Trois ans après leur réunification, les deux frère et sœur publient Snow, un album savamment orchestré – Rick Rubin oblige – où se mêlent tantôt l’amour, tantôt l’amitié, parfois l’alcool, souvent la fuite, des thèmes hédonistes toujours aussi chers aux deux Australiens, où se noue surtout la nostalgie d’un hiver au cœur de l’été. C’est justement cet été que Modzik a rencontré Angus à la maison Sonos. Une interview à retrouver dans le Modzik #53.

Photos Justino Esteves – Style Catherine Poincaré
Mise en beauté Alison Fetouaki – Interview Jakob Rajky

Vous semblez vous être retrouvés mieux que jamais avec Julia. On sent que vous prenez toujours plus de plaisir à faire des albums ensemble.

Effectivement ! Faire ce disque aura été un véritable moment de liberté. Souvent le temps joue contre toi, tu es dans un grand studio, loué à l’heure, tu regardes les minutes se changer en heures en sentant le stress s’emparer de toi. Pour Snow, on a décidé d’enregistrer dans ma propriété, une ferme en Australie. C’était intemporel, libérateur. On peut vraiment sentir la joie qui nous habitait pendant l’enregistrement.

Vous êtes tellement décomplexés que vous allez jusqu’à vous moquer de Sylvester Stallone sur le dernier morceau de Snow. C’est inhabituel de votre part.

On voulait vraiment s’amuser. Parler après avoir trop bu et mâcher les mots comme Sylvester Stallone est une blague qui nous est venue et on a décidé de la mettre dans le disque en se disant simplement : « pourquoi pas ?! ». C’est à ce moment qu’on s’est rendu compte du bénéfice de créer sans contraintes de temps ou d’espace. Il y a également beaucoup de morceaux très émotionnels, très chers à nos cœurs. Les trois années d’enregistrement de Snow nous ont permis de découvrir une autre manière de faire notre musique et de redécouvrir la complicité qui nous aura toujours liés dans celle-ci.

Angus and Julia Stone Modzik 53
Julia : Robe ba&sh Cuissardes Stuart Weitzman

Peux-tu nous en dire plus sur la raison de votre séparation en 2011 ?

Le temps, encore une fois. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble entre 2006 et 2011 et, malgré l’amour que nous avions l’un pour l’autre, pour le groupe et pour toute l’équipe derrière, nous avions besoin de nous retrouver individuellement, d’explorer d’autres choses, de nous ressourcer aussi. Cette séparation nous aura été très bénéfique, pour la sortie de nos deux albums solo respectifs, mais aussi parce qu’elle nous a permis de redevenir créatifs ensemble et de nous retrouver plus soudés que jamais.

C’est le producteur Rick Rubin qui vous a convaincus de vous réunir. La tâche fut-elle aisée ?

Oh non ! On lui a dit non dans un premier temps. Nous n’étions pas prêts du tout. Mais après son second appel du pied, lorsqu’il nous a dit de vraiment y réfléchir, qu’il nous a parlé de potentiel que nous même ne soupçonnions pas, on a reconsidéré la chose dans son entièreté.

Est-ce que vous connaissiez l’homme avant de le rencontrer ?

Non. On l’avait vu dans des clips, on savait qu’il avait l’air d’un gros ours barbu et bourru, on le savait proche du haut du panier. J’ai su par la suite qu’il était impliqué dans la plupart des meilleurs disques de rock et de rap des dernières décennies, les Red Hot Chili Peppers, Johnny Cash, Jay-Z, Eminem… Ça a penché dans la balance, c’est certain. Je sais désormais qu’il mérite son titre de meilleur producteur des vingt dernières années.

Comment est-il dans le travail ?

C’est quelqu’un de bon qui génère quelque chose par sa présence. Il est toujours de bons conseils et formule ses idées simplement. C’est un trait important de sa personnalité qui, selon moi, favorise immédiatement l’entente créative.

Pourquoi l’amour est-il si important dans votre musique ? Vous en parlez jusqu’à frôler l’inceste, en prenant le rôle d’amoureux parfois, et ce depuis vos débuts.

(Rires) Rien n’est plus important que ce sentiment. Quand tu cherches à raconter ton histoire, ses travers, ses réjouissances, tu dois te projeter à l’extérieur de ton individualité. Tu ne dois plus te considérer comme le un, mais comme le tout. L’amour que nous nous portons est fraternel et c’est l’un des plus puissants que l’on connaisse. Nous n’avons jamais craint d’en parler. Je pense que c’est la raison pour laquelle notre lien de sang ne choque pas quand on prend ces identités d’amoureux. On ne parle pas de notre vision personnelle de l’amour.

Quid de vos amours personnelles alors ?

J’ai été amoureux plusieurs fois. C’est parfois une malédiction autant qu’un sacre. J’aime l’ambivalence de ce sentiment, beau et mortel à la fois. Tomber amoureux peut sembler facile mais lorsqu’on est musicien, qu’on voyage autour du monde, passer de moments partagés et merveilleux à une solitude infinie déteint sur votre vie amoureuse. C’est sûrement pour ça que j’aime autant parler de l’amour dans ma musique, car ma vie amoureuse personnelle est plutôt chaotique. J’aime sublimer l’amour, certainement pour l’exorciser.

L’amitié est aussi une forme d’amour. Quelle place pour votre amitié dans une vie faite de studio et de tournées ?

Julia et moi habitons à deux endroits diamétralement opposés de l’Australie. Je suis au nord, dans ma ferme, et elle est au sud, à la ville. Nous avons bien sûr quelques amis de longue date en commun. Ils sont tous venus dans ma ferme avant le festival Splendour in the Grass qui a lieu chaque été. Ce fut l’occasion de se laisser aller à une nostalgie salvatrice. J’aime beaucoup mes amis mais, au même titre que l’amour, mon art nous met des bâtons dans les roues.

(Après avoir vu les photos) Ta ferme est paradisiaque. C’est certainement ton endroit préféré sur Terre, toi qui en a vu tant ?

J’adore ma ferme, certes, mais je crois qu’en dehors de la Hollande, mon endroit préféré est Paris. J’aime flâner dans le Marais, arpenter les coupe-gorges, dévaliser les friperies et les antiquaires, mais surtout j’adore me balader dans Paris la nuit, ivre des lumières, de la fièvre qui habite ici.

Angus and Julia Stone Modzik 53
Julia : Robe The Kooples Boucles d’oreilles Marion Godart

Tu vas dans les friperies parisiennes, quel est ton regard sur la mode ?

Je considère que les vêtements sont comme des antiquités. Rien n’est plus gratifiant que de porter un vêtement dont on sait qu’il a rendu heureux quelqu’un, qu’il a voyagé, qu’il est chargé d’histoire. J’aime y voir les marques du temps, leur côté patiné. J’ai beaucoup de vêtements qui portent le nom de quelqu’un d’autre sur l’étiquette. Je n’achète jamais rien de neuf.

Même les chaussettes ?

(Rires) Non, pas les chaussettes.

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Angus and Julia Stone
Snow
(PIAS)