C’est après avoir fait ses armes dans le milieu de la musique que Matthew Williams a décidé de créer sa propre marque, Alyx. Finaliste du dernier Prix LVMH, il est aujourd’hui couronné de succès grâce à une mode aussi sophistiquée que décontractée, multipliant les influences et les clins d’œil aux sous-cultures qui ont bercé son adolescence.

Que faisais-tu avant de lancer Alyx ?
J’étais directeur artistique dans l’industrie musicale. Je touchais un peu à tout : des costumes de tournées aux partenariats entre des marques et des artistes, en passant par toute l’imagerie qui se développe autour d’une personnalité, qu’il s’agisse de visuels d’albums, d’opérations marketing, de performances télévisées ou de séances photographiques. Cela m’a beaucoup appris, je devais être capable de prendre des photos, de créer des vêtements ou d’endosser le rôle de styliste. En plus du savoir acquis, j’ai eu la chance de construire de vrais liens avec des personnes issues de la communauté artistique, qui m’ont aidé à lancer Alyx.

La mode a-t-elle toujours été une passion pour toi ? Est-ce que tu savais qu’un jour, tu fonderais ta propre marque ?
C’était un rêve depuis mon premier séjour en Europe, à l’âge de 16 ans. Pendant ce voyage, j’ai visité des boutiques à Paris et à Londres, je suis allé en Scandinavie, en Allemagne. C’était la première fois que je sortais des États-Unis et la façon dont les gens s’habillaient m’a réellement inspiré. Les réseaux sociaux n’existaient pas, différentes sous-cultures influençaient la mode de chaque pays, ce n’était pas aussi uniformisé qu’aujourd’hui. Un bon exemple, c’est Diesel, une marque très prisée en Europe : j’avais remarqué que les jeans vendus en Californie étaient totalement différents de ceux qu’on trouvait à Paris, en Italie, en Scandinavie… Cela a été une révélation, je me suis rendu compte des différences propres à chaque pays. Je ne savais même pas comment créer un vêtement, j’aimais juste l’énergie dégagée par la mode qui s’entremêlait à celle des gens, de la musique, de la culture. Puis, quand je suis rentré en Californie, j’ai commencé à travailler avec un ami qui avait fondé sa propre marque.

Avoir grandi en Californie, cela inspire tes collections ?
Oui, c’est toute mon adolescence, donc on retrouve forcément des éléments californiens dans mes créations. Mais l’idée que le monde se fait de la Californie est assez éloignée de la réalité, ou en tout cas n’en présente qu’une facette. C’est comme les photographies de Bruce Weber qui ne révèlent qu’un certain aspect de l’American Boy. J’essaye de créer ma propre vision de la Californie. Cela me vient naturellement, sans trop d’efforts parce qu’Alyx est un projet très personnel. En revanche, je ne suis pas dans la nostalgie, je veux créer des vêtements modernes, amener la mode vers le futur. S’inspirer de ce qui a été un succès dans le passé, c’est jouer la facilité, c’est ennuyeux. Donc… Fuck nostalgia !

Tu étais un des finalistes du Prix LVMH. Quelle a été ta réaction quand tu as appris la nouvelle ?
Super excité, super heureux d’être reconnu par LVMH qui domine l’industrie du luxe et a contribué à la réussite de marques emblématiques et de tant de créateurs talentueux. Venir de Californie et avoir la possibilité de créer des vêtements en Europe, de faire partie de cette communauté, c’est incroyable.

Quel impact peut avoir une nomination pour un prix aussi prestigieux, surtout pour une marque relativement jeune ?
Quand j’ai commencé, mes vêtements étaient réalisés dans des ateliers en Californie, où ils ne font que du jean et des t-shirts. Ce n’est pas considéré comme de la mode. La mode, elle est en Europe, c’est presque impossible d’y percer. Lorsque je fais faire des vêtements en Italie, par exemple, je prends conscience que j’ai alors les moyens de retranscrire ma vision de la façon la plus fidèle. Aux États-Unis, c’est vraiment compliqué de produire mes créations. Cette nomination, c’est aussi une opportunité d’avoir l’avis de professionnels. Alyx est un projet que je veux partager avec tout le monde et être en mesure de le faire, c’est formidable. Enfin, la visibilité de la marque en a aussi profité, donc c’est une expérience exceptionnelle. Je suis vraiment fier d’en avoir fait partie.

La mode est un peu bousculée en ce moment, qu’il s’agisse de nouvelles façons de présenter des collections, de nouvelles façons de consommer. Que penses-tu de ces changements ?
La mode a toujours été le miroir de l’époque où elle surgit. Actuellement, le monde change, c’est le chaos. Il est donc évident que des systèmes bien établis meurent petit à petit tandis que de nouveaux se mettent en place. Aujourd’hui, nous sommes dans une période de transition qui fait écho à la façon dont les gens communiquent, consomment, à ce qu’ils veulent ressentir. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises manières de réaliser une chose, il faut juste que chacun trouve ce qui lui correspond : comment faire passer un message, communiquer le mieux possible avec ses clients ? Le monde est étrange de nos jours, les gens possèdent déjà plein de choses donc il faut leur proposer de la nouveauté, créer intelligemment.

Qui est la femme Alyx ?
Je veux qu’elle se sente puissante. La musique donne aux gens l’énergie de traverser les épreuves de chaque jour et je voudrais que mes vêtements aient ce pouvoir. Dans nos collections, des pièces peuvent être portées par une adolescente, d’autres par une femme adulte, et certaines par ces deux catégories, mais de façon différente. Je veux que chaque femme puisse trouver quelque chose chez Alyx, sans que nos collections partent non plus dans tous les sens. Moi-même, j’adore mélanger les influences. Par exemple, je porte des chaussures de randonnée avec un pantalon de costume et des bracelets offerts par mon ami Kim Jones. Dans ma tenue, un élément pourrait venir de la garde-robe d’une ado grunge, un autre de celle d’un banquier, d’un vieil homme…

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Une personne qui t’inspire ?
Ma femme.

Quels projets pour la suite ?
Notre collection printemps-été en octobre !

Un plaisir coupable ?
Le chocolat.

Quelle chanson chantes-tu sous la douche ?
« Love Yourself » de Justin Bieber.

Une phrase fétiche ?
«As you were, I was. As I am, you will be» de Hunter S. Thompson

East Coast ou West Coast ?
Les deux ! Paix et fraternité !

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alyxstudio.com

Article originellement publié dans le numéro 49 de Modzik, disponible sur notre e-shop.