La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.
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RITA ORA – HEAT
La Londonienne d’origine albanaise Rita Ora est de retour, avec la chaleur qu’on lui connaît, prête à faire chauffer les maillots de bain. Produit par Peter Thomas (qui a déjà bossé avec P!nk et Selena Gomez) et coécrit par Troye Sivan, Heat est taillé pour les playlists de l’été. Rita, c’est un peu la star aux pieds entre deux mondes : d’un côté, l’égérie hype qui pose au premier rang des Fashion Weeks et qui a signé une collection chez Primark. De l’autre, une artiste qui veut « démocratiser » la mode et rendre ses créations accessibles au grand public. Une posture bancale, mais qui colle à l’image protéiforme qu’elle cultive. Sa musique, elle, joue la carte du solaire et du festif, comme si c’était la seule façon de tenir debout dans ce milieu saturé. Le clip, très drôle, tourné à Miami, avec ses baigneurs excentriques et ses couleurs saturées façon carte postale cheap, illustre bien ce mix un peu foutraque entre pop vitaminée et esthétique « décalée » qu’elle veut imposer. À côté, Rita multiplie les casquettes : jurée aux US dans The Masked Singer, actrice dans des franchises Disney, ambassadrice UNICEF, entrepreneuse mode, et même barmaid avec son pub en Nouvelle-Zélande où elle vit une partie de l’année. Heat, annonçant un prochain album, sort au moment où Rita se produit au World Pride Music Festival, juste avant son concert à Londres au Capital Summertime Ball. Elle parle, dans ses interviews, de sa vie trépidante entre Londres, Los Angeles et Nouvelle-Zélande, de son travail acharné, de son soutien indéfectible à la communauté LGBTQI+, ses racines kosovares qu’elle n’oublie jamais — un socle qui lui donne cette force tranquille, ce côté « guerrière des temps modernes ». Rita est une pro du business. Avec plus de 10 milliards de streams et un record de singles dans le top 10 au Royaume-Uni, elle sait ce qu’elle fait. Heat ressemble un peu à Rita Ora elle-même : flashy, accessible, pleine d’énergie, mais parfois un peu insaisissable, coincée entre hype et mainstream, entre volonté d’authenticité et stratégie commerciale. Une chose est sûre : la dance pop n’a pas fini de danser autour d’elle. (LFC)
Heat est disponible via Rita Ora/BMG.
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LOANE COSTE – TU LE SAIS
Nous l’avez connue sous le simple prénom de Loane en 2018. Aujourd’hui, elle revient sous le nom de Loane Coste, celui de sa mère. Un geste fort, intime, presque politique. Car ce nouveau nom, c’est aussi une nouvelle peau – celle d’une femme qui regarde son passé dans les yeux, et le transforme en musique. Ce quatrième album, L’air de la nuit, dont est extrait Tu le sais est un point de bascule dans une trajectoire singulière, souvent trop en avance sur son temps. Formée au conservatoire, diplômée en communication, Loane a toujours joué sur plusieurs claviers : celui du piano, dès l’enfance, celui des mots, ensuite, puis celui de l’électro-pop, qu’elle a commencé à apprivoiser bien avant que la scène française ne soit prête à l’embrasser. Avec Le lendemain (2011), Alone (2019) elle annonçait déjà une chanson française augmentée, synthétique et sensible. Après une période d’éloignement aux États-Unis, une traversée en van avec le groupe Wild Belle, elle s’est ouverte à une esthétique plus anglo-saxonne, s’imprégnant des univers de FKA Twigs, Banks ou Shura. Mais sans jamais perdre ce sens du vertige mélodique. Elle a côtoyé Christophe, chanté avec Lenny Kravitz, écrit pour le cinéma et construit au fil des ans une œuvre exigeante et discrète. Aujourd’hui, avec la complicité du producteur anversois Taska Black (alias Joachim Gorrebeeck), elle propose son disque le plus personnel. Un album clair-obscur, où l’électronique devient texture de peau, refuge mental, champ de bataille et espace de réparation. L’air de la nuit, le titre éponyme s’écoute comme une traversée nocturne. La nuit y devient un lieu de repli, de vérité et de renaissance. Sur une production synthétique élégante et minimaliste, Loane explore les tensions intérieures : la charge mentale (Dans la tête), ou encore l’espoir d’un amour à distance (Ne t’en fais pas), porté par des chœurs discrets et une magnifique ligne mélodique. Plus loin, Petite bouleverse par sa simplicité et sa force, un titre adressée aux enfants victimes de violences, un appel à briser le silence. Avec Sans suite, Loane ose un ton plus frontal entre chant et slam, dénonçant l’impunité face aux violences sexuelles, dans un morceau tendu et lucide. Elle se déclare « émue de laisser bientôt partir ces chansons qui l’ont accompagnée et portée ces trois dernières années de joie à les façonner. Chansons qui m’ont aidée à mettre en mots toutes ces choses au fond du ventre, sur mes synthés, dans mes cahiers d’écriture, à résister aux tempêtes intérieures aussi — quand créer sauve, répare, panse les rêves et enjolive chaque matin miracle. Musique compagne de vie, musique respiration, air de la nuit, musique lumière, musique amie ». Loin de tout pathos, Loane Coste signe ici un disque qui fait dialoguer engagement et introspection, où les blessures deviennent mots, et les mots deviennent musique. L’air de la nuit parle juste. C’est ce qui le rend si précieux. (LFC)
Tu le sais est disponible via Kwaidan Records. Release à Paris (Le Chaton indépendant) le 12 juin 2025.
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PERKÉ WITH A K – SWITCHING DELIGHT
Un soir de novembre 2024, aux Disquaires, deux gars montent sur scène. L’un à la guitare et au chant, l’autre à la basse, aux claviers, parfois à la voix. Ils balancent leur groove avec une évidence tranquille. Entre Maxime Genlis et Gabriel Rodriguez, l’histoire commence bien avant ce concert : une amitié solide, née au lycée, nourrie par une passion commune pour le son. Maxime, bassiste et claviériste, est passé par le CIM, puis le Conservatoire de Paris. En 2021, il publie Unlock, un EP de chill house, sous le nom de Chamade. Gabriel, guitariste et chanteur, est né à Berlin, d’un père péruvien et d’une mère charentaise. Il vit aujourd’hui à Paris, où il a étudié la robotique à la Sorbonne. Mais chez lui, la musique reste centrale. En 2016, il joue dans le groupe Medicis, avant de rejoindre Maxime dans le projet Nooktatone en 2019. PERKÉ with a K naît presque par hasard. Un appel de dernière minute pour remplacer un groupe au pied levé lors de l’Opus Festival. Six jours pour écrire un set de trente minutes. L’accueil est bon, les retours encourageants. Ce qui aurait pu rester un épisode sans suite devient un point de départ. Le duo enchaîne avec une résidence d’écriture à Soulac : surf le matin, musique l’après-midi. Le cadre donne du souffle à leur méthode. De cette expérience naît Premier Date, un EP de sept titres, marqué par l’élan et la liberté. Switching Delight, dernier titre clippé par Le Petit Pavé, partenaire de longue date, en deux minutes à peine, pose une ambiance estivale et lumineuse. Entre disco, funk et pop électronique, il assume son énergie dansante. Derrière sa forme directe, la production témoigne d’un long travail. Chaque son, chaque texture, chaque équilibre a fait l’objet d’un choix précis. Le résultat est immédiat, mais construit. Ce morceau évoque aussi une autre époque. Dans ses intentions et ses arrangements, Switching Delight rappelle Palace Hôtel, du groupe Préface. Même goût pour les textures soignées, même attention portée aux ambiances. À la sophistication instrumentale de Préface, PERKÉ with a K répond par une esthétique plus actuelle, ancrée dans les outils numériques, mais portée par la même exigence de clarté et de cohérence. Trois morceaux en français — Peter (aux rythmes afro-pop), Pas Fier (aux accents R&B), Sweet Town (avec son refrain répétitif et son pont psyché) — viennent compléter un EP cohérent, pensé pour le partage. PERKÉ with a K propose une musique sans prétention, mais avec sérieux. Un duo qui fait de l’imprévu un point de départ, fondé par deux musiciens dont les parcours se rejoignent autour d’un son précis, d’un goût du détail, et d’un plaisir évident à créer ensemble. (LFC)
Switching Delight est disponible via Resolution Records. Release secrète le 12 juin prochain (Montreuil). En concerts gratuits à Paris (Académie du Climat) le 20 juin 2025 et au Théâtre Michel le 21 juin.
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TYLA – BLISS
Avec Bliss, Tyla poursuit son ascension fulgurante sur la scène internationale en livrant un titre à la croisée des genres, où les sonorités amapiano — sa marque de fabrique — se mêlent subtilement à des influences R&B. Produite par Nolan Lambroza, Dylan Wiggins et le duo Novawav, la chanson évoque une relation amoureuse portée par un bonheur intense, presque irréel. Dévoilé en exclusivité lors de son second passage très remarqué à Coachella, Bliss s’accompagne d’un clip élégant et léché, qui nous transporte entre émotion et sensualité. À travers des jeux de lumière dorée, des ralentis soignés et une esthétique quasi onirique, Tyla incarne une figure libre, douce et affirmée. Le public adhère : le clip dépasse déjà les 2 millions de vues sur YouTube. En mars 2023, l’artiste sud-africaine déclarait lors d’une interview : « Je veux être l’un des artistes qui apportent ce son – l’amapiano – au monde ». Deux ans plus tard, force est de constater que le pari est en passe d’être tenu. (SK)
Bliss est disponible via FAX Records/Epic Records/Sony Music Entertainment.
PLÉTHORE – DIGITAL DREAM
Avec Digital Dream, troisième salve avant la parution en janvier 2026 de l’album éponyme, Pléthore affine un peu plus sa grammaire sonore — un langage qui conjugue les textures électroniques à la chaleur organique de la soul, les errances visuelles à des pulsations urbaines hypnotiques. Et toujours cette même impression tenace : quelque chose nous échappe. Louis Faloci, batteur devenu architecte de l’invisible, est à la manœuvre. Depuis ses débuts sur la scène alternative (avec Transistor, puis Hijacked et Guru Fiction), il tisse un projet à facettes. Le genre de collectif dont le nom ne ment pas : Pléthore, c’est un trop-plein assumé, une tension constante entre saturation numérique et manque humain. Digital Dream, c’est d’abord une montée. Quelque part entre un trip lynchien et une transe digitale. La voix de Faloci, mi-hantée mi-caresse, est bercée par le spleen d’un monde trop vite pixelisé, trop lentement digéré. Cette tension entre construction rigoureuse et liberté sensorielle fait écho au parcours de Louis Faloci, dont la formation en architecture influence visiblement l’approche musicale. Il conçoit ses morceaux comme des espaces à habiter : chaque arrangement, chaque silence, semble pensé comme un élément structurel. Ce premier album à venir se présente comme une œuvre de cohérence. Les extraits déjà dévoilés — Tainted, An Angel — exploraient la manière dont nos affects se diluent dans les reflets bleutés des écrans. Un monde où l’on swipe plus qu’on ne serre, où l’on like plus qu’on n’aime. Faloci transforme l’angoisse contemporaine en groove dansant (Atlantic), en mélodie jazzy (Poor Kid), ou convoque un improbable croisement entre LCD Soundsystem et Talk Talk (Directions). Les douze titres (dont deux interludes) prolongent la réflexion du collectif sur un monde où les frontières entre réel et virtuel se brouillent. L’ensemble compose une cartographie émotionnelle du présent, où la musique devient outil de navigation dans un quotidien saturé d’images, de doutes et d’écrans. Le clip de Digital Daydream, réalisé par Faloci lui-même avec Alexis Leclercq, prolonge cette quête d’un entre-deux : un no man’s land esthétique où réel et virtuel s’enlacent jusqu’à se confondre. L’acteur Félix Kysyl, perdu dans une Ford 1971, roule peut-être depuis toujours dans un monde qui n’a jamais existé. Ou peut-être que si. Faloci propose avec Pléthore une « soul architecturale », comme il la définit lui-même — empruntant autant aux émotions humaines qu’aux structures des villes. (LFC)
Digital Dream est disponible via Twin Spaces/Modulor.
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SATINE – 320
Satine n’a que 20 ans, mais elle a déjà connu plusieurs vies. Youtubeuse à succès dès l’adolescence, candidate à The Voice, chroniqueuse TV, autrice d’un livre sur le harcèlement scolaire dont elle a été victime, puis musicienne indépendante, patronne de son label BenBen avant de signer chez Warner — son parcours ressemble à un zigzag permanent entre exposition précoce et quête d’identité. Avec Trampoline, son nouvel EP, dont est extrait 320, elle signe peut-être ce qui est aujourd’hui son projet le plus équilibré. Dès les premières notes de Le Piège, Satine se confronte à son passé, et notamment à l’enfant médiatisée qu’elle a été. Ce morceau, écrit comme une lettre adressée à son « moi » de 12 ans, donne le ton : celui d’une introspection lucide, sans ressentiment. Loin d’un simple règlement de comptes avec son histoire, Trampoline est plutôt un effort de réconciliation avec sa part d’enfance, avec la pop colorée qu’elle a parfois rejetée. On y retrouve des textes directs, souvent teintés d’humour ou d’autodérision, sur des prods pop joyeuses — presque en décalage avec les thématiques parfois sombres qu’elle aborde. La santé mentale (Ennemie), les amours contrariés (L’idée de toi, C’est toi), le regard sur l’image publique (Ohoui!) sont autant de facettes d’une même histoire : la sienne. La composition est co-assurée par Axel Logan, Theo Hubinon, MattYeux, TheFrenchKris, Donnelli, Saudadj, Paul Ivory et Rodolphe Lecat, tous issus de cette nouvelle génération d’artistes français. Artiste née dans une famille baignée de jazz, Satine ne fait pas de la musique par accident. À 16 ans, elle a tout coupé. Pause totale. Isolement. Repli. Et puis le retour : sur TikTok, avec des chansons qu’elle écrit seule, inspirées de son Shit Diaries, un journal personnel qui alimente directement ses textes. Ce lien direct avec son public, nourri d’authenticité et de constance, fait d’elle une figure un peu à part dans la nouvelle scène française. Dans la lignée d’artistes comme Yoa dont on peut noter la similarité sur des titres comme L’idée de Toi et Ohoui!, Satine parle avec une vulnérabilité maîtrisée. Sa pop se pare de couleurs acidulées. Trampoline est une photographie des deux dernières années de sa jeune vie. Avec ce projet, Satine avance avec justesse, en construisant une discographie à son image : hybride, sensible, un peu cabossée. (LFC)
320 est disponible via Warner Music France/Elecktra/BenBen Records. En concert à Paris (Maroquinerie) le 12 juin 2025.
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ETHEL CAIN – NETTLES
Hayden Silas Anhedönia, alias Ethel Cain, signe un nouveau chapitre de son épopée musicale avec Nettles, premier single de son prochain album Willoughby Tucker, I Will Always Love You, attendu pour le 8 août 2025. Ce disque, déjà surnommé « B-sides » par la communauté fidèle des « Daughters of Cain », s’annonce comme un préquel à l’acclamé Preacher’s Daughter, paru en 2022. On y découvrira l’histoire d’amour tragique entre Ethel, personnage central de l’univers de la chanteuse, et Willoughby Tucker, figure mystérieuse évoquée dans la lancinante ballade A House in Nebraska. Avec Nettles, Ethel Cain dévoile un morceau toujours hanté, où la tendresse se mêle à la douleur, fidèle à son écriture cinématographique et viscérale. Ce projet s’inscrit dans la continuité d’une œuvre singulière, marquée par des expérimentations comme Perverts, album ambient et radical sorti en janvier dernier, qui a permis à la Floridienne d’explorer les frontières du drone et de l’abstraction. Figure montante de la scène alternative américaine, Anhedönia offre sa vision d’un folk gothique, traversé par la nostalgie, la violence et la rédemption. Willoughby Tucker I Will Always Love You promet de disséquer à nouveau l’intimité de son personnage, tissant une mythologie où se croisent souvenirs, fantômes et amours impossibles. (TR)
Nettles est disponible via Daughters of Cain Records.
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