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CRÉDITS MODE DIGITAL COVER
Flavia porte une combinaison FREE PEOPLE et des baskets MIZUNO
SÉRIE MODE
CRÉDITS PHOTOS, DIGITAL COVER ET SHOOTING
Photographe Henrik Jessen – Styliste Barbara Boucard –
MUA & Hairstylist Karine Marsac assistée de Verginia Bicer
RHYTHM. LIVE SESSION
CRÉDITS MODE LIVE SESSION
Flavia porte une veste FEEL THE LOTUS et un pantalon POSSERY
L’INTERVIEW
Flavia Coelho réveille Paris avec une tournée de concerts, à l’occasion de la sortie de son nouvel album Ginga sorti le 31 mai dernier. Après un shooting et une Live Session dans les studios de Modzik, l’artiste brésilienne installée à Paris depuis dix-huit ans, se pose avec nous pour un entretien. C’est en jogging et le sourire aux lèvres qu’elle nous parle, d’un franc parlé chaleureux qui rappelle son pays natal.
Quelles sont tes inspirations musicales pour ce disque ?
Mes inspirations viennent surtout de la musique que j’ai écoutée à mon adolescence dans les années 90 – 2000. Surtout des influences américaines, d’Amérique centrale jusqu’au Mexique, en arrivant aux États Unies avec le hip hop, la J funk, la soul… Et évidemment des influences brésiliennes. J’essaye aussi d’apporter, dans chaque disque, une sonorité du continent africain. Cette fois-ci, c’est l’amapiano. Étant donné que je côtoie le Mozambique et l’Afrique du Sud depuis longtemps, je voulais mixer ce style avec des sonorités brésiliennes.
Revenir aux styles musicaux que tu écoutais quand tu étais adolescente, est-ce que cela traduit une sorte de nostalgie ?
Oui un peu. Ces derniers temps, je repensais aux premières fois : les premiers émois, première cigarette, sortie en soirée, premier contrat signé, etc. Il y a de la nostalgie, mais ce n’est pas un disque de boomer ! (rire) Je ne suis pas là pour dire que c’était mieux avant. Je vis à fond le moment présent et surtout, je vais toujours en avant.
Est-ce que tu as parfois le syndrome de la page blanche ?
Oui comme tout le monde. Pour retrouver l’inspiration, je lis beaucoup. Je peux lire d’une manière boulimique un roman de 300 pages en deux jours et puis après, je passe à autre chose et je m’y mets. J’aime particulièrement les écrivains réalistes : Maupassant, Balzac… J’aime aussi beaucoup Annie Ernaux. Elle a décrit la vie d’une classe moyenne dont on entend rarement parler en littérature.
Quel est ton plus grand souvenir sur scène ?
Évidemment, mon 1er Olympia. Ça ne s’oublie pas. Je voulais à tout prix prendre le métro parce que je voulais sortir des escalators du Boulevard des Capucines et voir mon nom écrit en grandes lettres rouges, comme dans les paroles d’Aznavour. C’était très émouvant. Et puis le public était très heureux d’être là. On pouvait voir que les gens qui étaient dans la foule me suivaient depuis longtemps, le fait qu’ils soient tous réunis pour me voir était une vraie consécration.
Quelle est la plus belle chanson d’amour de tous les temps selon toi ?
Je dirais The Long and Winding Road des Beatles. Je crois que c’est une chanson que Paul McCartney a écrite vers la fin de leur histoire. Il y a beaucoup de tensions au studio. Paul s’assoit et écrit cette chanson. Il y a plein d’images très poétiques pour représenter cette fin qu’il sentait venir. C’est une chanson qui parle d’amour de la musique, l’amour partout.
Tu as commencé la musique à quatorze ans, ça laisse le temps de voir l’évolution de l’industrie musicale, qu’est ce qui a changé dans cette industrie pour les femmes ?
On est un tout petit plus représentée, un peu plus souvent en tête d’affiche. Il y a aussi plus de femmes dans les équipes techniques. Dans mon équipe, il y a trois femmes : à la lumière, à l’assistance plateau et à la production. Je pense que c’est aux artistes maintenant de faire de la place dans leurs équipes pour les femmes. Je trouve dommage qu’on ait dû passer par une parité imposée pour arriver à cela. Mais ça évolue, c’est quand même bien.
Mama Santa est un titre en hommage aux femmes, pourquoi ?
C’est un recueil de phrases que j’ai entendues dans ma jeunesse par toutes les femmes qui m’entouraient. On me disait de savoir transcender la douleur, de faire preuve de résilience dans certains moments de la vie pour pouvoir avancer, que parfois, il faut faire un pas en arrière pour sauter plus loin.
« Un jour, j’ai voulu écrire en français pour voir ce que ça allait donner. Et les gens en écoutant ont dit « mais tu nous parles directement » et c’est vrai, je m’adresse à eux, je ne m’en étais pas rendu compte sur le coup ».
Dans ce morceau, tu parles aussi de spiritualité, quelle place est ce que ça a dans ta vie ?
Je suis très spirituelle. Pour moi la spiritualité, c’est l’attention par rapport aux autres, c’est quand on voit quelqu’un qui a faim de lui donner à manger, lancer un sourire dans la rue comme ça à quelqu’un qui ne va pas bien. Ma spiritualité, c’est une connexion à la nature, le fait d’être dans l’instant, de me lever le matin et de profiter de ce que j’ai. Je pense que ça vient de ma culture brésilienne. Pour savoir si quelqu’un est brésilien, il suffit de dire « je pars » et s’il ou elle te répond « Vaya con Deus » (« que Dieu vous amène »), tu sais que cette personne vient du Brésil. Dieu est partout chez nous !
Qu’est-ce que la société française pourrait apprendre de la culture brésilienne ?
Peut-être un peu plus de positivité, diffuser l’amour plus souvent. Cela fait dix huit-ans que je suis en France maintenant, je connais bien la culture française, on dit souvent « oh dis donc tu as mauvaise mine aujourd’hui » mais pas assez « tu es beau » , « tu es belle ». C’est important. Pour en revenir à la littérature, je trouve que dans les livres, on dit les choses qui comptent, mais pas dans la vraie vie.
C’est la littérature qui t’a donné envie d’écrire en français pour la première fois pour le morceau De vous à moi ?
Oui, exactement, j’aime aussi beaucoup la chanson française comme Aznavour. Un jour, j’ai voulu écrire en français pour voir ce que ça allait donner. Et les gens en écoutant ont dit « mais tu nous parles directement » et c’est vrai, je m’adresse à eux, je ne m’en étais pas rendu compte sur le coup.
Tu es une artiste engagée, tu dénonçais la corruption dans ton pays sur l’album DNA, selon toi un/une artiste doit obligatoirement être engagé politiquement ?
Je pense que les gens doivent faire ce qu’ils veulent et ne pas rentrer dans un moule parce que c’est ce qu’il faut faire en ce moment. Un jour, les gens critiqueront et un autre, ils aimeront. Donc il ne faut pas faire attention à ça. Moi, je suis née au Brésil, j’ai grandi dans les quartiers, j’ai vu et vécu la violence policière et sociale, j’ai vécu beaucoup de choses et sans tomber dans le pathos, j’ai vécu beaucoup de choses. Bien sûr aujourd’hui je ne suis plus cette femme d’il y a trente ans. Je vis dans un beau quartier, j’ai une vie tranquille, mais mon privilège, c’est d’être née sans privilège et je n’oublie pas. Je suis toujours engagée, car c’est l’histoire de ma vie.
Texte Anouk Ait Ouadda