûtant. Aujourd’hui, Deerhunter continue à maintenir le niveau avec sa dernière fournée bien ciselée.

Par rapport à son rival masculin, Savages fait figure de jeune pousse. La formation s’est en effet créée en 2011 à Londres et est menée par la Française Jehnny Beth, ancienne membre du groupe John et Jehn. On pourrait définir leur genre musical comme du post punk. Sorti sur le label Matador Records (Cat Power, Belle and Sebastian, Majical Cloudz), leur premier et unique album Silence Yourself est une révélation. Intense et parfois viscérale, la musique jouée ici est d’une franchise désarmante. Cela se ressent intensément dans leur récent clip I Am Here, tourné dans une cave délabrée, dans lequel la longue introduction anxiogène laisse ensuite place à une explosion tonitruante de batterie. Avec un seul album à son actif, le groupe peut sembler un peu en rodage. Mais il n’en est rien. Ayant pour manager John Best, qui officie également auprès des oniriques Islandais de Sigur Rós, Savages provoque des ravages sur scène. Véritables garçons manqués éternellement vêtus de noir, ces quatre filles portent pourtant bien leur nom. Leur passage à Rock en Seine en début de première journée ne nous avait d’ailleurs pas laissé indifférents. Si vous les avez ratées, ne vous inquiétez pas, car elles seront très bientôt en tournée dans toute la France, en commençant par le Pitchfork Festival le 31 octobre prochain.

Au moment de choisir, mon coeur balance pour ces jeunes demoiselles sauvages. Certes, leur carrière est bien plus courte que celle de Deerhunter, mais Savages apporte un sang frais absolument vivifiant. On en redemande.

Par Benjamin-William Mauries