À seulement 21 ans, l’anglaise Beth Jeans houghton s’apprête à conquérir le monde avec un premier album déconcertant de maturité. Lorgnant du côté du glam-rock et de la pop, elle pourrait bien détrôner Florence + the machine grâce à sa fraîcheur et son enthousiasme. Rencontre avec une artiste libérée.

Né en 1990, Beth Jeans Houghton a toujours détesté l’école et plus que tout l’autorité. Une envie de liberté qui se ressent dans sa musique. Décomplexés, libres et inventives, les chansons de Yours Truly, Cellophane Nose scellent une iden- tité forte. Curieuse de tout en matière de mode comme de musique, la jeune Anglaise rappelle parfois Kate Bush à ses débuts pour ses talents vocaux mais aussi pour son art dans la compo- sition de chansons-univers. Il suffit de regarder ses vidéos pour le comprendre. Quelque part en Paris Texas et Lost Highway, Beth éblouie son petit monde, rappelant une version 2012 de Julie Cruze. Rencontrée à Londres pour un shooting mode, elle s’est prêtée au jeu de la séance photo avec joie, humour et gentillesse déconcertante.

Comment décrirais-tu ta musique ?

La vérité à travers mes émotions et les gens que je connais. L’amour pour mon groupe documente aussi mes disques et mes performances live. La création est une thérapie et une nourriture de l’esprit pour moi et le groupe.

Quelles sont tes influences musicales ?

Ça change toutes les semaines ! Quand j’étais enfant, j’écoutais de la musique des 50’s, 60’s et 70’s. Puis, j’ai pas mal écouté Bowie, Marc Bolan, Bob Dylan, Buddy Holly, The Shangri-Las. À l’adolescence, beaucoup de psychédélisme 60’s et 70’s et du garage, du gospel et de la musique clas- sique. Les Rolling Stones aussi, Melanie Safka… Maintenant, j’écoute plutôt du psyché et du freak beat avec des groupes comme Lemon Pipers, The Milkshakes, Arlo Guthrie et Joe Cocker.

Tu viens de Newcastle. Est-ce une bonne ville pour grandir et devenir musicien ?

J’ai eu une enfance normale, Newcastle est un joli endroit. Rien de vraiment affreux ne se passe là-bas donc… Je ne pense pas que ce soit une ville très inspirante artistiquement. En tout cas, ça n’inspire pas ma musique et n’influence pas mes décisions de carrière… Si j’étais née à un autre endroit en Europe ou aux États-Unis, peut-être que ça aurait changé quelque chose. La musique que j’écoute depuis que je suis enfant et les groupes qui m’ont fait aimé et faire de la musique viennent principalement des États-Unis !

Quels sont les endroits où tu aimes sortir à New- castle ?

Mon endroit préféré dans cette ville est mon lit et ma maison, où la maison de ma mère. Je voyage tellement que quand je suis à Newcastle, je préfère rester tranquille. Mes meilleurs amis font partie de mon groupe, je les vois tous les jours ! Quand on enregistre, quand nous sommes en tournée ou juste à la maison, nous sommes tous très proches. Autant physiquement que mentalement. Un endroit où j’adore aller, c’est Heaton Perk Coffee Shop. Si je veux avoir de la compagnie, je sais que j’y croiserai toujours des connaissances !

Est-ce que tu penses que la musique est indissociable de la mode ?

Je pense que ma musique et la mode sont associées parce que les deux sont des représentations de mes sentiments à chaque instant. Mon style change constamment, comme en musique, j’ai tellement de vêtements différents ! Là, je suis en tournée, il fait froid et je suis loin de chez moi. Je porte donc des vêtements qui me rappellent la maison : un jean de ma mère et un sweatshirt Jupiter. J’ai aussi un maillot de hockey Chicago Black Hawks. Les chansons que j’écris racontent souvent ça quand j’y pense : que mes proches me manquent, que je ne peux pas être près d’eux. La semaine prochaine, je me sentirais peut être plus enthousiaste, j’écrirais des titres dansants et je porterais des mini jupes !

Et comment décrirais-tu ton style vestimentaire ?

Mon style représente ce que je ressens sur le moment. Ça ne revendique rien, ça préfigure seulement ce que l’on peut penser de moi.

Selon toi, qui est la pop star la mieux lookée ?

Il y a pas mal de pop stars qui ont un super style, même si la plupart se ressemblent et n’ont pas d’originalité. Bien avant Lady Gaga et Nicky Minaj, il y avait plus de 50 ans de mode beaucoup plus originale en musique. Quand on pense à David Bowie, Marc Bolan de T-Rex ou encore Madonna, c’était très novateur pour l’époque ! Mais aujourd’hui, la culture pop va bien trop vite. Il n’y a plus de longues carrières, et la pro- vocation vestimentaire ne fonctionne plus, tout a déjà été fait ! On vit une période de transition. Nous nous devons d’apprendre des générations d’avant pour pouvoir se renouveler, pour pouvoir comprendre d’où vient la musique pop. Quand je regarde les kids maintenant, j’ai l’impression de voir un océan de personnes qui pensent que Flo- rence Welsh a vraiment écrit You Got The Love et que Amy Winehouse a composé Valérie ! Les gens ne savent pas que c’est en fait Candi Staton qui a chanté de tout son cœur la version originale. Ce qui me rend dingue, c’est que maintenant il y a beaucoup trop d’argent en question dans l’indus- trie musicale, ce qui nuit vraiment à la créativité, à l’aspect artistique. Et c’est la même chose pour la mode ! Avant que Lady Gaga porte des sou- tiens-gorge métalliques, c’était Peaches, et avant Peaches, c’était Madonna, et avant Madonna, il y avait Marylin Monroe. Ce n’est pas une mau- vaise chose de réutiliser le passé, le problème commence quand les artistes ou les fans ignorent les origines de leur art.

As-tu des créateurs de mode préférés ?

J’adore Mary Quant, Pam Hogg, Wild Fox Couture, Emma Bell, Jeffrey Campbell… Mais plus que tout les friperies et les ventes de charité. (rires)

Et quelle est ta pièce favorite dans ton armoire ?

En ce moment, ma meilleure pièce, c’est mon Jersey Chicago Black Hawks. Je l’ai trouvé dans un charity shop à Hexham, un petit village à quelques kilomètres de Newcastle. C’était assez amusant de trouver ça dans un endroit pareil. J’aime quand les vêtements ont une histoire. J’adore aussi ma paire de black buffalo platform trainers et aussi ma fourrure blanche Campbell Lita. Sinon, je n’ai rien d’honteux dans ma garde robe, j’assume tout !

Vu que tu voyages beaucoup, est-ce que tu as une histoire folle de tournée à nous raconter ?

Les choses les plus folles sont arrivées quand nous étions en tournée avec le groupe Stornaway. Nous étions en train de rentrer d’un festival en Norvège et nous n’avions pas dormi de la nuit et il fallait que nous prenions un avion pour Londres. Sauf que le batteur de Stornoway était tellement bourré qu’il s’est écroulé dans l’aéroport. On  a raconté à la sécurité qu’il était narcoleptique pour qu’il puisse embarquer dans l’avion !

Et ton pire souvenir de tournée ?

Voyager avec mes amis et jouer de la musique, c’est que j’aimerais faire toute ma vie. J’adore la vie sur la route surtout quand le groupe est composé de mes meilleurs potes. La pire chose en tournée, c’est que c’est impossible de trouver de la nourriture saine. La seule source, c’est d’aller dans une station service pour manger un sand- wich froid le tout en marchant sur des préserva- tifs usagés…

Que fais-tu quand tu ne fais pas de musique ?

Je l’écoute ! Je lis également énormément. En ce moment je lis un recueil d’interviews de Hun- ter S. Thompson (auteur de Las Vegas Parano, N.D.L.R). Je regarde aussi la série Starsky & Hutch, l’original des seventies. Et je sors avec mes amis.

Avec qui aimerais-tu collaborer ?

Je n’ai jamais eu l’intention de collaborer avec un artiste. J’ai déjà trop d’idées à mettre en œuvre ! Je préfère d’abord faire les choses par moi-même plutôt que de laisser les autres écrire pour moi. Et je suis trop têtue et bornée pour écrire avec quelqu’un d’autre. Et je ne supporte pas de don- ner mon travail à d’autres personnes. Un mec que j’admire par dessus tout, c’est Van Dyke Parks, c’est un musicien/arrangeur/producteur incroyable et son amour pour la musique m’ins- pire. J’adore aussi les chansons et surtout la voix de Ryan Sambol, le chanteur de Strange Boys. Tout le monde devrait aller les voir en concert, ils sont incroyables.

Est-ce que tu as d’autres projets ?

En ce moment, je me focalise vraiment sur ma musique. On est dans une bonne période créative avec le groupe. On se sent unis comme jamais. Je n’ai jamais autant pris de plaisir en faisant de la musique qu’en ce moment. Dans le futur, j’aimerais bien avoir une sorte de side project avec d’autres personnes. Mais pour l’instant, je suis bien avec mes amis. On va commencer à travail- ler sur notre prochain album.

Chronique

Dès les premières notes de Sweet Tooth Bird, on se glisse avec émerveillement dans l’univers baroque de Beth Jeans houghton, rappelant souvent l’âge d’or du glam rock pour ces arrangements lumineux. Do- decahedron (qui figure sur notre sampler) aurait pu être la meilleure chanson de Florence + the machine (sa concurrente directe) avec plus de délicatesse. empruntant autant à la pop mainstream qu’à des artistes avant-gardistes (elle a grandit en écoutant Frank zappa et adore tunng), sa pop rêveuse met en avant un goût pour l’expérimentation au service de chansons pop haute.couture. Ce premier album an- nonce une carrière inspirante et la place déjà parmi les grands. de l’art.

Beth Jeans Houghton & The hooves of Destiny,
Yours Truly, Cellophane Nose (Mute/Naïve) www.myspace.com/bethjeanshoughton

Propos recueillis par Guillaume Cohonner
Photos Kate Bellm
Réalisation Flora Zoutu