À Eurosonic 2025, point de neige cette année. Arrivés dans la brume le 15 janvier dernier, les valises cabines teintes sur les sols, une horde d’acteurs de l’industrie musicale se ruent à l’assaut des rues de la ville, cherchant leur lieu de villégiature pour les quatre jours de rencontres, musiques et conférences que dure le festival. La ville de Groningen s’apprête à vibrer au rythme du festival, avec des vitrines de commerces parfois envahies par des artistes tentant de captiver les passants.
Notre délégation pose ses valises au Martini, lieu idoine pour se déplacer sur l’ensemble des lieux stratégiques du Festival. On redécouvre que le légendaire vélo néerlandais est bien le roi dans cette cité à 2 heures au Nord d’Amsterdam. Certains professionnels n’hésitent d’ailleurs pas à les enfourcher pour se déplacer. Les parkings sont pleins à proximité des salles de concerts.
Ce n’est pas moins de 333 concerts qui nous attendent venant de 33 pays européens, d’où la nécessité de s’organiser au mieux. Surtout qu’au delà du seul Festival, d’autres évènements jalonneront notre séjour : les Music Moves Europe Awards, les European Festival Awards et le néerlandais Pop Prize 2024.
La première journée se distingue par une concentration des événements dans le centre Oosterpoort. L’attente pour récupérer son badge peut être longue, mais elle en vaut la peine : un espace vaste et chaleureux, où tout est à portée de main – bars, stands de restauration rapide et concerts.
Nous entamons la soirée avec la cérémonie d’ouverture, animée par Chay, maîtresse de cérémonie débordant d’énergie. Nous sommes accueillis par les sons enveloppants de Daniela Pes, figure de proue de la délégation italienne, mise à l’honneur cette année. C’est aussi la première année pour Anna van Nunen, la nouvelle directrice générale, qui indiquera être née dans la bonne ville de Groningen. Cette édition voit les artistes disposer de 40 minutes pour présenter leur travail à un public de professionnels, dans l’espoir de voir leur musique se diffuser davantage en 2025.

À peine le temps de souffler, nous nous lançons à la recherche des salles dans ce complexe parfois labyrinthique, où la signalétique peut semer la confusion. Les différentes jauges de salles demandent parfois de jouer des coudes pour y accéder. La moisson du jour : Carpetman (Ukraine), personnage masqué aux couleurs d’une carpette dont la prestation nous laissera un peu de marbre, Jasmine.4.T (Angleterre) qui a séduit les foules, les belges COLT, qui nous donneront l’impression d’un concert de Coline Debry (moitié du duo). Au tour des français Photons, nouvelle formation du pianiste Gauthier Toux, qui laisseront la salle assez réservée, l’italien Bassolino et son jazz soul quasi instrumental, l’irlandaise Niamh Bury avec son folk touchant… mais nos coups de cœur de la soirée furent l’anglais Antony Szmierek qui délivrera un set d’une énergie incroyable, malgré son retard pour arriver jusqu’à nous et la performance captivante de la princesse de l’indie pop belge Sylvie Kreusch, éblouissante dans sa robe bleue, digne des plus grands cabarets.

Changement d’atmosphère pour cette deuxième journée, Eurosonic revient à sa tradition d’envahir la ville. Cette année 21 lieux de Groningen, Lycée ou églises seront adaptées pour l’occasion, sans oublier la cérémonie de remise des Music Moves Europe Awards (MME). Quinze artistes sont en lice, dont Yamê pour la France. Nos pronostics étaient bons, mais nous ne sommes pas là pour ça. Un festival, ce n’est pas seulement une série de concerts ; c’est aussi l’occasion de rencontrer les artistes. Notre attention se porte sur la pépite de la province de Cadix, Judeline, un de nos espoirs pour 2025, qui est aussi ravie d’être présente et d’avoir été nominée.
Cinq artistes recevront un MME Award, et un artiste obtiendra le Grand Prix du Jury. La cérémonie, co-animée par Bulgarian Cartrader, gagnant 2024 et l’incontournable Chay, prend des airs d’Eurovision. Une zone VIP est mise en place pour les nominés, qui attendent avec impatience l’ouverture des enveloppes, tout près d’un jury composé de représentants de la BBC, de FIP, de Spotify et du Festival Tchèque Colours of Ostrava.
Ce sera aussi l’occasion d’accueillir Glenn Micallef, le nouveau commissaire européen chargé de l’équité entre les générations, de la jeunesse, de la culture et du sport. « La musique brise les barrières et rassemble les gens. Elle compose la bande-son de nos vies. Je suis très fier de voir une telle diversité de talents promettant un avenir radieux pour la scène musicale européenne ». Finalement, les lauréats seront : les Irlandais de Kingfishr, la Néerlandaise Naomi Sharon, les Estoniens Night Tapes, l’Autrichienne Uche Yara et la sensation latina Judeline, qui remporte également le Prix du Public. Quant au prestigieux Prix du Jury, il est attribué à Yamé, déjà couronné par le Prix Sacem Francis Lemarque de la Révélation 2024.

Autre cérémonie, autre lieu, les European Festival Awards récompenseront entre autres le Hellfest pour sa programmation, le Festival de Montreux et We Love Green en tant que festival le plus vert de l’année.
Une fois ces cérémonies terminées, nous nous dirigeons vers les concerts de la soirée, dieu sait s’il en existe… Adrien Soleiman qui saura charmer avec son Bellejazzclub, le charismatique Sebastian Schub, seul avec sa guitare, transforme l’église où il joue en un lieu de recueillement et de communion, la fraîche Nectar Woode, que nous aimons tant, les MRCY avec le facétieux Barney et la voix envoûtante de Kojo, le set intimiste de Yamé au piano, celui tout en énergie du nouveau prince du pop rock belge Berre, les Biélorusses déjantés de Rap&Vogue, qui délivreront un set électro pantomime en partie en français, Judeline qui jouera la dominatrice avec son performeur jusqu’à aller à le chevaucher dans un set fiévreux, les jeunes Irlandais de Cardinals, qui redonnent vie à l’accordéon dans une atmosphère mêlant shoegaze, folk traditionnel et rock, et enfin les Belges Glintsal, le duo explosif formé par le rappeur Glints et le DJ Faisal, qui enflamment la scène du Huiz Mass.

Déjà le dernier jour de notre séjour à Groningen, nous en profitons pour humer l’énergie de cette ville qui vit au rythme de toutes les musiques. Sur la Grote Markt, les concerts gratuits de groupes s’enchainent depuis le début du festival. Des showcases se déroulent également chez les disquaires, avec en tête Plato, situé à quelques pas de la Grote Markt, qui accueille plus de 23 artistes de la programmation officielle pour des performances de 20 minutes.
Mais il est temps de retourner dans les salles. On commence par l’humble et touchant Isaac Roux, accompagné d’un band parfait, puis c’est au tour de nos Irlandais de Soft Launch, après deux showcases dans la même journée, qui feront fondre le cœur de leurs fans féminines avec un set bien plus abouti que leur prestation parisienne, avec un Limousine parfait. Bonnie Banane se produit devant un public plutôt clairsemé, l’allemande Cloudy June aura du mal à nous garder avec son set mêlant bandes et guitare live, Benjamin Amaru, venu en voiture de Suisse, nous livre un set sage mais efficace au Stadsschouwburg, après lequel nous enchaînons avec la mancunienne d’adoption Chloe Slater, devenue incontournable dans le post-punk. Enfin, les Français de Pamela, avec Simon à la batterie et aux machines, et Sam au chant, clôtureront notre soirée avec une énergie fiévreuse qui n’est pas sans rappeler celle de Samuel T.Herring, chanteur des Future Islands. C’est sur leurs derniers accords que nous mettrons fin à notre immersion musicale à Groningen.

Nous n’aurons pas l’occasion de partir à la découvertes des artistes néerlandais, traditionnellement présentés le dernier jour, notamment Jaïr Faria, étoile montante, connue pour son mélange particulier de pop, de néo-soul et de rock indépendant qui aura su capter notre intérêt avec son album Just As Ï Remember.
Gageons que beaucoup de ses artistes se retrouveront sur les scènes des festivals européens en 2025.
Remerciements : Boogie Drugstore (Justine, Erwan, Thomas), ESNS (Tess) et Global Publicity (Nikki)
Texte Lionel-Fabrice Chassaing
Image de couverture Siese Veenstra