Un film c’est aussi une affiche. Parmi toutes les sorties cinéma, nous avons choisi Mademoiselle pour décrypter tous les enjeux du nouveau drame de Park Chan-wook en passant par les indices de l’affiche. Présenté au 69ème festival de Cannes, le film réussit à enchanter les spectateurs avec une fable d’amour, de haine et de folie savamment agencés. Un jeu de piste qui dévoile à chaque rebondissement un personnage plus malin que son voisin.

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Derrière l’affiche star à la symétrie quasi-parfaite de l’affiche de Mademoiselle que l’on peut croiser dans la rue, Park Chan-wook nous a aussi livré cette autre version peut-être plus complexe, mais aussi bien plus révélatrice de l’intrigue. Sur fond mordoré se déploient les branches de plusieurs cerisiers du Japon. Auprès de chacun, les différents protagonistes de l’intrigue, en situation.
En bas une servante et sa maîtresse, relation phare du film, plus haut deux jeunes femmes nues et enlacées. Plus haut à gauche, un homme seul en train de fumer, à sa droite une femme pendue à une des branches du cerisier. En haut à droite, un vieil homme en train de lire, porté sur une chaise.

Dans la Corée des années 30, sous l’emprise japonaise, un faussaire et soi-disant comte souhaite épouser Hideko, la nièce d’un riche collectionneur de livres, et ce dans le but de récupérer l’héritage de la jeune fille. Pour réussir, ils décident d’engager une servante coréenne, Sook-hee, qu’ils feront enfermer sous le nom de mademoiselle Hideko. Évidemment rien ne se passera comme prévu.

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Tous vont se rencontrer et nouer des relations, plus ou moin longues, plus ou moins profondes et surtout plus ou moins intéressées. Les branches des cerisiers sont à la fois le tracé du labyrinthe qui les mène les uns aux autres comme les frontières qui les séparent. Tous les amours qui secouent Agassi sont cartographiés sur l’affiche du film et cette carte de Tendre se transforme ici en un jeu de piste savamment distillé à la sauce Park Chan-wookComme les livres que “mademoiselle” lit avec attention et délicatesse devant un public d’hommes avides, le film est à regarder attentivement pour trouver les rares indices disséminés. Malgré tout, le réalisateur s’attache à tout nous relire depuis le début. À chaque nouvelle partie du film, nous prenons un nouveau chemin dans ce labyrinthe, un nouveau point de vue, avec une esthétique touchant toujours à la perfection.

Alors que la forme d’amour la plus vraie du film s’avère être aussi la plus machiavélique, c’est-à-dire stratégique, l’amour intéressé ne survit pas et finit irrémédiablement par se perdre. La perversité et l’égocentrisme sont, quant à elles, condamnées à mourir seules, écartés de tous. Pour ne pas faire sombrer son nouveau bijou dans le drame psychologique, les dialogues possèdent un poil plus d’humour et de punchlines qu’à l’habitude. Pas suffisamment pour en faire un chef-d’oeuvre décalé mais assez pour rapprocher le spectateur des personnages. Même avec ses scènes d’un érotisme émouvant, Mademoiselle n’est pas une nouvelle Histoire d’O ni une énième Vénus à la Fourrure. Avec la même subtilité, le film approche avec justesse les relations entre Japon et Corée, à l’image de celles qui unissent les protagonistes : domination, intérêt économique, apparence, appartenance et identité.

La cartographie de Park Chan-wook, adaptation de la nouvelle de Susan Trinder Du bout des doigts, permet aussi d’explorer tous les spectres de la sexualité présents dans le film. Dans ce jeu de rôle permanent entre les personnages – jeu s’infiltrant jusque dans leur sexualité, les relations de pouvoir fleurissent, faisant sans doute le sel du film. Car derrière toutes les transgressions portées à l’écran dans Mademoiselle, le romantisme et l’amour triomphent forcément, avec une pointe de malice et d’ingéniosité. Calme retrouvé après une tempête de manipulations enchevêtrées, la fin de ce labyrinthe se trouve bien évidemment dans l’affiche.