Créateur de sa propre marque, ORTHODOXY, Modzik revient sur le parcours mode riche en expériences de Kevork Kiledjian – en passant par sa collaboration avec Karl Lagerfeld, jusqu’à habiller Michelle Obama – , qui débuta par l’influence de la musique. 

 

Comment la musique a-t-elle influencé ton parcours dans la mode ? 

J’écoutais beaucoup de musique, de rap surtout, j’ai grandi avec cette génération-là d’ailleurs. Mes premiers albums c’était du Tone Loc, DJ Jazzy Jeff and The Fresh Prince, Run-DMC, Public Enemy etc. C’était les premiers albums que j’ai écouté, je devais avoir 16 ans donc j’ai vraiment grandi avec ce genre. 

Et étais-tu en France à ce moment-là ? 

Oui j’étais en France mais j’ai découvert le rap réellement à Portland, Oregon. Avant ça, j’avais fait mon premier voyage à 14 ans à Chicago mais le rap n’était pas trop en vogue à cette époque, en tout cas pas dans la famille dans laquelle j’étais, eux, c’était U2. Tu n’entendais que ça et d’ailleurs aux Etats-Unis, les Américains font de vrais blocages avec certaines musiques, quand certains sons sortent et que ça marche, tu l’entends absolument partout où tu vas, c’est assez dingue. Mais effectivement, on peut dire que la musique m’a grandement influencé. 

Et par la suite, qu’est-ce qui t’a influencé à te lancer dans le milieu de la mode ? 

Ma soeur était styliste, elle était élève à Esmod et j’ai défilé pour elle quand j’avais 10 ans car elle faisait de la mode enfantine, on est en 1982 à ce moment-là. À vingt ans je ne savais pas trop ce que je voulais faire mais j’ai trouvé une toute petite boutique à Cannes où on m’a aidé. Je suis partis acheter des petites marques introuvables à New-York et Los Angeles pour cette boutique justement, en 1992. J’ai ramené des marques comme Tribal, Pervert ou encore Joker avec M.Cartoon, le tatoueur qui a tatoué Snoop, Eminem et tous les gangsters de LA. Dans les années 2000 j’ai ensuite rencontré Futura 2000 qui est l’un des plus grands artistes graphistes et qui était très proche de Madonna. Donc cette boutique à Cannes, c’était comme un ovni enfaite surtout quand on connaît la réputation de cette ville, car c’était la première boutique de streetwear pointue avec de la culture, bien avant que ça arrive à Paris. Les kids du sud faisaient des kilomètres pour venir à la boutique surtout qu’à l’époque il n’y avait pas encore internet donc pas autant de ressources pour trouver les vêtements. La musique était bien sûr autour de tout ça parce que les influences, c’était le magazine TheSource par exemple ou encore l’émission RapLine présentée par Olivier Cachin où tu voyais les NTM etc. C’est là où il fallait chopper les informations et fallait se battre, tout se jouait sur ces influences-là parce que si tu voyais Snoop ou Dre porter une chemise Ben Davis, il fallait que je trouve une chemise Ben Davis pour la boutique. 

Avec cette expérience et cette culture, as-tu eu envie de lancer ta propre marque ?

Oui, en 1996 j’ai lancé ma propre marque qui s’appelait Triiad. Ça a duré à peu près une dizaine d’années et ça a très bien marché, on habillait tout Canal+ avec Omar et Fred par exemple. L’émission “nulle part ailleurs” commençait toujours par un gros plan de la caméra sur DJ Abdel et le logo Triiad, donc tous les jours j’avais une pub. Par la suite, les gens en ont eu un peu marre du streetwear et ça s’est essoufflé surtout avec l’arrivée d’Hedi Slimane et le “ultra slim”. En faite, il est arrivé avec une proposition mode tellement importante que ça a pris le dessus. Après j’ai enchaîné avec la création de “Bearbrick” pour toutes les vitrines Chanel en 2006, on a proposé l’idée à Karl Lagerfeld à l’époque en lui envoyant un sample et il a tout de suite été emballé. C’était l’un des premiers objets issus de la culture street qui se mélangeait avec le côté luxe. 

Jusqu’où ce mariage entre culture streetwear et luxe t’a-t-il emmené ? 

Après “Bearbrick” pour Chanel, j’ai décidé de lancer une marque à mon nom pour voir ce que j’étais capable de faire, j’ai pas mal défilé à New York avec des looks très luxe, quelque chose de différent, j’ai fait pas mal de couvertures de magazine également et j’ai habillé Michelle Obama. Vers 2012, j’ai senti la mode changée de fonctionnement, si tu n’avais pas un grand comme LVMH derrière toi c’était très difficile de s’en sortir dans le prêt-à-porter de luxe. C’est vers cette période que j’ai commencé à travailler sur ORTHODOXY, un truc plus relax avec une qualité irréprochable et c’est ces caractéristiques qui ressortent principalement quand les gens portent la marque. L’idée c’est de ne pas trop se prendre au sérieux, on a d’ailleurs fait une collaboration avec IKKI Casting qui est le nouveau directeur de casting de la nouvelle génération le plus en vogue car il ramène justement de la diversité avec des mannequins différents. La photo du sweat de la collaboration en question, est une photo qui a été prise par moi-même sans savoir qui avait fait le tag et j’ai appris par la suite que c’était une mannequin qui avait passé un casting pour Vivienne Westwood qui s’est très mal passé qui l’avait fait, ça nous a donné l’idée du slogan “Dear casting Directors, fuck your opinion on my looks”. 

Nous avons évoqué la culture rap/hip-hop comme influence, est-ce que tu as été influencé par d’autres styles de musique également ? 

Oui bien sûr, avant d’écouter du rap j’écoutais des groupes comme The Smith, The Cure, The Kings, The Dooby Brothers, Led Zeppelin à fond etc. J’aime vraiment la musique. Mais quand t’es gamin, t’as besoin de tomber sur un style de musique avec lequel tu peux t’affirmer où t’identifier et moi c’était le hip-hop qui à l’époque dégageait une vraie force, une envie, une rage et c’est resté en moi.