Nous avons rendez-vous avec Xam Hurricane dans un bar restaurant prés du théâtre où il joue dans la pièce Le cercle des poètes disparus. Xam vient de publier son EP Réveiller les morts suivi d’une Release Party bouillante au Supersonic Records.
Notre première rencontre date de 2014, année où on découvre une force d’une vraie nature. Xam Hurricane est alors chef de file des Skully Circus, mystérieux musiciens masqués à la musique électro, auteurs d’un EP intitulé sobrement Hear Us a Symphony. Issu des cendres des Skully, naquit 8e Pli un collectif artistique où musique, images et poésie s’entrelaçaient. Puis vint l’exposition médiatique de The Voice, révélant au grand jour l’ouragan Xam Hurricane avec ses interprétations habitées et fiévreuses. L’auteur compositeur interprète a vécu un véritable ascenseur émotionnel. Entre espoirs, désillusions et reconstructions, son parcours est marqué par des défis constants. Naviguant entre musique, écriture et théâtre, il a su transformer les épreuves en opportunités et en force, alimenté par le feu qui brule en lui.
Une aventure tumultueuse avec The Voice et 8e pli
Revenons sur ton parcours. Après The Voice et ton expérience avec 8e pli, que s’est-il passé ?
8e pli, c’est avec eux que j’ai découvert l’artiste que je suis, mais notre aventure s’est terminée peu après The Voice. L’émission a amené pas mal de tensions dans le groupe car elle attirait toute l’attention sur moi. J’ai essayé de faire profiter 8e pli de cette visibilité : nous avons sorti des clips pendant l’émission, et une de nos vidéos a dépassé les 100 000 vues, ce qui était énorme pour nous à l’époque. Mais c’était difficile de tout concilier : mes nouvelles envies artistiques, les attentes du groupe, et cette exposition soudaine.
Finalement, la tension a eu raison de l’aventure, et le groupe s’est séparé après un dernier concert.
Rebondir en solo : un chemin semé d’embûches
Et toi, tu as choisi de poursuivre en solo ?
Oui, mais ça n’a pas été simple. Après la séparation, je me suis retrouvé complètement perdu artistiquement pendant une longue période. Je ne savais plus quoi faire, comment rebondir. J’attendais que le téléphone sonne. À l’époque, j’avais perdu confiance en moi. C’était un moment de solitude intense. Je me demandais si j’étais encore fait pour ça. De plus, The Voice avait révélé mes faiblesses techniques : à chaque Prime, je me pétais la voix. Il m’a fallu trois ans de cours intensifs de chant pour me mettre à niveau.
Pourtant, tu as continué à te produire après The Voice.
Oui, j’ai fait une petite tournée avec des gens de l’émission. Ça a commencé fort avec 3000 personnes sur des plages, mais ça s’est vite dégradé. J’ai même terminé mon intermittence en chantant sur une estrade dans un Leclerc, histoire de boucler mes cachets. Une des expériences les plus absurdes ? Le Dôme de Paris : une salle immense, mais seulement vingt-cinq spectateurs… La production avait mis mon visage en affiche pendant trois semaines, mais il n’y avait aucun relais derrière. C’était surréaliste.
Le contraste de la réalité post The Voice
« Après The Voice, tout le monde projette ses rêves sur toi. Tes proches, tes potes, même des gens que tu n’as pas vus depuis longtemps. Ils pensent que tout est gagné, mais la réalité, c’est une lutte constante. J’ai pris tout ce qui venait pour essayer de vivre de la musique : chanteur dans des concerts de reprises qui ne me parlaient pas, musicien dans des projets artistiques qui ne décollaient pas. »
Ces expériences, aussi absurdes soient-elles, ont forgé sa détermination.
Une bouffée d’air avec l’écriture, la comédie et du travail avec Pascal Obispo
« J’ai commencé à écrire des chansons pour d’autres artistes, mais ça n’a pas vraiment pris non plus. En parallèle, j’ai travaillé dans les studios de Pascal Obispo et cela m’a appris énormément sur la production, ce qui m’a permis de monter mon propre studio par la suite. Aujourd’hui, je suis capable de produire mes propres démos et de travailler presque en autonomie. J’ai aussi commencé à faire des concerts en guitare-voix, après avoir gagné les rencontres d’Astaffort, crées en 1994 par Francis Cabrel. Mais c’est quand même dans un autre registre. C’est plus chanson. Je me suis adapté. C’était hyper formateur. Pendant ce temps, la comédie a pris de plus en plus d’importance car ça a été un vrai bol d’air. J’ai fait des courts-métrages et ça m’a permis de souffler. Dans ce milieu, l’étiquette The Voice est perçue différemment, comme un avantage. »
Une traversée du désert et une renaissance sur scène
Un tournant inattendu grâce à Antoine Delie
Lors d’une tournée caritative particulièrement difficile, j’ai croisé Antoine Delie. Cette tournée était la plus dure de ma vie : dix-huit dates d’affilées, des reprises de variété, des salles à moitié vides, et des costumes que je détestais. Mais elle a aussi été un déclic. Elle a marqué un tournant. À l’époque, je disais oui à tout, même aux projets qui ne me correspondaient pas. Maintenant, je comprends qu’il faut parfois refuser des propositions pour mieux avancer sur mes objectifs personnels, même si ça me fait souvent plus peur. J’avais écrit un duo aux rencontres d’Astafort avec l’artiste Almée et je cherchais quelqu’un d’hors du commun pour le partager avec moi. J’ai proposé à Antoine Delie de l’essayer et il a adoré. Moi aussi j’ai direct compris que c’était lui. Je me suis alors rendu compte que je pouvais moi aussi emmener des artistes dans mon univers, et ne pas toujours me mettre au service de l’univers des autres.
Une nouvelle ouverture grâce au théâtre
Le théâtre a aussi joué un rôle clé dans ton parcours…
Oui, c’est Stéphane Freiss qui m’a donné cette opportunité. C’était l’été, je faisais la tournée des campings dans le Périgord pour faire mon intermittence. Il m’a proposé un casting pour une pièce de théâtre. Je n’avais rien à perdre, alors j’ai tenté.
Avec ses dernières économies, il se rend à Paris pour auditionner. « Le premier casting n’a rien donné, mais au second, Stéphane était là pour me soutenir. J’ai décroché le rôle. Ça m’a sorti la tête de l’eau. » Le théâtre lui offre une nouvelle perspective. « Sur scène, j’ai redécouvert le plaisir de raconter des histoires. C’était une autre manière d’utiliser ma voix, mon corps. »
L’EP : fragments d’un voyage intérieur
Un projet forgé dans l’adversité…
J’ai composé mes chansons, économisé dès que j’avais un peu de thune pour acheter du matos. Petit à petit, on montait notre propre studio avec mon ami d’enfance et producteur Nampa. Et un jour le studio… a brûlé. On a tout perdu : instruments, matériel, tout. On a pu refaire un vrai studio, grâce aux assurances qui nous ont remboursé un an après, mais on a passé six mois à faire les travaux nous-même.
La construction de son équipe a été elle aussi un véritable parcours du combattant, marqué par des essais multiples et des échecs. « Trouver les bonnes personnes, ça prend du temps pour un projet en développement. Se battre tout le temps, tu connais. Si t’as pas envie de te battre, ça ne sert à rien », confie-t-il. Aujourd’hui, entouré de musiciens qu’il considère comme des alliés fidèles, il peut enfin avancer. L’artiste finit par trouver l’équilibre et protéger sa voix. « Ça m’a pris un temps fou. Entre le financement, la réalisation des clips – que j’ai faits moi-même – et la sortie, plusieurs années se sont écoulées ; on a tout fait à la maison. Là, il n’y a pas de vraies batteries. Pour les vraies batteries, il faut des grosses rooms si tu veux que ça sonne fat. Pour la suite, je louerai des gros studios. Là je ne voulais pas trop me prendre la tête, juste faire un truc qui me ressemblait vraiment. C’est ma première carte de visite, donc je savais qu’avec ces chansons-là, je n’allais pas exploser les compteurs. Ça me permet de revenir avec mon esthétique. Aujourd’hui, je travaille sur un album. On va rester sur cette esthétique-là, c’est-à-dire très brute et sans concessions. »
… et profondément autobiographique.
Max revient avec un EP profondément autobiographique, tissé de réflexions sur son parcours et le monde qui l’entoure. Je reviens en est l’épicentre, un titre qui aborde son rapport au Star System, entre fascination et rejet. « J’ai vu ce tourbillon de l’intérieur, ce rythme effréné où tout tourne autour de toi. C’est déconnecté de la réalité, et ça m’a vite paru effrayant. Je savais que je ne voulais pas devenir ça. »
L’envie d’évasion irrigue aussi l’EP, inspirée par une période où le confinement le tenait cloué au sol. « Pendant cette période, je rêvais de voyager, mais je passais mon temps à lire des infos angoissantes. » Cette dualité se retrouve dans ses textes : l’émerveillement face à l’idée de liberté, mais aussi une critique du voyage moderne, trop standardisé, trop rapide. « On va tous aux mêmes endroits, on retrouve les mêmes enseignes. Le voyage, aujourd’hui, exacerbe nos peurs liées à la modernité. »
Avec Les miens et les vôtres, il explore les convictions et les contradictions humaines. « J’ai été frappé par la manière dont chacun est convaincu de sa vérité, comme un besoin de certitudes pour avancer. Ce titre s’inspire d’un film de Claude Lelouch et parle de cette diversité humaine, où tout le monde fait de son mieux, malgré les incompatibilités. »
Certains morceaux, comme Réveiller les morts, traduisent un ras-le-bol. D’autres, comme Illusions, plongent dans des instants de désillusion. « Ce titre parle de ces moments où tu te persuades que tout va bien, mais où la réalité te rattrape au matin. »
Enfin, Il faut se tenir prêt se démarque par sa portée poétique. « C’est une chanson sur la peur du dérèglement climatique et sur l’amour comme dernier refuge. Je pense que c’est mon plus beau texte, un poème que je porte très fort. »
Vers de nouveaux horizons
Avec cet EP et les expériences accumulées, Xam Hurricane regarde désormais vers l’avenir avec plus de sérénité. « J’ai appris à me protéger, à m’entourer des bonnes personnes, et à croire en moi, même dans les moments les plus sombres. Aujourd’hui, je me sens enfin prêt à avancer. »
Réveiller les morts est disponible via Cocktail Malakoff / Plan B.
Le cercle des poètes disparus à Paris (Théâtre Libre) jusqu’au 31 décembre 2024, au Théâtre Antoine à partir du 4 janvier 2025 et en tournée à partir du 11 janvier 2025.
Texte Lionel-Fabrice Chassaing
Image de couverture Chris et Nico