Entre chant et audiovisuel, Myra s’est construite comme une véritable touche-à-tout. Partie du monde de l’acting pour s’imposer en tant que chanteuse, l’artiste révèle aujourd’hui une facette profondément lumineuse avec son nouvel EP Passions Câlins. Un projet à l’énergie solaire, enregistré dans un contexte pourtant douloureux, alors qu’elle faisait face au deuil de sa mère. Au fil de cet échange sincère, Myra se confie également sur son rapport à la féminité, qu’elle redécouvre après s’être longtemps sentie en décalage en tant que « garçon manqué ». Et nous parle aussi de mode, un autre terrain d’expression qui l’inspire.

 

 

En quelques mots, comment tu qualifierais Passion Câlins ?

C’est une ode à l’amour et à toutes ses facettes, mi doux mi piquant. Chaleureux, dynamique, je voulais proposer un projet qu’on peut écouter pour faire la fête en soirée ou sous la couette.

 

C’est un projet avec plusieurs featurings. Dans ta carrière d’un point de vue général, tu as collaboré avec de nombreux artistes. Qu’est ce que tu aimes tant dans le fait de partager ta musique ?

J’adore les deux en soi, sur Saudade Palace j’avais beaucoup créé seule chez moi, pour Passion Câlins ça a été l’extrême inverse. Partager la musique, non seulement c’est très stimulant, ça rafraîchit ses idées, mais ça nous sort aussi de nos habitudes. J’adore cet exercice de s’adapter à l’autre, à ses façons de bosser, ça me maintient constamment en éveil et ça donne des résultats qu’on aurait jamais proposé seul. Ça élargit le champ des possibles, ça nous offre de beaux moments de vie, et c’est aussi le but même de l’art, d’être partagé.

 

Myra
@Puredamage

 

Parmi tous les artistes que tu as invités sur Passion Câlins, avec lequel tu te verrais faire un projet EP commun ?

En premier je dirais Aupinard, mais ça pourrait aussi trop marcher avec Zélie. En même temps, je dirais pas non à un EP commun avec Némir ou Gros Mo ! (Rires.) On partage tous je pense ce coté populaire et chaleureux, et des sujets communs comme l’amour aigre doux ou la solitude.

 

« Il faut tâcher de faire des fleurs des malheurs de la vie. »

 

Tu parles assez facilement de sexe dans tes titres. En tant que femme, t’es tu posée la question de sa perception ?

Oui, ça a été une grosse gamberge ! En soi, je pars toujours du principe qu’il faut faire partie de la solution plutôt que de se plaindre. Donc j’ai souvent abordé mes textes en allant naturellement chercher ce que je voudrais trouver en écoutant du son. J’aime toujours m’emparer du sujet via le second degré, l’humour ou l’illustration, ça doit rester suggestif pour y garder de la poésie je trouve. Le fait de m’emparer du sexe dans mes chansons, l’incarner sur scène, ça me force aussi à appliquer cette libération dans mes échanges et ma vie personnelle. Je me doute que ça ne fera jamais l’unanimité, je ne me préoccupe pas trop de comment ce sera perçu mais plutôt d’être sûre que c’est assez pertinent pour aider celles et ceux qui écoutent à se décomplexer aussi dans le bon sens, et à libérer la parole.

 

Tu as vécu une année très difficile, et pourtant ton projet est très solaire. Où puises-tu ta force ?

Dans la douleur, en partie. Je crois que le plus dur c’est d’être heureux. Il faut tâcher de faire des fleurs des malheurs de la vie, faire honneur aux morts, et être présent pour les vivants. Malgré le deuil que nous vivons avec mes proches, le fait de travailler sur un projet léger et chaud comme Passion Câlins m’a permis de ne pas penser qu’à ça. La tournée de 2023 m’a très sûrement évitée la dépression : aller chanter pour les gens et partager avec eux, donner et recevoir cet amour, ça m’a sauvé. Aujourd’hui je peux le dire, que la musique m’a sauvée. J’ai la chance d’être extrêmement bien entourée, j’ai que des pépites dans mon équipe, on rit beaucoup malgré tout, je vais chez la psy de temps en temps, parler fait beaucoup de bien. Et je tâche de penser à ma mère dans tout ce que je fais, avant de monter sur scène, au quotidien, je lui dédie mes gestes et ma création, quelque part je crée une nouvelle relation avec elle dans la perte.

 

Et faire un projet thérapeutique tu y penses ?

Ma musique je la vois toujours comme thérapeutique (rires), ça aide à apaiser le coeur et la tête, à donner l’occasion de s’évader ou au contraire de faire un peu d’introspection. Mais on y vient plus concrètement dans les textes de mes prochaines sorties. Je vise ça à fond pour mon premier album, qu’on va attaquer l’année prochaine. Le but c’est toujours qu’après avoir écouté du Myra, tu te sentes mieux.

 

Myra
@Puredamage

 

D’où te viens l’amour de la bossa nova ?

Quand j’étais petite on écoutait beaucoup de musique traditionnelle grecque à la maison et l’album de Buena Vista Social Club où chante Cesaria Evora. Je me suis repenchée dessus en grandissant, et j’y ai trouvé beaucoup de choses qui me parlaient, que ce soit de la bossa, de la samba, plus globalement la musique acoustique et les percussions. C’est l’émotion qu’on y trouve qui me touche le plus, le saudade. Je vis ma musique de cette manière, toujours à mélanger les humeurs, jamais tout triste ou tout joyeux. Pouvoir danser sur la tristesse me transporte à chaque fois ? Dans un registre afro, Rema fait ça très bien par exemple.

 

On a été lors de ta première scène, tu te souviens ? T’as fait du chemin depuis, comment qualifierais-tu ton évolution scénique ?

Alors, c’était laquelle ? (rires) Il y en a eu plusieurs ! J’ai vraiment commencé avec le Pop Up du Label en 2022, mais y’a eu d’autres choses avant. Cela dit, depuis deux ans on s’est bien fait la main avec le Roi Luis (mon DJ et guitariste) et je suis plutôt contente de notre évolution. On travaille sur notre relation de duo, je travaille aussi beaucoup sur l’aspect physique, la danse, la posture, entre autre avec un super coach (Isaac Sanka)… J’ai toujours aimé la scène, mais avec le recul j’étais si étriquée en moi-même ! Je dirais qu’on est en expansion. Je renoue aussi
progressivement avec ma féminité, je m’assume plus qu’avant, ça fait du bien d’oser, car souvent les gens nous le rendent dix fois plus.

 

«  En ce moment, on vit une phase de “visualiser” ou de contenu, mais le clip reste une oeuvre au même titre que le morceau, qui peut nous donner une deuxième lecture de la chanson. »

 

Ton premier amour, c’est plutôt l’acting ou la musique ?

En vrai la musique, car j’en faisais déjà à la maison avant de commencer l’acting, mais mes débuts dans le métier de l’audiovisuel ont fait de moi qui je suis aujourd’hui en tant qu’artiste, avant même de penser à faire de la musique professionnellement.

 

Quelles différences notoires, constates-tu entre ces deux milieux ?

Les timings ! (Rires.) Dans le cinéma et la télé (sauf quelques exemples dont les quotidiennes) les temporalités sont assez larges, la préparation, le tournage, la post production, on a des plages de boulot relativement larges. Même si la pression existe, quand les choses sont bien faites on a le temps de souffler. Dans la musique, tout est à faire pour le lendemain, tout va très vite et les résultats aussi, ta vie peut basculer en 24 heures. Je trouve la pression plus difficile à gérer dans la musique. Aussi, en tant qu’interprète, sur un projet audiovisuel, on est totalement au service du personnage et du projet, même en y apportant des touches personnelles. Dans la musique, c’est notre identité et notre vision qui prime et qui doit voir le jour, chose que j’adore personnellement, faire naître un univers à part entière.

 

Qu’est-ce que tu as appris dans la comédie qui te sert aussi dans la musique ?

Globalement l’interprétation : quand t’es en cabine ou sur scène, savoir incarner ton discours ça aide vraiment à porter le morceau et le texte. La respiration aussi : on m’a appris à respirer avec le bas du ventre en cours d’acting, ça m’aide énormément en concert. La notion de rythme dans la musique, elle est toute aussi importante dans l’acting d’après moi. Le silence, les rebonds… Et prendre du plaisir à jouer, ça marche aussi pour les deux (comme pour tout dans la vie !) Et ça fait toute la différence.

 

Myra
@Puredamage

 

Comment as tu pris la décision de te lancer dans la musique ?

J’ai pas vraiment eu de grosse prise de décision, ça s’est fait petit à petit. J’écrivais dans ma chambre, j’avais très envie de porter ça jusqu’en studio. J’ai fait un premier projet de façon très spontanée et naturelle, et une fois lancée je me suis plus arrêtée.

 

À ce moment-là,  quelles étaient tes attentes ?

De rencontrer des gens forts, partager la musique avec d’autres, j’avais besoin d’un nouvel horizon je crois. Je pensais pas du tout, à cette époque, faire la musique que je fais aujourd’hui.

 

Tu considères les avoir atteintes ?

Oui et non; effectivement avec les années j’ai trouvé des pépites qui font aujourd’hui partie de mon équipe, on a réussi à cocher nos objectifs de l’époque : monter nos propres structures, signer avec une maison de disques, porter le projet sur scène… Et c’est le début d’une nouvelle ère pour nous. Le haut d’une montagne c’est souvent le commencement d’une autre !

 

On parlait de ton hyperactivité tout à l’heure. Tu es une touche à tout. Que fais tu d’autre, à part la comédie et de la musique ?

J’écris beaucoup, de la musique ou de la fiction; Je réalise – quelques courts métrages, des clips, dont certains pour mes propres morceaux comme Pom Pom, L’appétit… J’adore la photo, surtout l’argentique (des portraits, de l’architecture, des closes up…) Je m’occupe aussi de la direction de production de mon projet. Depuis 2020, je fais du beatmaking, notamment sur mon projet (Pom Pom, JTM, Sur Le Coeur, Varsovie…) J’adore aussi danser, même si je suis loin d’être pro, j’en incorpore un maximum sur scène, progressivement.

 

« Le jean, c’est tout le monde, ça va du chill au podium. »

 

Quelles sont tes inspirations en termes de style ?

Je suis une folle de vintage, je bossais comme vendeuse en fripes avant. Je suis une grosse fan des 70’s, surtout des couleurs, sans rentrer dans les clichés. Tyler The Creator ou Steve Lacy le retranscrivent super bien je trouve. J’aime l’androgynie à la Peggy Gou, à la Frida Kahlo. Le costume noir intemporel de Karl Lagerfeld. Grosse passion pour l’upcycling aussi, notamment ma copine Carbone 14 dont j’adore le travail. J’ai longtemps été un tomboy. J’adore les vêtements d’homme, et on vit une période fabuleuse pour ça, donc je me régale sur l’oversized. On est entre la femme d’affaires et la bratz éco consciente (rires), ça dépend aussi des humeurs.

 

Myra
@Puredamage

 

Comment choisis tu tes tenues de scène ?

Je bosse avec ma styliste Alienor Figueiredo, on travaille surtout sur les silhouettes qui deviennent notre guideline. Ensuite, on rentre dans le détail des pièces. Souvent c’est d’abord l’aisance et le confort pour moi, sans faire l’impasse sur la qualité des vêtements. Sinon, c’est que j’ai flashé sur quelque chose (rires). Mon petit plus, c’est le mouvement : un tissu souple, un empiècement qui pend le long d’un pantalon, des manches amples, des cordons ou des liens… Tout ce qui peut donner un kick supplémentaire quand je bouge.

 

Quelle tendance aimerais-tu voir revenir ?

C’est pas une tendance fashion, mais dans la musique j’ai hâte de voir revenir l’ère du clip très produit comme dans les années 2000 avec des scènes d’acting au milieu à la What Goes Around… Comes Around de Justin Timberlake. En ce moment? on vit une phase de visualiser ou de contenu, mais le clip reste une oeuvre au même titre que le morceau, qui peut nous donner une deuxième lecture de la chanson.

 

Si tu devais collaborer avec une marque, ce serait laquelle ?

Avec Levi’s. Parce que le jean, c’est tout le monde, ça va du chill au podium, et parce que je me
retrouve dans leur identité intemporelle et dynamique.

 

Tu me disais tout à l’heure que c’est ici même que tu as tourné Pom Pom, à quelle
occasion t’aimerais qu’on se revoit ici ?

Pour fêter un disque d’or, sait-on jamais !

 

Myra
Crédits @Puredamage

 

 

Myra en concert à Paris (Maroquinerie) le 11 septembre (complet)

 

Texte Samantha Kiangala