Directeur artistique de Zadig & Voltaire Music, le label de la marque éponyme, Thomas Pieds est convaincu de l’importance de sa démarche dans l’état de crise actuel de l’industrie musicale. Réalisateur avant tout, mais musicien et producteur de formation, il souhaite travailler autrement dans l’industrie du disque, ou avec elle, sans céder à la facilité.

Eclos discrètement l’année dernière, Zadig & Voltaire Music avait au premier abord de quoi faire grincer des dents. Loin de se lancer en grande pompe pour faire danser les minettes à mèche, la première signature du label, Playground, passe assez inaperçue, et le groupe se sépare après la signature malgré un relatif succès. Suit une compilation assez sélecte pour paraître pointue aux cibles de la marque, oscillant entre découvertes (The Ritch Kids, The Dodoz) et confirmations de bon ton (MGMT, Julian Casablancas). L’homme derrière cette affaire, c’est Thomas Pieds, ami du fondateur de Zadig & Voltaire, Thierry Gillier. C’est leur oreille commune qui leur a donné l’idée de faire un pas vers l’autre. Pleinement conscient de la difficulté de légitimer son entreprise et de la mauvaise réception du co-branding en France, il défend la sincérité de sa démarche. « Il n’y a pas eu d’études de marché, on a fait ça de manière instinctive. Le but, de prime abord, est de signer des groupes afin de permettre à des albums d’exister, et de mettre ces artistes que l’on aime en avant. Le label est uniquement là pour le justifier, car il sera toujours moins fort que la marque . La marque, justement, parlons-en. C’est de manière récurrente que zadig & voltaire utilise l’image d’icônes musicales modernes, comme Mark Ronson ou les Kills lors de la dernière campagne. Alors, à l’avenir, les signatures du label ne seront-elles pas appelées à servir de vitrines à la marque ? « Attention, il ne s’agit pas d’un véritable co-branding, nous voulons éviter de mélanger notre musique avec les fringues : nous tenons à ce que les deux soient séparés car la crainte est de faire du vampirisme, ce n’est pas possible. On ne souhaite pas les intégrer aux campagnes mais qu’ils rencontrent le succès d’eux-mêmes. » On comprend mieux cette noble éthique lorsque l’on creuse le vécu de l’homme : actif dans le monde de la musique depuis dix ans, tour à tour compositeur et producteur, il s’est heurté à la sclérose de l’industrie et à sa réticence à se renouveler. son prochain film en tant que réalisateur aborde justement le sujet, sous la forme d’un polar cynique sur fond d’industrie musicale pourrie, avec en prime Murray head dans son propre rôle et dénonce « cette France qui détourne, manipule et abrutit tous les jours, en toute impunité. Il est dommage que dans les domaines de la création, on ne sache plus communiquer que de manière propagandiste, et finalement autoritaire. Les pôles de résistance médiatiques, la presse indépendante, ne pourront contrer cette tendance, à moins de la dénoncer sans relâche. » si, selon lui, la France n’est pas le pays de la musique, avec des codes erronés et vieux jeu, zadig & voltaire Music se poserait en tant que nouvelle voie hors du système. Ce n’est pas la seule. D’ailleurs, d’autres marques se sont finalement lancées dans l’aventure, telles April 77 ou Diesel, mais c’est plutôt une bonne nouvelle pour lui. « Travailler avec la mode, c’est la possibilité de toucher d’autres communautés, encore réceptives à des valeurs, et toujours en demande d’émotions esthétiques. ». Avec comme fantasme ultime l’aboutissement d’un festival zadig & voltaire, il se concentre pour le moment sur les nouvelles sorties. The What’s her Name et leur rock cru tout d’abord, puis un combo français d’électro pop-rock qui sortira son premier album en mars, et peut-être un groupe anglais avec lequel il est toujours en négociation. Et les compilations récurrentes, dont la prochaine aura une thématique bien définie.

www.zadigetvoltairemusic.com

Propos recueillis par Guillaume Cohonner et Ottavia Pellemoine
Photo : Luc Valigny