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Pendant le Festival de Cannes, le Marché du Film — rendez-vous commercial incontournable du monde du cinéma — accueille cette année la sixième édition de Spot The Composer!. Du 16 au 18 mai, dix compositeurs de musique de film venus du monde entier sont sélectionnés pour l’occasion. Au programme : rencontres avec des réalisateurs et producteurs présents à Cannes, à la recherche de musiques originales pour leurs projets en cours ou à venir. Pour le compositeur Para One, c’est une opportunité précieuse d’explorer de nouveaux horizons.

Depuis 2020, Spot The Composer!, un programme soutenu par la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), met en lumière le rôle essentiel de la musique dans la création cinématographique, au sein du Marché du Film de Cannes — le plus grand marché du film au monde et vitrine commerciale du Festival. Ce dimanche 18 mai, les compositeurs sélectionnés ont monté les marches à l’occasion de la première séance de gala, accompagnés de Patrick Sigwalt, président du Conseil d’administration de la SACEM. Le compositeur français Jean-Baptiste de Laubier, alias Para One, est un quasi habitué du Festival, ayant signé la musique notamment de Portrait d’une jeune fille en feu en 2019 et Niki en 2024.
Spot The Composer! : une ouverture sur le monde
« C’est une promotion de personnes qui sont choisies pour présenter leur travail à des réalisateurs et des réalisatrices. Avec la SACEM et le Marché du Film de Cannes, il y a eu beaucoup de collaboration par le passé. Ce qui m’a motivé à venir c’est surtout la possibilité de rencontrer déjà d’autres compositeurs et compositrices parce que c’est toujours extrêmement fructueux de partager ses expériences. Dans mon métier, on est très souvent contacté pour quelque chose qu’on a déjà fait, par des gens qu’on connaît déjà. Ça donne un effet de réseau et donc un effet de bulle. Je pense que Spot The Composer! me permettrait de sortir de cette bulle et d’aller voir ailleurs. Ouvrir les rencontres au monde entier, c’est ça qui m’attire. »
Il installe actuellement son nouveau studio de musique en Bourgogne. « J’ai été à Paris pendant très longtemps, le fait d’être à distance me permet aussi de travailler au-delà des frontières françaises. C’est quelque chose qui me plaît bien et qui commence à se faire de plus en plus. Ça m’excite beaucoup de composer avec des gens à l’autre bout du monde et de rencontrer des gens qui ont une approche du cinéma qui montre d’autres réalités. »
« Je suis venu à Paris pour étudier le cinéma et devenir réalisateur. J’ai intégré La Fémis (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son) au début des années 2000. C’est là que j’ai rencontré Céline Sciamma et toute notre équipe qui est devenue, avec le temps, un cercle d’amis proches et de collaborateurs. On a d’abord travaillé ensemble sur mes courts-métrages, puis sur les films de Céline. En réalité, j’ai commencé à composer pour le cinéma uniquement pour elle, tout en menant en parallèle ma carrière solo dans la musique électronique. »
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« Avec Céline, on a changé de processus à chaque film parce qu’elle est arrivée à chaque fois avec une idée complètement différente de la musique. C’est un cas assez particulier parce que c’est quelqu’un avec qui je collabore depuis tellement longtemps qu’elle me laisse intervenir assez tôt dans le processus. Pour Portrait d’une jeune fille en feu par exemple, on a travaillé ensemble dès l’étape de l’écriture du scénario. Alors que pour Bande de filles, elle est d’abord arrivée avec un premier montage. » En 2015, le compositeur a d’ailleurs été nominé au César de la meilleure musique originale.
« Elle me laisse toujours une place pour que je puisse m’exprimer mais elle arrive souvent avec un concept assez fort et j’essaie d’y répondre. Ensuite, c’est un aller-retour avec le monteur et le réalisateur ou la réalisatrice. On travaille tous les trois pendant quelques semaines en général et on modifie les séquences autour de la musique. »
Spectre: Sanity, Madness & the Family
Artiste aux multiples casquettes, Para One sort en 2022 son premier long métrage Spectre: Sanity, Madness & the Family, accompagné de l’album Spectre, Machines of Loving Grace. « Le film est très personnel, il s’agit d’une enquête entre documentaire et fiction sur une histoire de ma famille. Donc pour m’inspirer, pour m’encourager et pour justifier certains voyages, certains tournages du film, j’ai composé tout en le réalisant. » Les morceaux sont des trames de bandes-son d’animés japonais, de techno américaine et de percussions indonésiennes.
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« Dans ce cas particulier on peut dire que la musique précède le film. Mais c’est un cas hyper spécial ! C’est un certain luxe pour moi ; c’est la chance que ce soit mon double métier de réaliser et de composer. Parfois la musique donnait naissance à des scènes et non pas l’inverse. Evidemment c’est assez rare de procéder comme ça. »
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Le projet solo
« Je continue de travailler et de faire ma musique solo. Mais trouver le temps pour la sortir n’est pas toujours évident. Justement, un des sujets pour moi en ce moment est de ménager du temps pour continuer à faire mes disques de musique électronique. Le dernier que j’ai fait est lié au film Spectre qui est sorti en 2020. Donc il y a une actualité dans les cinq dernières années mais le problème est que depuis, je suis très pris dans la musique à l’image parce que c’est chronophage. Je pense que c’est important de renouveler une proposition artistique qui ne soit pas liée aux désirs de quelqu’un d’autre et qui soit ma propre vision. »
Un désir qui, néanmoins, peut être créateur et partagé afin de sublimer l’œuvre cinématographique et devenir un langage à part entière. Que ce soit pour la musique à l’image ou ses disques personnels, Para One continue de manifester un désir insondable de créer.
Texte Marie-Thérèse Lawson
Image de couverture ©UFO Distribution