Mardi 14 mai dernier, en ouverture du Festival de Cannes, Zaho de Sagazan reprenait Modern Love de David Bowie en hommage à Greta Gerwig, qui courrait sur cette musique dans Frances Ha de Noah Baumbach sorti en 2013. En chaussettes blanches sur la scène du festival de Cannes, la chanteuse entame une danse désarticulée qui se mue en tourbillons électriques, devant une salle médusée. La jeune artiste, à qui tout réussi cette année, nous a offert un moment suspendu, au rythme de la chanson mythique de David Bowie, dont elle a livré une interprétation remarquable. 

Avec sa performance Zaho de Sagazan a amené un peu de l’esprit de liberté du chanteur qui avait fait de l’inconventionnel sa marque de fabrique. À Modzik, on a adoré ce moment ultra rétro, et cela nous a donné envie de nous replonger dans les archives cinéma et de dresser notre rétrospective des plus beaux moments de cinéma sur du Bowie.

Frances Ha

Modern Love (1983)

Photo: Henson Associates/Lucasfilms

 

Puisqu’on l’évoquait plus tôt, on ne peut pas ne pas parler de Frances Ha sorti en salles en 2013, signé Noah Baumbach. Le film, écrit par Noah Baumbach et Greta Gerwig, nous raconte l’histoire de Frances Halladay (Greta Gerwig), 27 ans, qui mène une existence tranquille. Elle vit avec sa meilleure amie Sophie à New York et rêve d’être une célèbre danseuse moderne. Mais la vie de jeune adulte n’est pas aussi simple qu’elle l’aurait pensé.

Diplôme en poche, trouver du travail est difficile, tout comme se loger. Frances déménage souvent et se fait héberger tantôt par des amis, tantôt par sa famille. 

La réalisation, en noir et blanc, offre un mélange de modernité et de rétro, notamment grâce à sa bande sonore : du rock, du R&B et de la folk des années 80. Ce film est celui d’une génération, une trajectoire qui raconte la vingtaine et son tourbillon permanent. 

Frances incarne cette jeunesse qui se refuse au « metro-boulot-dodo » et peine à trouver sa voie. Le désir de liberté qu’elle porte est illustré dans cette scène où elle court à travers New York. Frances danse tout en courant à toute allure sur Moderne Love de David Bowie, au milieu du conformisme ambiant d’une ville ultra moderne. Cette scène de joyeuse rébellion, au rythme entraînant, symbolise parfaitement son esprit libre et indomptable.

Moi Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…

Station to Station (1976)

Moi, Christine F., 13 ans, droguée, prostituée… est un film réalisé par Uli Edel. Sorti en 1981, il a réalisé des records au box-office dans toute l’Europe. Le scénario se base sur la véritable histoire de Christiane Vera Felscherinow. Tombée dans la drogue très jeune, elle se prostituera dès l’âge de treize ans afin de financer sa consommation. Le film, tourné dans le quartier berlinois de Charlottenburg, tristement célèbre pour le trafic de drogue et de sexe dans les années 70 de Berlin-Ouest, incarne une époque et ses travers. 

David Bowie tient une place centrale dans ce film, dans lequel il fait une apparition sur scène. Ce n’est qu’après avoir assisté à l’un de ses concerts que Christine F. prend de la drogue dure pour la première fois, élément déclencheur et point de départ de sa descente aux enfers.

 

Comme Bowie, le film se démarque par son esprit rock. Le récit offre une représentation terriblement réaliste de la spirale descendante d’une jeune femme vers la toxicomanie. Son aspect subversif a provoqué une grande polémique à sa sortie. Bien que le film soit censé servir de contre-exemple – il sera même enseigné à l’école pour dissuader à la consommation de drogue – l’histoire de Christine F. a été vu comme une incitation, son héroïne ultra charismatique et son esthétique étant accusés d’inciter les jeunes à faire de même. 

Ce n’est pas un cas unique où « l’esthétique de la droguée » est pointée du doigt. Depuis, certains mannequins des années 90 comme Kate Moss ou des personnages fictifs emblématiques des années 2000, comme Effy de la série Skins interprété par Kaya Scodelario, ont été accusés de « glamouriser » les addictions. Bowie participe aussi, sans le vouloir, à cette esthétique : anguleux, rachitique, dents jaunies par la clope, il incarne aussi la subversion et l’esprit inconventionnel d’une personne abimée par la vie et l’usage de la drogue qui ne se soucie pas des normes de beauté.

 

Inglorious Bastards

Cat people (1982)

Faut-il encore présenter le Inglorious Bastards de Quentin Tarantino ? Ce film raconte l’histoire de juifs et alliés formant une brigade armée clandestine qui terrorise les nazis et (spoiler) finit par tuer Hitler. Quentin Tarantino réinvente l’histoire dans son film placé sous le signe de la vengeance.

La vengeance de Shaushana, une juive française qui a vu sa famille entière mourir sous les balles des nazis, est au coeur de l’histoire. Dans une scène mythique, aussi élégante que jouissive, elle se prépare à donner la mort au Führer sur la mélodie de Cat People. Tarantino reprend cette chanson, écrite par David Bowie et Giorgio Moroder, pour le film éponyme de Paul Schrader sorti en 1982. Par l’utilisation de cette musique Tarantino prête à Mélanie Laurent (Shaushana) les traits du personnage principal du film de Schrader, une femme fatale sensuelle et meurtrière aux allures félines. 

Les accents graves du chanteur résonnent avec le sérieux de la scène tandis que la jeune femme, déterminée, va au-devant de la mort de son ennemi, ou bien de la sienne si son plan échoue. Son rouge à lèvres soigneusement appliqué et les basses de la musique soulignent la cruciale et dramatique importance du moment. Puis, vient l’envol, la musique s’accélère au rythme de la batterie et la voix de Bowie s’élève, tout comme Shaushana, répétant son discours de vengeance, devient à son tour puissante.

 

Le monde de Charlie

 Heroes (1977) 

Dans la liste des films pour adolescents qui nous ont donné des ailes, on retrouve Le Monde de Charlie de Stephen Chbosky. Sorti en 2012, ce film, porté par Emma Watson, Logan Lerman et Ezra Miller, raconte l’histoire de trois adolescents en décalage, chacun confronté à ses propres incertitudes sur l’avenir. Aussi beau que dérangeant, le film nous marque profondément.

L’histoire traite de manière nuancée de nombreuses thématiques liées à la transition de l’adolescence à l’âge adulte, abordant également divers problèmes auxquels les adolescents peuvent être confrontés, tels que les troubles psychologiques et la dépression, souvent associés à des expériences traumatisantes.

Dans la scène finale du film, les adolescents traversent la ville à toute vitesse en voiture, tandis que la voix off de Charlie fait le bilan de leurs aventures juvéniles. Dans un discours plein d’espoir, il nous rappelle ce que c’est d’avoir 16 ans, nous demande de ne pas l’oublier et nous jure qu’un jour « tout s’éclaire » si l’on prend conscience que notre histoire n’est pas une histoire ratée. Emma Watson pousse un cri de joie et la musique de David Bowie commence, tandis que la voiture file à toute allure dans un tunnel sombre et disparaît majestueusement.

 

Mauvais sang

Modern Love (1983) 

Pour boucler la boucle, la scène de course dans la ville de Frances Ha, que nous évoquions plus tôt, est elle-même un hommage à un film sorti antérieurement. Modern Love utilisée par Leos Carax dans une séquence célèbre de son film. Mauvais sang (1986) de Leos Carax est reprise ici. On y voit Alex, interprété par Denis Lavant, s’enfuir et courir éperdument dans la rue de l’Ouest à Paris, en se frappant le ventre de ses poings, sur Modern Love de David Bowie.

Leos Carax, réalisateur connu pour ses œuvres oniriques et décalées, incarne un cinéma brut et esthétique. Dans Mauvais sang, il raconte l’histoire d’un garçon étrange et marqué (Denis Lavant) qui s’embarque dans un projet de braquage avant de rencontrer une fille (Juliette Binoche).

Alex est un marginal qui déambule dans un Paris imaginaire frappé par un virus contaminant ceux qui font l’amour sans s’aimer. Poussé par son désir et son incertitude, il marche dans la ville au rythme de Modern Love, chanson qui porte elle-même une réflexion philosophique sur la quête de l’amour. Derrière les riffs électriques et le rythme contagieux du titre se cache l’exploration de l’amour moderne par Bowie dans un monde de plus en plus mécanisé et automatisé.

Le grand génie de Bowie résidait dans sa capacité à capter l’air du temps, à être le thermomètre d’une génération et de ses mouvements. Sa musique traverse les générations, David Bowie incarnant surement l’intemporalité.

 

Texte Anouk Ait Ouadda