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Pendant quatre jours, Strasbourg a vibré au rythme de la Strasbourg Music Week, festival transfrontalier qui s’impose comme un rendez-vous incontournable pour les amateurs de découvertes musicales. Du 26 au 29 mai 2025, la ville s’est transformée en véritable scène européenne, accueillant pas moins de vingt-deux artistes et professionnels passionnés dans trois lieux emblématiques : l’espace K, le Molodoï et la Grenze. Quatre jours, vingt-deux artistes, trois lieux, et des découvertes à l’infini.
Pensée comme une plateforme d’échanges et de rencontres, la troisième édition de la Strasbourg Music Week a réussi son pari de mettre en lumière la richesse et la diversité de la scène émergente européenne. Entre concerts, conférences et moments de partage dans toute la ville, l’événement a offert un panorama vivant de la nouvelle scène musicale tout en affirmant l’ambition de Strasbourg de devenir un carrefour majeur pour les talents d’aujourd’hui, mais surtout de demain.
l’Eurovision alternatif : soirée pilote
Lundi soir, la Strasbourg Music Week a donné le coup d’envoi de sa programmation live à La Grenze avec une soirée inédite : la toute première édition de l’Eurovision alternatif, imaginée et orchestrée par Hedwige Dhénain et Florent Bony, membres de Kalima Production. Loin du concours télévisé, ce concept met en avant la diversité et l’ultra-émergence de la scène européenne, sans esprit de compétition. « Nous ne cherchons pas à mettre un projet plus en avant qu’un autre ; tous les artistes sont présentés de manière égale. Ce que nous souhaitons, c’est créer une ambiance, encourager les artistes, notamment en proposant des messages dans leur langue sur nos supports de communication », expliquent les organisateurs.
La soirée a débuté avec une performance magique et énigmatique : la Lettonne Elizabete Balčus a captivé le public avec sa performance singulière, entre chants éthérés, flute traversière et univers électro-pop expérimental. Elle a été suivie par la Belge Benni, révélation indie pop, puis par les Suisses de Bandit Voyage, qui ont distillé énergie brute et poésie décalée sur scène. Pour clôturer la soirée, le duo de françaises NÛR a littéralement électrisé La Grenze, transformant la salle en piste de danse survoltée et l’ambiance en un orage musical.
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©Tiphaine Riant
Au-delà de la programmation, c’est l’esprit de partage et de curiosité qui a marqué cette première. « Notre démarche va plus loin que d’autres festivals européens en s’intéressant à l’ultra-émergence et aux scènes issues de territoires plus ruraux », soulignent les membres de Kalima Production. Un pari réussi : le public a pu voyager d’un pays à l’autre sans même quitter Strasbourg, le temps d’une soirée qu’il sera difficile d’oublier.
Temps forts, rencontres, et bilan
Le festival s’est organisé autour de nombreux temps forts, pensés pour encourager les échanges entre tous les acteurs des musiques actuelles. Les conférences et panels internationaux, qui se sont déroulés à l’Espace K, ont fait office de point de rencontre pour les festivaliers, les musiciens et les professionnels de l’industrie musicale. Chacun a pu participer à des ateliers variés, partager son expérience et débattre des grands enjeux du secteur : la santé des clubs, la précarité des jeunes artistes, les nouveaux modèles de diffusion ou encore la coopération transfrontalière.
Autre rendez-vous incontournable : les apéros pro organisés chaque soir, véritables moments de joie et de rencontre. Ces temps conviviaux ont permis au public de ce festival à taille humaine, où festivaliers et artistes se tenaient à la même table, de tisser des liens avant de laisser place aux concerts nocturnes du lundi au mercredi. Chaque soirée offrait un panorama de la scène émergente européenne, mêlant découvertes et surprises, passant de la dark shoegaze de Dews Pegahorn et de la pop poétique de Laura Cahen au rap mystique de Ucci Why.
Isabelle Sire, organisatrice de l’événement, dresse un bilan lucide mais optimiste de cette édition : « En travaillant sur des sujets transfrontaliers, on réalise que malgré des systèmes très différents, les problématiques sont les mêmes pour tous : difficultés des clubs, précarité des artistes, manque de public. Mais c’est aussi une opportunité : on peut réfléchir ensemble à des solutions et se soutenir mutuellement. Strasbourg est devenue un vrai hub pour ces échanges ».
Coups de cœur et découvertes
Les soundwalks dans la ville
Parmi les expériences les plus originales du festival, les soundwalks : parcours musicaux à travers la ville, qui permettaient de passer d’un lieu à l’autre pour découvrir des concerts dans des endroits insolites. On retiendra la performance de Mel D et sa witchy pop folk dans l’église Saint-Pierre-le-Vieux, avec une atmosphère magique et une voix envoûtante dans un cadre unique.
L’énergie débordante de Tedaak
Sur scène, Tedaak a déchaîné les foules avec sa tekno punk kueer music et ses paroles percutantes. Son énergie communicative, sa présence scénique explosive et la fusion des styles a transformé le concert en véritable tourbillon. Impossible de rester en place : le public a dansé, chanté, crié, vibré. Un moment de pure euphorie collective, reflet peut-être d’un besoin de communauté et de rassemblement.
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Le lieu : La Grenze
Grande terrasse ouverte au bord des voies ferrées, La Grenze est un espace hybride à la fois salle de concert, lieu de rencontres et bar convivial. Avec son ambiance chaleureuse, sa programmation pointue et son esprit ouvert, La Grenze a été le cœur battant du festival.
Dance Divine et ses savoirs : mode, astro et acid trance
Dance Divine a offert un set ensorcelant et puissant, mêlant acid trance, références astrologiques et mode de seconde main. Véritable ovni de la scène électronique, elle a transporté le public dans un univers où la danse devient rituel et la musique, voyage cosmique. Un moment de lâcher-prise et de communion, et la découverte d’une très belle artiste.
Les paroles politiques, intimes, et intimement politiques de Le Talu
Le Talu a su toucher par la force de ses textes, à la fois profondément personnels et engagés. Sur scène, ses chansons résonnent comme des manifestes, mêlant sensualité queer et revendications, pour une musique qui parle au cœur comme à la conscience. Un artiste rare, dont la sincérité, le talent, le courage d’affirmation et la lucidité marquent.
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L’avant-garde d’Elizabete Balčus
Enfin, impossible de ne pas saluer l’audace d’Elizabete Balčus, aussi bien sur le plan musical que visuel. Entre pop expérimentale, performances habitées et looks avant-gardistes, l’artiste lettone a fait de chaque apparition, même au milieu du public, un acte créatif total. Sa capacité à brouiller les frontières entre musique, mode et performance a fait souffler un vent de liberté et d’inspiration sur le festival.
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Texte Tiphaine Riant
Image de couverture Tiphaine Riant