À quelques jours de la sortie de l’édition Deluxe de leur album More Heat to the Fire Part of Fire, Modzik a rencontré Neysa et Émile, membres du groupe UTO. L’occasion d’explorer les méandres de leur univers créatif, de décortiquer leurs influences et de comprendre leur vision musicale en constante mutation.

 

 

 

Quelle est la signification derrière le titre More Heat to the Fire Part of Fire ? Et comment se rattache-t-il au concept de votre album ?

Neysa : On a choisi ce titre parce que cet album, on l’a beaucoup médité au coin du feu à la campagne et nous-même on voulait être cette part du feu. Pour le « more heat », c’est comme l’image d’avoir rajouté des bûches dans le foyer. C’est comme si on avait donné un peu de nourriture à ce feu qu’on a allumé au moment de notre dernier album. Avec le petit jeu de mots entre « heat » et « hit ». On espère qu’on a fait des hits.

 

Vous avez fait une reprise de Dido. Comment l’avez-vous interprétée pour qu’elle s’inscrive dans votre esthétique sonore ? Avez-vous un lien émotionnel ou symbolique avec cette chanson ?

Neysa : Ce qui est intéressant avec Dido, c’est que la version originale elle-même a un lien avec nous. Au niveau de l’arrangement de cet album, il y a beaucoup de violons dans notre disque. Et les violons de la version originale de Dido sont emblématiques. Ils viennent faire un clin d’œil à notre propre production. C’était drôle de faire cette reprise en enlevant cette partie iconique des violons comme si elle existait sous une forme fantasmatique, sous une forme spectrale. Dido coïncide avec notre jeunesse au moment où il y avait les clips sur MTV. C’est lié à l’Angleterre et ça faisait sens pour nous puisque c’est une musique qu’on a écoutée.

 

 

 

Comment construisez-vous les textures sonores et les ambiances dans vos morceaux ? Travaillez-vous en priorité les paroles, les mélodies, les atmosphères ?

Émile : On travaille souvent un peu chacun dans notre petite grotte. On se retrouve à des moments pour justement se partager un peu là où on en est chacun de notre côté. Parfois, l’un va bosser sur la prothèse d’un morceau et l’autre sur celle d’un autre morceau, on va mettre ça en commun. Parfois l’un a un texte.

Neysa : On bosse par petits bouts. Un bout c’est une partie avec une instru, une ambiance et un bout de texte. On avance comme ça , un bout après l’autre, issus de nous deux. Puis, ils se mélangent. Il y a vraiment un truc qui s’entend et c’est malgré nous, ça vient de notre façon de bosser de manière un peu composite dans notre musique, avec des éléments qui s’associent naturellement.

Émile : Notre travail, c’est de réussir à faire en sorte que nos idées respectives, notre petit travail chacun dans notre grotte arrivent à s’associer comme un lego. Ce sont deux solitudes qui avancent ensemble sans que ça finisse en dialogue de sourds. C’est ce qu’on essaie. On doit s’accorder.

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« Notre travail, c’est de réussir à faire en sorte que nos idées respectives, notre petit travail chacun dans notre grotte arrivent à s’associer comme un lego. Ce sont deux solitudes qui avancent ensemble sans que ça finisse en dialogue de sourds. C’est ce qu’on essaie. On doit s’accorder. » (Emile.)

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Comment définiriez-vous votre identité musicale aujourd’hui après ces nouveaux titres ? Y a-t-il eu une évolution ?

Neysa : Je pense que ça a évolué et c’est normal. Dès qu’on a un truc un peu abouti, fini, on a souvent envie de rebattre toutes les cartes et de repartir à zéro pour recommencer une toute nouvelle idée. On a besoin de cette évolution.

Émile : Notre façon de faire de la musique évolue aussi en fonction de ce qu’on écoute. Depuis un an ou deux, je travaille plus sur des instrus qui sont des tempos un peu plus élevés avec un truc un peu plus dansant. Le côté électronique vient de notre manière de travailler aussi avec pas mal de machines et l’ordinateur. Mais on va aussi sortir une version acoustique sur le nouveau disque qui est 100% acoustique.

Neysa: Je pense qu’on fait de la pop comme on se servirait une grosse cuillère de purée dans une assiette et que pour manger cette purée, on va avoir un assortiment de sauces qui sont très différentes les unes des autres. La sauce un peu punk, la sauce un peu expérimentale, la sauce un peu rap aussi, la sauce un peu électro et ça  fait une purée qui est la purée pop avec plein de petits bouts de trucs.

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« Je pense qu’on fait de la pop comme on se servirait une grosse cuillère de purée dans une assiette et que pour manger cette purée, on va avoir un assortiment de sauces qui sont très différentes les unes des autres. La sauce un peu punk, la sauce un peu expérimentale, la sauce un peu rap aussi, la sauce un peu électro et ça fait une purée qui est la purée pop avec plein de petits bouts de trucs. » (Neysa.)

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Vous avez mentionné avoir grandi avec Portishead, Bob Dylan et Aphex Twin. Ont-ils eu une influence sur votre travail récent ? Quelles sont vos inspirations plus actuelles ?

Émile : Ces trois-là, c’est sûr que ça continue. Aphex Twin, c’est très régulièrement. Mais on l’écoute peut-être différemment, on l’écoute comme une façon d’être chez soi, c’est très familier comme écoute. On a besoin en tant que mélomane d’être dans cette familiarité parce que ça nous fait du bien, ça nous repose et en même temps, on a aussi une partie qui a envie d’être surprise. Pour les inspirations actuelles : John Glacier, Underworld, Oklou, The Real, Sam Gendel, Émile Moceri, Timbaland, Aya, Toto, Brigitte Fontaine, Coldplay ou Edir.

 

L’idée du feu revient souvent dans vos titres. Que représente-t-il symboliquement dans votre parcours artistique ?

Neysa : Je pense qu’il ne représente pas une seule chose, c’est ça qui est bien dans le feu. Il y a un rapport au temps, à la trace, à ce qui est calciné, il y a la cendre, qui avant a apporté du feu, et maintenant de la matière. Le feu, c’est plein de choses. C’est le feu intérieur. Je l’ai toujours un peu vu comme une sorte de miroir, d’image de la création, de notre façon de créer ensemble. Pour créer le feu, il faut le construire, le nourrir, le surveiller. Et il sert aussi à faire disparaître des choses. C’est une assez belle métaphore de la vie, de comment on est vivant.

 

Quelle est votre chanson préférée du Deluxe qui va sortir et pourquoi ?

Émile : On a une histoire particulière avec Spy, qu’on a sorti le 27 mars.  C’est vraiment une chanson où on a chacun bossé sur nos segments qui n’avaient rien à voir l’un avec l’autre, et hop, ils sont collés, et c’est très jouissif. C’est une chanson où on a vraiment l’impression que c’est une de nos premières, sans doute car on l’a faite il y a 2 ans. Ça a été un peu de tout. On s’est dit « vas-y, on peut vraiment s’amuser en faisant de la musique. On peut faire de la musique amusante qui ne soit pas pour autant moins exigeante ».

Neysa : Et qui soit engagée aussi parce qu’il y a un truc un peu de « bad girl », dans ce style d’incivilité et de politiquement incorrect.

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More Heat to the Fire Part of Fire est disponible via In Finé.

 

 

Texte Tiphaine Riant

Image en couverture Elias Borst