Difficile de démêler les gagnants des perdants dans cette bataille entre le gouvernement et les radios françaises arbitrée par la ministre de la culture Fleur Pellerin. À l’origine du conflit, un amendement  au projet de loi sur la liberté de création qui vise à diversifier l’offre musicale française diffusée sur les ondes et ainsi éviter que les mêmes titres francophones ne tournent en boucle.

Les députés de l’Assemblée Nationale ont adopté en commission l’amendement devant permettre une diversification des titres français diffusés en radio. D’après eux “10 titres francophones peuvent représenter jusqu’à 75% des diffusions francophones mensuelles“. Dans les faits, les 20 chansons en français les plus diffusées par les radios privées sont interprétées par seulement 14 artistes, Kendji Girac, Louane et Black M en tête. Pas folichon. Le projet devrait permettre aux jeunes artistes francophones de se faire une place dans le paysage radiophonique français. Intention louable et nécessaire si l’on veut éviter l’uniformisation des ondes. Les radios privées tendent de plus en plus au consensus et il est bien difficile d’en dégager une identité musicale propre.

Pour Fleur Pellerin, rien de scandaleux “Sur un mois, cela reviendra seulement pour les radios à passer un ou deux titres supplémentaires“, d’ailleurs pour elle la loi sur les quotas n’était de toute manière “pas respectée jusqu’à présent”. Il n’en fallait pas plus pour les radios qui ont bondi sur l’occasion pour se mettre en grève et suspendre leur application des quotas le 29 septembre et ne diffuser “que les morceaux français que les auditeurs souhaitent entendre, pas ceux imposés par les quotas“, jugeant la déclaration de la ministre mensongère et diffamante. De leur point de vue, difficile de diffuser plus d’artistes francophones quand on sait que la production d’albums en français a diminué de 66% entre 2003 et 2014 et que 83% des productions françaises ne sont pas en français. L’impératif de l’audimat les oblige à ne diffuser que les titres qui marchent, et donc de diminuer les prises de risques. Ils accusent même Fleur Pellerin de faire le jeu des majors en détournant l’auditeur vers les plateformes de streaming (dont les majors sont actionnaires) qui eux n’ont aucuns quotas à faire appliquer. Ces mêmes majors qui produisent les artistes diffusés à longueur de journée sur les radios. Le serpent se mord la queue et le mal de tête n’est pas prêt de passer pour les différents acteurs qui font vivre la radio en France.