La Fashion week Haute couture est finie. C’est l’occasion pour nous de faire le point sur cet événement de l’excellence française. Julien Fournie nous ouvre alors ses studios. Pour son show, le couturier Julien Fournié a choisi de faire défiler 27 silhouettes dont des pièces de prêt-à-porter.

Pourquoi avez-vous voulu faire de la mode ?

Pour moi, la mode est moins à la mode qu’à une période. Alors si j’ai décidé d’arrêter médecine pour faire de la mode, c’est parce que je me suis dit que ça allait changer le monde. C’est un message non verbal. A la base, le vêtement sert à se vêtir et à se préserver et à se définir. Quand on met un pantalon ou un chemisier ou même un rouge à lèvres, on veut montrer qu’on fait partie de notre temps, on veut raconter une histoire, que nous sommes à la pointe, que nous connaissons les tendances et que nous suivons une certaine définition de femmes actuellement très en vue. Quand on a une maison de couture, on se doit d’être visionnaire, de projeter notre univers sur les 2 ou 3 prochaines années. On est dans une obsession de définition des lignes qui vont faire la mode dans les années prochaines.

Comment êtes-vous arrivé là ?

La Haute couture est de la recherche et du développement. Ca se fait dans des ateliers parisiens. Pour avoir le label HC (je ne peux pas dire Haute couture mais juste couture car je ne suis que membre invité du calendrier) il faut du temps et les bons parrains pour être membres complets. On doit avoir des ateliers français, parisiens obligatoires. Si toutes les marques et créateurs se battent pour défiler à Paris, en couture comme en prêt-à-porter, c’est peut-être qu’en fin de compte, c’est encore ici qu’on est vraiment libre dans son expression de design et qu’on peut faire de la mode pour faire du vêtement, moins marketing et moins commercial. On vient chercher à Paris cette liberté d’image qu’on n’a pas à NY ou Milan.

Et Londres ?

Si Mcqueen fait tout ce barouf pour venir à Paris, c’est que finalement ce n’est pas pour rien. Paris reste la capitale des lumières modeuses. Il y a toujours des fanfarons qui font des choses incroyables et tant mieux mais au final les marques établies et les marques en devenir viennent défiler à Paris.

Pourquoi de la Haute couture ?

Pour moi c’est l’excellence. C’est un savoir faire français, à la main, avec une première d’atelier avec un processus extrêmement défini et décisif dans la construction de vêtements. J’ai été DA de la Maison Torrente, assistant de Jean-Paul Gaultier, j’ai travaillé chez Montana, avec McQueen chez Givenchy, mais je ne voulais plus être dans les mains des investisseurs qui ne savaient pas où mettre l’argent et j’ai mis la casquette de président de société donc du businessman car je voulais être maître de mon destin.

Et comment rentre-t-on dans le calendrier ?

Avoir un parrainage de grandes marques, défiler dans le calendrier off, montrer patte blanche, montrer qu’il y a une identité commerciale derrière et qu’on fait quand même des ventes en Haute couture et avoir un parrainage de maisons prestigieuses. Et là on est invité.

Ca change quelque chose pour vous ?

Dès lors qu’on est adoubé par la chambre syndicale de la Haute couture, on a le label donc l’excellence parisienne. Ca intéresse la presse et les clientes. De plus en plus, nous implosons.

Quelles sont les qualités designers Haute couture ?

Je ne suis pas designer mais couturier. Dès que je dessine en 3D je pense à sa fabrication et aux volumes. Je suis très proche de ma 1ère d’atelier. Je le dirais toujours, une collection de HC se fait dans les ateliers et pas dans sa tour d’ivoire.

Ca se fait beaucoup le 3D ?

Je suis un pionnier. J’ai créé le FashionLab avec Dassault Système pour les logiciels de demain pour les designers qui vont vouloir travailler en 3D mais aussi révolutionner toute la ligne de fabrication pour le prêt-à-porter. Le but est de créer une dématérialisation afin que le créateur soit de plus en plus proche de sa cliente finale comme dans la Haute couture. Les métiers de la main HC pourront s’appliquer à un modèle économique du prêt-à-porter. La dématérialisation et la connexion pourront nous aider. Le FashionLab est un incubateur d’idées de design en 3D, un outil de développement inside the cloud pour connecter les gens plus rapidement. Je travaille avec 17 ingénieurs pour développer des solutions et des expériences nouvelles liées à la 3D. Certaines ont déjà été rachetées par des maisons de prêt-à-porter ou de couture pour les appliquer. Je suis un rat de laboratoire. On teste les produits sur mon univers.

Varier c’est important pour vous ?

J’adore dessiner. Je viens d’un cursus médical, médecine, avec la tête sur les épaules qui m’a donné une facilité de compréhension scientifique pour pouvoir discuter et trouver le vocabulaire adéquat pour parler à des ingénieurs. C’est parfois le pot de terre contre le pot de fer quand un designer va parler couture à des ingénieurs qui vont parler de beat, temps par seconde et grands calculs. Il fallait pouvoir faire passer de l’enthousiasme à ces gens et en même temps au final être didactique.

Et le mystère des clientes Haute couture ?

Nous ne communiquons pas sur les clientes car dès lors qu’on achète une robe à 40 000 euros, on n’a pas envie de faire savoir qu’on l’a acheté à ce prix et on ne veut pas se répandre dans la presse. Ce ne sont pas des comédiennes ou des chanteuses qui s’offrent des robes comme cela. En général ce sont des sublimes porte-flambeaux de la marque et in fine nos clientes viennent en catimini chez nous et on les cajole. Elles viennent se définir à travers notre univers. Nous les aidons à se définir à travers notre travail. On ne vend pas une sape. On fait entre 5 et 6 essayages. Nous allons souvent en Arabie Saoudite pour faire les derniers ourlets. Nous devons vendre de l’excellence parisienne. Les plus grandes clientes HC sont là-bas. J’habille les plus jeunes filles, la nouvelle génération. Elles ont entre 16 et 22 ans. Elles voient quelque chose qui leur plaît et je dessine ensuite une collection qui parle de cet univers. Je reste le grand ordonnateur.

Alors la couture c’est moderne ?

La couture est à la pointe de tout. On travaille avec des outils qui n’existent même pas encore. Je dessine mes propres imprimés et je les fais faire par des nouvelles appositions de films plastiques. Je viens de trouver une nouvelle technique avec la Fédération du lin en créant des feuilles d’argent posées avec une enluminure posée sur du lin laquée. Nous sommes au-delà de ce qui clignote. Pour être moderne, il faut des robes en néoprène avec des LED ? C’est idiot. Avec FashionLab et Dassault Système, nous définissons la mode de demain via une révolution de la fabrication. Ce qui compte est de créer les usines du futur, de redorer les métiers de la main et créer des emplois. Ce sont les pauvres d’esprit qui pensent que la couture n’est pas futuriste. Nous avons une vision.

 

Pixelformula  Haute Couture  Summer 2015 Paris Julien Fournie

Le Final du défilé Haute couture de Julien Fournié.

Pixelformula  Haute Couture Summer 2015 Paris Julien Fournie

Autre modèle Haute couture.

Pixelformula  Haute Couture  Summer 2015 Paris Julien Fournie

Une silhouette prêt-à-porter de sa collection.

IMG_0045

Jacqueline la première d’atelier.

IMG_0046

Julien Fournié dans son atelier.