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La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.

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BENSON BOONE – Mr ELECTRIC BLUE

Le premier album était à peine refroidi que Benson Boone dégaine déjà le deuxième, American Heart. Dix titres, trente minutes et des poussières, un pied dans les synthés 80’s, l’autre dans le storytelling américain à la Springsteen. Le résultat ? Un disque pop-rock efficace, souvent bien ficelé, et servi avec ce qu’il faut de second degré. Gamin de 23 ans du Washington rural, ancien mormon en phase de désaffiliation tranquille, Boone a découvert sa voix par accident et quitté American Idol avant même d’avoir été diffusé. TikTok l’a fait exploser, Dan Reynolds (Imagine Dragons) l’a signé, et il s’est mis à faire des saltos sur scène. Entre Beautiful Things (2024) et son passage en première partie de Taylor Swift, le gars a appris vite. Sur American Heart, Boone fait clairement un pas de côté. Fini les balades monochromes et les refrains TikTok-ready. Ici, on sent une tentative de statement : « Je suis plus qu’un mec triste avec une mèche et un piano. » Il le prouve avec le clip de Mr Electric Blue, rodé à l’autodérision. Boone y incarne un chanteur en galère chez Industry Plant Records, sommé de récolter 10 millions en une semaine. En t-shirt One Hit Wonder, il enchaîne les petits boulots : promenade de chiens, vente de glaces Moonbeam Ice Cream (clin d’œil à Mystical Magical), lavage de voitures torse nu façon pub kitsch. Dernier acte : garçon de piscine frustré par un panneau « salto interdit », il revient dépité en t-shirt I Hate Benson Boone. Son agent le rassure : tout son catalogue a été bradé à des chaînes. Il sera « l’artiste le plus surjoué du monde ». Réponse de Boone : « C’est tout ce que j’ai toujours voulu ». Clin d’œil acide à la gloire pop, identité revendiquée. Musicalement, American Heart est hybride. Un peu trop propre pour être rock, mais trop énergique pour rester en terrain 100% pop. Le songwriting se veut plus ambitieux que sur le premier album, avec des clins d’œil évidents à Springsteen (Young American Heart), aux Killers (I Wanna Be the One You Call), voire à ELO sur ce Mr Electric Blue. Les meilleurs moments ? Mystical Magical qui reprend Physical d’Olivia Newton John et surtout la pépite Man in Me, où Boone ose les arrangements foutraques et les ruptures de ton, son As It Was à lui. L’ensemble tient la route, même si l’émotion est parfois un peu trop soulignée (le piano de Take Me Home, les violons de Momma Song à la Adele). Boone reste habité par une réelle sincérité. American Heart n’est pas un disque parfait. Mais c’est un album solide, bien produit, plein de bonnes idées, et porté par un artiste qui commence à comprendre qu’il peut séduire sans pleurnicher. Boone n’a pas encore une identité artistique forte – son album pioche à droite à gauche – mais il a une oreille, une voix, et un sens du spectacle. Et surtout, il a compris une chose essentielle : à une époque où tout le monde veut être pris au sérieux, mieux vaut parfois mettre une combinaison à paillettes et danser comme un idiot sous des néons violets. C’est là que Benson Boone trouve sa force – et qu’il commence à affirmer un ton, une voix, et surtout, une conscience de lui-même. C’est encore brouillon. Mais ce n’est plus naïf. (LFC)

Mr Electric Blue est disponible via Night Street Records/Warner Records. En concert à Paris (Lollapalooza) le 19 juillet 2025 et Accor Arena le 13 novembre 2025.

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WHITE CORBEAU – NOVA

Depuis ses débuts, Alexis Zounguere-Sokambi (de son vrai nom) trace une ligne claire entre un besoin vital de chanter et une envie profonde de partager. Fils d’un père centrafricain et d’une mère camerounaise, il naît à Paris avant de rejoindre la Belgique avec ses parents. C’est à Waterloo, en périphérie bruxelloise, que commence l’histoire musicale de White Corbeau. À six ans, il touche ses premières notes de piano. À huit ans, il entre dans une chorale classique avec laquelle il enregistre au prestigieux studio ICP et part en tournée à l’étranger. Cette formation rigoureuse façonne sa sensibilité musicale et développe une écoute fine de la voix, qu’il considère aujourd’hui comme une empreinte singulière, une manière d’habiter pleinement son identité. À l’adolescence, le chant devient un refuge, alors que les résultats scolaires ne sont pas au rendez-vous. Envoyé en internat à Fourmies, une ancienne cité ouvrière du nord de la France, il y découvre le rap, la soul et le R&B, et commence à produire ses premiers morceaux sur Beaterator, un logiciel musical rudimentaire sur PSP. Les textes sont d’abord en anglais. En 2021, diplôme d’architecture en poche, il se tourne vers le design textile et le tatouage pour gagner sa vie, tout en jouant dans la rue. FORÊT est le troisième chapitre d’un triptyque libératoire commencé en 2022 avec Out of the Cage, prolongé en 2024 par La tempête. À chaque étape, White Corbeau s’allège, se révèle un peu plus. FORÊT explore un terrain plus symbolique : celui d’une forêt métaphorique, où se perdre devient nécessaire pour mieux se retrouver. Le maître mot : résilience. Les quatre titres de l’EP sont autant d’étapes dans cette traversée. Moins produit que ses projets précédents, FORÊT gagne en vibration ce qu’il perd en vernis. C’est aussi un disque d’équipe : avec ses acolytes Gmassa et Dabeedin, et la patte du producteur Sheldon (75e Session), l’artiste fusionne soul, rap, folk et afrobeat sans jamais forcer le trait. Une vraie réussite de cohérence dans l’éclectisme : afro-pop avec Libère, pop dépouillée avec Insecure, guitare-voix minimaliste avec Bodyguard, alliance rock/hip hop pour Nova. White Corbeau dessine les pochettes de ses singles, car il ne veut rien laisser au hasard. Les vidéos, « c’est pas son truc », confie-t-il. Peut-être plus tard. Il pense trop, alors il chante pour se libérer. White Corbeau fait partie de ces artistes qui savent que la vulnérabilité est une force. Chanteur, auteur, compositeur, graphiste, il propose un espace, une invitation à ralentir, à écouter, à ressentir. À retrouver, peut-être, ce que lui-même a découvert au cœur de la forêt : une forme de paix.

Nova est disponible via RLS Studio/75e Session Record. En concert à Paris (Pop Up du label) le 25 juin 2025.

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HAÏLÉ DÄSTA – MUSE

Haïlé Dästa est d’abord un guitariste virtuose, imprégné par Jimi Hendrix et les sonorités nu‑soul, dont l’instrument tisse discrètement la trame de Muse. Son parcours de musicien accompagnateur pour Angèle, Yseult et d’autres lui permet d’apporter finesse et technicité à sa musique solo. Avec Muse, Haïlé Dästa livre un morceau sobre, précis et ensoleillé. Une ballade moderne à mi-chemin entre l’afropop de Tayc et les textures R&B de Frank Ocean. Sur une production minimaliste et soignée, Dästa chante accompagnée de sa guitare chérie. Sa voix flotte, nous envoûte et nous laisse en apesanteur. Muse parle d’inspiration, mais surtout de dépendance émotionnelle, de cette ligne floue entre admiration et perte de soi. C’est fin, ça évite les clichés, et ça touche juste. Ce single est une introduction maîtrisée, la promesse d’un univers en construction. Et justement, Haïlé Dästa s’apprête à dévoiler son premier EP, coproduit avec Kyu Steed. S’il garde cette ligne claire entre émotion brute et esthétique soignée, il pourrait bien s’installer parmi les nouvelles voix à suivre de très près. Muse est donc une belle mise en bouche, c’est maîtrisé, touchant, et ça donne envie de voir ce qu’il prépare pour la suite. (EL)

Muse est disponible via 404 Human.

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LIIM’S FT. FRANGLISH – FAUT LAISSER

Direction la Côte d’Ivoire avec Liim’s et Franglish pour un titre qui sent bon le soleil et la revanche tranquille. Dans Faut Laisser, les deux artistes mêlent énergie et mélodie pour signer un morceau accrocheur, porté par une alchimie évidente. Sur une prod. entraînante, ils envoient un message clair à ceux qui doutaient hier mais s’invitent aujourd’hui : il est trop tard. Le clip, lumineux et chaleureux, célèbre leurs racines et leur succès avec style, sans arrogance mais avec beaucoup de second degré. Avec ce nouveau son, Liim’s continue d’imposer sa signature musicale : des refrains entêtants, des visuels léchés et une vibe qu’on emporterait volontiers en vacances. (SK)

Faut Laisser est disponible via MPRWORLD.

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FUJII KAZE- HACHIKŌ

Fujii Kaze, le prodige japonais qui a commencé par jouer des reprises au piano dans sa chambre d’Okayama, débarque avec un morceau Hachikō, qu’il a commencé à écrire en 2022 lors d’une session de co-écriture à Los Angeles avec le musicien canadien Tobias Jesso Jr. Inspirée par l’histoire du célèbre chien de la gare de Shibuya qui a attendu son maitre pendant dix ans après sa mort, Hachikō est une chanson sur la loyauté, l’attente et la paix retrouvée. Kaze en choisit une lecture apaisée, portée par une production disco-pop qui fleure bon l’été. On retrouve ici l’esthétique mélodique qui fait sa marque, enrichie par une production signée Sir Nolan et 250, entre synthétiseurs chatoyants et rythmiques efficaces. « La mélodie et les paroles sont venues naturellement. Je n’avais jamais écrit de chanson sur un beat auparavant, donc c’était une toute nouvelle expérience pour moi. » Fujii Kaze amorce une nouvelle étape de son parcours artistique, marquée par une ambition clairement internationale. Le morceau annonce la sortie de Prema, son troisième album studio, composé de neuf titres – le premier entièrement en anglais – attendu pour le 5 septembre 2025. Pour un artiste dont la langue est si liée à la musicalité – Kaze a toujours composé en jouant avec les sonorités du japonais – ce choix représente un vrai saut. Né à Satoshō, petit village de la préfecture d’Okayama, Fujii Kaze s’est fait connaître très tôt par ses vidéos YouTube mêlant piano et reprises pop, avant de percer en 2020 avec Help Ever Hurt Never. Ce premier album, entre soul, pop et jazz japonais, témoignait déjà d’une oreille raffinée, d’une voix singulière, et d’un sens du groove naturel. Kaze s’inscrit rapidement comme un ovni dans la pop japonaise : un chanteur à la fois ancré dans la tradition musicale de son pays – ses influences vont de l’enka (une forme de ballade musicale sentimentale) au kayōkyoku (musique pop, devenu une base moderne de la J-pop) – et résolument tourné vers l’international, avec des clins d’œil aux grands noms de la soul et de la pop anglo-saxonne. Avec son deuxième album Love All Serve All (2022), il prend une dimension nouvelle, et entame des tournées au-delà du Japon. Son succès viral avec Shinunoga E-Wa en 2022-2023 confirme que son esthétique hybride peut toucher un public au-delà du Japon. Ce qui frappe dans Hachikō, c’est surtout l’intelligence de l’arrangement : les couches se superposent avec patience, et le refrain – « You’ve been patiently waiting for me » – fonctionne à la fois comme promesse aux fans et comme confidence d’artiste. (LFC)

Hachikō est disponible via Universal. En concert à Paris (Olympia) le 10 juillet 2025.

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SAINT ETIENNE – GLAD

Saint Etienne revient, mais surtout, Saint Etienne s’apprête à partir. Avec Glad, premier extrait de International, leur ultime album, le trio britannique formé par Sarah Cracknell, Pete Wiggs et Bob Stanley boucle la boucle. Une pop feutrée, radieuse, et, comme toujours, ce soupçon de mélancolie. Le single, coécrit avec Tom Rowlands des Chemical Brothers, mise sur un hédonisme à petite échelle. Glad privilégie une euphorie discrète. Une pulsation qui invite à rester, à savourer l’instant. La voix de Sarah Cracknell n’a rien perdu de sa clarté chaleureuse. Elle flotte au-dessus des synthés, fidèle à ce timbre qui, depuis Foxbase Alpha en 1991, évoque le calme dans la tempête. C’est sans doute ce ton qui a toujours distingué Saint Etienne dans le paysage de la pop britannique. Là où d’autres groupes ont opté pour la surenchère, Saint Etienne a cultivé la nuance. Glad s’inscrit dans cette continuité. International sera leur treizième et dernier album. Un disque pensé comme une fête de départ, composé de douze titres nourris de collaborations marquantes. Le groupe a convié une myriade d’amis, héros et compagnons de route : Vince Clarke, Erol Alkan, Nick Heyward, Paul Hartnoll (Orbital), Tim Powell (Xenomania) qui coproduit l’album, Tom Rowlands (Chemical Brothers), Jez Williams (Doves) et Confidence Man. « Pour International, on a fait appel à nos amis, à nos héros, à ceux avec qui on a grandi ou traversé la scène pop », explique Pete Wiggs. L’album n’hésite pas à explorer l’électro, l’acid house ou une pop plus directe, sans jamais perdre son unité. Bien sûr, il faut rappeler leur lien avec Étienne Daho – cosignataire du morceau phare He’s On The Phone, produit par Brian Higgins (futur auteur de Believe pour Cher que le groupe avait refusé), qui reste leur plus grand succès. Une collaboration évidente entre esthètes de la pop lettrée, francophile et synthétique. Daho et Saint Etienne partagent cette obsession commune : faire simple sans être fades. Trente-cinq ans après leurs débuts, Saint Etienne n’a ni sombré dans l’autocélébration, ni versé dans la parodie. Une constance rare dans le refus des modes, tout en intégrant les mutations de la musique électronique. Bob Stanley, lucide, déclarait récemment : « Ces choses-là ne durent pas éternellement ». The Last Time, morceau de clôture de l’album, a été pensé comme une adresse directe au public : « J’ai eu beaucoup de mal à la chanter sans pleurer », admet Sarah Cracknell. « C’était la dernière chanson que nous avons enregistrée pour l’album, et cette prise de conscience m’a vraiment frappée. » Glad, comme souvent chez Saint Etienne, évoque plus qu’il ne raconte. « La chanson parle du plaisir que l’on peut tirer des choses quotidiennes comme la nature et le plein air quand la vie nous déprime », résume Wiggs. Un propos modeste, à l’image de leur discographie : jamais déconnectée du réel, mais toujours tournée vers une forme de transcendance du banal. (LFC)

Glad est disponible via Saint Etienne/Heavenly/PIAS.

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SICARIO – CURRICULUM

Pour ouvrir son nouvel opus ÉCHO – à paraître en juin –, Sicario frappe fort avec Curriculum, un titre à la tension croissante, désormais porté par un clip aussi brut qu’introspectif. Sur une instru qui laisse monter la pression, le rappeur déroule un monologue sans filtre, où se mêlent désillusions, rage froide et lucidité crue. Face aux injonctions du métier ici incarnées par une manageuse qui lui demande de « faire du positif »  Sicario choisit l’honnêteté tranchante. Le clip, sobre mais percutant, accentue le propos : pas de paillettes, juste la réalité nue d’un artiste en guerre avec un système qui étouffe les voix sincères. Avec Curriculum, il signe un avertissement : il n’est pas là pour plaire, mais pour dire. (SK)

Curriculum est disponible via 92i.

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MARK RONSON & RAYE – SUZANNE

Pour célébrer les 150 ans de la marque d’horlogerie Audemars Piguet, la famille fait appel à deux artistes d’exception, et on dit merci ! Quand Mark Ronson sort un nouveau morceau, il ne s’agit jamais d’un simple « single ». Avec Suzanne, il revient à cette pop soul sophistiquée qui a fait sa légende, mais version 2025 : plus fine, plus intime, moins cuivrée mais tout aussi charismatique. Et surtout, il s’entoure de la seule voix capable aujourd’hui de rivaliser avec les grandes : RAYE. Difficile de ne pas penser à Valerie, l’iconique relecture d’Amy Winehouse produite par Ronson. Il y avait cette manière de réhabiliter la soul rétro à coups de groove, d’élégance et de modernité. Avec Suzanne, l’approche est plus feutrée, presque cinématographique. La batterie est discrète, les nappes synthétiques enveloppent la voix de RAYE comme un velours. RAYE s’impose ici comme une narratrice à part entière. Elle chante Suzanne comme un personnage absent et omniprésent, miroir de la famille, au temps qui passe. Un prénom qui rend hommage à Suzanne Audemars, ancêtre directe des familles fondatrices de la marque. Le morceau est addictif : cette impression de flotter entre deux temps, entre le souvenir d’une époque (les 60’s revisitées) et la réalité hypermoderne d’une artiste comme RAYE. Avec Suzanne, Ronson et RAYE signent une ballade élégante et magnétique, entre spleen sophistiqué et groove assumé. (EL)

Suzanne est disponible via Columbia Records.