Lorsqu’on a découvert la jeune chanteuse-actrice, productrice et multi-instrumentaliste Georgia en 2015 avec son premier album, elle n’avait que 21 ans et avait bricolé son opus chez elle toute seule : ex.footballeuse au club d’Arsenal et batteuse entre autre pour Kate Tempest ou Kwes, ses productions étaient alors inspirées par Missy Elliott et la scène post-punk avec des accents à la Fever Ray, Arca ou encore Hudson Mohawke : pas mal pour une débutante ! Mais entre d’éreintantes tournées et des excès en tous genres (alcool, drogues…), Georgia a eu besoin de se reprendre en main. C’est ce qu’elle a fait avant de se lancer dans l’écriture et la production de son nouvel album Seeking Thrills paru il y a quelques jours sur Domino Records, le label indépendant britannique qui héberge entre autre Arctic Monkeys, Animal Collective, The Kills, Ana Calvi ou encore Four Tet. Fille de Neil Barnes, co-fondateur du duo indie-rave-electronic Leftfield, elle a baigné dans la club culture d’Outre-Manche et nous livre un opus où souffle le vent d’hédonisme que l’on ressent lorsqu’on s’abandonne à la musique sur un dancefloor.
L’interview de Georgia :
Cette nouvelle direction c’est un peu un hommage à l’univers club culture que tu as connu à travers ton père ?
Oui il y a de ça : depuis toute petite j’ai été entouré par les machines donc cela ne m’a jamais paru bizarre. Et puis je suis une touche-à-tout de longue date. Quand j’ai sorti mon premier album je n’avais pas vraiment de direction, j’étais encore dans une période où j’expérimentais afin de savoir qui j’étais et il en était de même pour ma musique. Mais dès qu’il est sorti, je savais que je voulais aller dans une autre direction avec le second disque, emmener ma musique plus loin mais aussi de produire quelque chose de plus accessible et immédiat. Je voulais aller vers une pop dansante que j’aime beaucoup moi-même : des influences du début des années 80 comme Dépêche Mode, Kate Bush… Une période qui a été vraiment phénoménale en Angleterre quand on y pense. Beaucoup de groupes de synth-pop anglais ont écouté la scène house de Chicago et la scène Techno de Detroit et cela a donné un son incroyable.
Aimes-tu toujours sortir en club?
Oui je suis une enfant de la scène UK Rave : mon père fait partie de Leftield. Lorsque j’étais gosse, mes parents n’avaient pas honte de m’emmener dans des raves rassemblant de milliers de gens dansant les bras levés : ça m’a fasciné de voir tout cela. ce sont des images qui restent très fortes et pleines d’émotion encore aujourd’hui. Je suis consciente que j’ai une connexion unique avec la musique car j’ai vu tout cela en étant très jeune. Je suis assez fière que ma famille et moi venons de la scène dance music. Apprendre d’où toutes ces influences provenaient, l’histoire de la House de Chicago et de la Techno de Detroit a été un voyage émotionnel très fort pour moi. A partir de là, la direction de Seeking Thrills s’est imposée à moi. Je me suis alors sentie une artiste plus complète, acceptant mes influences musicales et comprenant d’où elles venaient.
Je crois que Londres tient aussi une part importante dans ta musique, n’est-ce pas ?
Oui j’y habite et Londres m’inspire aussi en terme d’architecture sonore dans ma musique depuis toujours. Son influence est toujours présente aujourd’hui mais dans une moindre mesure que sur mon premier album.
L’une de tes talents réside dans ton jeu de batterie mais cette fois c’est ta voix qui a pris le dessus !
Sur le premier album je n’avais pas confiance en mes capacités de chanteuse mais avec ce disque et les tournées j’ai pris plus d’assurance sur le chant. Mon ami Wayne du groupe The Flaming lips m’a invité à plusieurs reprises à venir le rejoindre en Oklahoma et j’ai pas mal écris et composé là bas : c’est lui qui m’a conseillé de me lâcher au niveau de ma voix et chanter plus fort. Ca m’a beaucoup aidé à réaliser que je voulais que la partie vocale soit prédominante sur ce nouveau disque. je voulais que les gens puissent et comprendre les histoires que je raconte dans ces chansons. C’est le même mariage réussi entre la voix et la musique qui a si bien fonctionné dans les 80’s que je voulais recréer ici. Par exemple dans “Your Love” de Frankie Knuckles et Jamie Principle, la partie vocale est tellement incroyable car elle a sa place. De même les superpositions de voix de Kate Bush sont impressionnantes.
Quand au live ?
C’est sur scène que la batterie et la voix font jeu égal et que le mélange une autre ampleur encore.
Tu es seule sur scène c’est cela ?
Oui au milieu de mon set de batterie, de mes pads avec mon micro. C’est très énergique et physique ! Sur l’album j’ai programmé l’essentiel des rythmiques mais sur quelques titres comme “Never Let You Go” je joue la partie rythmique moi-même. Ce morceau parle de mon frère qui me manque : il suit des études de danse à Bruxelles et nous sommes très proches. C’est grâce que j’aime autant Kate Bush aujourd’hui car il en était fou, notamment pour sa façon de mêler musique et danse contemporaine. C’est un excellent danseur.
Vous devriez collaborer ensemble sur l’une des tes vidéos ?
Je sais et c’est prévu, nous attendons juste le bon morceau pour faire cela. Mais le projet est déjà lancé.
Tu es plutôt control freak concernant ta musique et tu sais un peu tout faire, mais sur cet album la production est montée d’un cran en terme de qualité par rapport au premier album, n’est-ce pas ?
J’ai beaucoup progressé entre les deux albums et j’ai travaillé avec une super équipe pour pousser mon son au maximum cette fois-ci : c’est grâce à Laurence Bell fondateur et directeur artistique de Domino que j’ai pu trouver mon ingénieur son et nous avons échangé jusque dans les choix de mastering.
Ta vie aussi a changé entre les 2 albums, non?
Plus jeune j’ai fait pas mal d’excès et j’en ai fait payer le prix mon entourage. J’ai décidé d’arrêter cela et me reprendre en main non seulement pour moi mais aussi pour les gens que j’aime. J’ai arrêté complètement la drogue, réduit drastiquement l’alcool jusqu’à quasiment arrêter également : pour l’enregistrement de ce disque, je me suis levé tôt tous les jours, allant nager chaque matin puis me rendant ensuite au studio comme s’il s’agissait d’un travail “sérieux” (rires). Le premier titre que j’ai écrit et réalisé c’est “Started Out” et il a donné le ton pour la suite de l’album.
Il y a pas mal de remixes de ta musique qui viennent sortir, duquel es-tu la plus fière ?
Je dirais forcément celui de MK car il fait le lien avec cette scène US auquel je faisais référence : en plus sa version est à la fois classique et super contemporaine.
Ton album s’intitule Seeking Thrills, de quel type de frisson parles-tu ?
C’est assez ambigu : bien sûr il y a ce frisson qui te parcourt le corps quand tu danses sur un morceau qui te transporte mais il s’agit aussi de la recherche d’un frisson plus général dans ma propre vie.
Pour écouter l’album c’est ici : Seeking Thrills.
En concert :
Ne manquez pas Georgia sur la scène au Badaboum (Paris, 75) le 11 février. Toutes les infos ici.