En ce début d’année Barry Henkerson, l’oncle d’Aaliyah, a annoncé qu’un album posthume de la chanteuse sortirait courant du mois de janvier : « Unstoppable » ! Une annonce mi-figue mi-raisin, entre euphorie de certains fans et controverses.
Unstoppable
En effet, en plus des liens du sang, Barry est le fondateur de l’ancien label d’Aaliyah « Blackground Records ». De ce fait, c’est lui qui détient les droits de sa musique et qui a permis récemment la publication de sa discographie sur les plateformes de streaming, après plusieurs décennies d’attente. Entre temps, nous avons pu entendre ça et là des projets posthumes d’Aaliyah, comme « Don’t think they know » avec Chris Brown, « Enough said » avec Drake ou encore plus récemment « Poison » avec The Weeknd. Mais là “Unstoppable” incarne un projet long-format avec plusieurs titres orchestrés autour de pistes de voix de la chanteuse et notamment quelques featuring de Snoop Dogg, Future, Drake, Ne-Yo et Chris Brown.
Est-ce que les albums posthumes respectent le processus créatif des artistes défunts ?
La question que l’on peut alors se poser légitime à tout projets posthumes, est-ce que le processus créatif de l’artiste a été respecté ? De facto les pistes sélectionnées pour les albums posthumes sont celles qui n’ont pas été choisies pour figurer dans la discographie du vivant de l’artiste. Elles ne se seraient donc pas distinguées auprès de ce dernier, mais très possiblement non plus auprès du management. Management qui voit finalement un potentiel artistique à ces pistes après le décès de l’artiste. Dans le cas d’Aaliyah, Barry défend la légitimité du projet auprès du Billboard magazine notamment en avançant la participation à la production de Timbaland sur un des titres de l’album en featuring avec Chris Brown.
C’est du r’n’b vintage (…) je m’attends à ce que celui-ci suscite également une réaction très spéciale de la part des auditeurs. Barry Hankerson
Il est vrai qu’Aaliyah avait beaucoup collaborer de son vivant avec le producteur qui produit à l’époque notamment 3 titres sur son troisième et dernier album studio « Aaliyah ». Mais rappelons que « Aaliyah » c’est aussi et surtout la patte de Stephen Garrett alias Static Major qui est derrière 9 titres sur 13. Étant lui-même décédé on peut se demander si l’identité artistique d’Aaliyah façonnée dans les dernières années de sa carrière par Static, pourra perdurer sans le maestro et sa muse ?
Voici quelques démo de Static pour Aaliyah et vous constaterez qu’elles sont pratiquement identiques aux versions de la chanteuse. Que cela soit en termes d’harmonies ou de placement de voix.
Des collaborations qui font la controverse
En plus de la légitimité des titres, on peut se poser la question de la légitimité des collaborations. Étaient-ce des artistes que la chanteuse appréciait ? Ou tout simplement aurait-elle, de son vivant, voulu s’y associer ? Des questionnements sans réponse qui s’en sont allés avec notre Babygirl. Néanmoins nous pouvons constater avec surprises que l’entièreté des voix présentes sur « Unstoppable », hormis celle d’Aaliyah, sont des hommes. Ce constat a fait grincé des dents les fans de la chanteuse, ce qui terni l’image de l’album qui se veut être un hommage près de 21 ans après le décès d’Aaliyah. Il est vrai que la scène r’n’b actuelle regorge de chanteuses qui avouent s’inspirer de Babygirl que cela soit stylistiquement ou musicalement. On peut citer H.E.R, Snoh Alegra, Tinashe, Teyana Taylor ou encore récemment Normani avec « Wild side » qui utiliserait un sample non autorisé de « One in a million ». On peut également évoquer Autumn Marini qui est signé chez « Blackground Records » et manager par nul autre que Barry Henkerson. D’ailleurs nous ne pouvons nous empêcher de remarquer une ressemblance dans l’imagerie d’Autumn avec celle d’Aaliyah. On y retrouve certains codes qui ont fait l’ésthétique de la défunte comme les grosses lunettes, le style afro-futuriste, les chorégraphies et les paroles explicites.
Alors, qu’en est-il réellement des albums posthumes ? Sont-ils un cadeau fait aux fans pour maintenir l’héritage des artistes disparus ? Ou est-ce un moyen pour les ayant droits de capitaliser sur leurs noms ? Sortons de la vision manichéenne des choses car tout ne peut être tout blanc ou tout noir, il subsiste quelques nuances. Prenons le cas du regretté Pop Smoke par exemple, son album « Shoot for the stars, aim for the moon » sorti après sa mort a été acclamé tant par la critique que par les fans. Point important, il s’agissait du premier album du rappeur qui était finalisé à 80% avant que la mort ne l’emporte. Donc une œuvre orchestrée à sa grande majorité par l’artiste lui-même. A contrario, son deuxième album posthume « Faith » n’a pas rencontré le même succès et a été particulièrement critiquer par l’entourage de Pop Smoke.