Yann Turchi est un coiffeur – dit hairstylist – mode et expérimental vivant à Paris. Désormais en freelance, il est représenté par Bryan Artist, une agence de création indépendante représentant coiffeurs, maquilleurs, stylistes, décorateurs et directeurs de casting. Un panel de métiers auxquels celui d’hairstylist, parfois méconnu du grand public, tire son épingle du jeu. Coiffures texturisées, presque imparfaites, Yann Turchi joue avec les mèches pour questionner la beauté, une force dans le milieu de la mode. Avec de multiples collaborations à son actif – Shay, Arca, Lous and the Yakuza ou encore Sally – il touche du doigt l’industrie musicale par ses coiffures audacieuses. Petite conversation avec un artiste du cheveux qui est dans l’air du temps.

@NicolaDelorme

Comment es-tu devenu hairstylist ?

J’ai vraiment commencé la coiffure quand j’avais environ 16 ans. À l’époque, je vivais dans ma ville natale, situé dans l’est de la France, où j’étais dans un lycée assez ennuyeux. Je ne savais pas quoi faire de ma vie, car ma famille a toujours voulu que je fasse de longues études. Tout ce que je savais c’est que j’aspirais à travailler avec mes mains. À ce moment-là, ma mère n’avait pas assez d’argent pour m’envoyer dans un Salon, alors j’ai commencé à couper les cheveux de mon frère, ainsi que les miens et j’ai adoré ! L’un de mes amis a vu ce que je faisais, et c’est ainsi que j’ai eu ma première clientèle, qui m’a suivi pendant des années. Ce fut difficile à l’époque pour que ma famille accepte mon choix, parce que les coiffeurs n’avaient pas – et n’ont toujours pas pour beaucoup de gens – une bonne réputation, mais je me suis toujours dis qu’il ne tient qu’à soi même de réaliser ses rêves, je suppose.

Comment trouves-tu tes inspirations ?

Je m’inspire de tant de choses que c’est difficile de dire, mais c’est surtout ce que je vois tous les jours, les gens dans la rue, ma famille, mes racines, les vieilles images, l’art etc. J’aime aussi m’inspirer de choses qui n’ont vraiment aucun rapport avec les cheveux et laisser mon esprit se les approprier. Je trouve cela plus intéressant, parce que vous allez au-delà de la simple coiffure et vous ne vous fixez aucune limite. C’est comme cela que j’ai commencé à travailler, avec différents matériaux tels que l’époxy, l’argile, etc.

© Adam Peter Johnson

Tu as collaboré avec de nombreuses artistes, comme Shay, Lous et The Yakuza, plus récemment Sally, et tu sembles avoir une relation étroite avec le monde de la musique. Quel est ton but dans ce travail ?

Tu sais, j’ai l’impression que trouver ton but dans ce boulot est assez dur, c’est un long processus. Comme je suis un jeune coiffeur, je pense que je suis encore en train de comprendre qui je suis et quelles sont mes fonctions en tant que coiffeur. Jusqu’ici, j’essaie d’exprimer ce que la beauté représente pour moi et pour les gens qui me ressemblent. J’aspire à travailler pour la culture et l’éducation, et chercher à montrer différentes manières de travailler, ainsi que d’ouvrir les esprits sur ce qu’est une “belle coiffure”. Travailler avec toutes ces personnes m’a certainement aidé à m’en faire une idée et à trouver mon chemin pour enfin réaliser ce que je voulais faire !


Ton travail est parfois très surréaliste (créatures étranges, perruques futuristes, identité non définie). Qu’est-ce que cela représente pour toi ?

Cela ne fait que souligner mon esprit et ce que je trouve beau et intéressant.


C’est quoi être hairstylist en 2020?

Je pense qu’être coiffeur en 2020, est devenu mieux qu’avant. Ce que je veux dire, c’est que les gens réalisent lentement que d’être un coiffeur est plus que juste couper les cheveux et faire une couleur. Il est aussi sujet de votre sensibilité et de votre vision; Quant un client vous “book”, c’est désormais plus pour votre compétence et votre capacité, que simplement parce que vous êtes coiffeur. Me concernant, je sais que mon travail m’a amené à un endroit privilégié et je le reconnais tous les jours de ma vie. Je sais que c’est encore difficile pour beaucoup de mes paires, cela dépend de votre environnement. Pour bon nombres de coiffeurs, cela signifie encore de nombreuses heures de travail, parce qu’ils ne peuvent pas augmenter leur prix à leur juste valeur sans perdre leurs clients.

J’espère véritablement que les gens vont enfin accepter de payer le prix pour un bon service, au lieu de demander un prix bon marché et ensuite s’en plaindre parce qu’ils auront eu un mauvais service (qui correspondait au final au prix qu’ils ont payé). Mais cela exigerait un travail avisé de la part de l’industrie concernant la routine beauté. Selon moi, la norme devrait être reconstruite depuis le départ. Depuis des années,  Salon et marques ont vendu une fausse image de cette routine. Cependant, est-ce que tout le monde est prêt à le faire ? Je ne sais pas…

“Mon dernier mot serait de continuer à lutter pour l’amour, le respect et l’égalité, ce qui est rare dans cette industrie. Mais cela change et j’espère que notre génération ne fera pas la même erreur que nos aînés. Et pour cela, nous devons garder à l’esprit l’histoire, c’est ce qui permettra de ne pas reproduire les mêmes erreurs et de créer un meilleur avenir.”

Quels sont tes projets pour le futur ?

J’ai beaucoup de projets, mais je travaille toujours en silence, donc si vous souhaitez en savoir plus sur mes prochains projets, restez au courant…

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