Disparu depuis plusieurs dizaines d’années, le film d’animation de Eiichi Yamamoto ressurgit aujourd’hui sur les écrans. Une fable mystique et érotique au dessin fantastique, aujourd’hui rééditée pour le plus grand bonheur des amateurs de films presque disparus.

La Belladonna des Tristesses, c’était jusqu’à présent un film de 1973 dont il ne restait que quelques gifs sur Tumblr. Le visage fin d’une jeune femme éplorée, couronné d’une épaisse chevelure à la couleur changeante, et rien de plus ou si peu. Un trailer sur Youtube et c’était tout. De la Belladonne, il ne subsistait que ces infimes fragments. Elle avait la beauté d’un paradis perdu, d’un souvenir que l’on a trop longtemps chéri et sur le point de disparaître de la mémoire du monde.

Courant 2016, le film débarque à nouveau sur nos écrans en fanfare : une version restaurée, rééditée en Blu-ray et sous-titrée en français. C’était presque trop beau pour être vrai. Diffusée dans quelques cinéma privilégiés, la Belladonne renaissait sous nos yeux, dans toute sa splendeur. Les affiches ont évidemment fleuri un peu partout et c’était à nouveau une grande première. Cette femme si belle et qui semblait si fragile apparaissait toute de noir vêtue, la tête surmontée de cornes noires et dominant les flammes qui s’étalaient derrière elles. En contraste avec les dernières images subsistantes de Jeanne, la Belladonne, l’affiche révèle pourtant sa vraie nature, celle d’une sorcière.

belladonna_sadness-afficheEffectivement en y regardant de plus près, on trouve dans cet accoutrement tous les ornements de Maléfique, la sorcière de la Belle au Bois dormant telle qu’elle a été imaginée par les studios Disney. Or, le scénario de la Belladonna des tristesses puise allègrement dans le conte de Michelet, La Sorcière. Soit l’histoire d’une jeune femme au Moyen-Âge qui connaît les déboires de sa condition de paysanne dans une société féodale.

Si le film malmène son héroïne, entraînant parfois le spectateur, la véritable force du film réside essentiellement dans son aspect visuel. Eiichi Yamamoto a su se saisir avec talent de la passion pour l’Art Nouveau qui animait alors les années 70 pour l’entraîner dans un univers psychédélique et ésotérique. La femme est aimante comme dans un tableau de Klimt, les corps torturés comme dans un dessin de Schiele. La Belladonne a le visage des poupées qui posent dans les magazines d’alors : traits dessinés, crinière bombée et frangée, regard ourlé de lourds cils que Twiggy aurait sans doute envié. Les images ont beau s’enchaîner dans une certaine folie, elles offrent un spectacle dont la composition s’imprime dans la mémoire. Pour accompagner ce ballet tragique, le film assorti ses images avec une musique oscillant entre rock et jazz psyché, transformant le visionnage en une expérience proche du rêve, à la fois chaotique et sublime. 

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Si vous voulez tenter l’expérience pas forcément tendre de cet objet cinématographique bizarre, le film est diffusé à Paris, le jeudi 24 novembre à La Cinémathèque, à 20 heures.