La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.
CHAPPELL ROAN – THE GIVER
Chappell Roan portait une robe en cuir rouge très serrée lors du défilé de Ludovic de Saint Sernin − Automne 2025, lors de la dernière Fashion Week parisienne. Mais c’est aujourd’hui arborant un casque de chantier qu’on la retrouve. Kayleigh Rose fait une incursion intrigante dans le monde de la country avec The Giver, un morceau qui flirte avec les codes traditionnels du genre tout en y apportant une touche personnelle. La chanson, marquée par un violon et un banjo en bonne et due forme, déploie une énergie décontractée et nostalgique, presque kitsch, puisant dans l’imaginaire et la légèreté de l’été. Mais sous cette surface de légèreté se cache une approche subversive, notamment avec ses thématiques lesbiennes, qui ébranlent les conventions d’un genre historiquement conservateur, offrant un angle frais et nécessaire. Roan, qui a grandi dans le Missouri, cite son éducation musicale comme une influence clé sur ce titre. Toutefois, elle insiste sur le fait que The Giver ne marque pas une transition vers un album country complet. Au contraire, elle décrit cette chanson comme une manière de s’amuser et de se sentir libre, loin des contraintes de la pop. Lors de sa performance mémorable sur Saturday Night Live, Roan a parfaitement incarné cette fusion de nostalgie et de modernité, alliant visuels rétro western et contenu thématique contemporain, tout en apportant une nouvelle perspective à la scène country, comparable à d’autres artistes LGBTQ+ comme Brandi Carlile et Orville Peck. Avec The Giver, Chappell Roan s’affirme comme une artiste à la fois respectueuse des traditions et résolument avant-gardiste.
The Giver est disponible via KRA International/Island Records/UMG. En concert à Paris (Rock en Seine) le 20 aout 2025.
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PAMELA – IDNTKNWYT
Pamela, nom emprunté à la grand-mère de Sam Sprent, le chanteur nantais originaire de Jersey. Sa voix forte et grave qui a d’abord secoué les murs avec Von Pariahs, avant de se poser sur les projets Swirls et l’intrigante fanfare pop-rock Green Line Marching Band. À ses côtés, des complices aguerris : Simon Quénéa, ex Inüit, et Pierre Cheguillaume, ingénieur du son et arrangeur de talent. Autant dire qu’ils ne sont pas novices en matière de scène et de studio. Pierre a coproduit l’album La symphonie des éclairs de Zaho de Sagazan, Simon, lui, est le batteur de la tournée. Pamela, en première partie de Zaho dans les Zeniths de France, a donc pris ses marques sur les planches, avant de fouler la scène nantaise du CafK en janvier 2024. Depuis, ils ont enchaîné les moments-clés de leur ascension : MaMA Festival, Trans Musicales, Eurosonic… Et ce n’est que le début, avec en ligne de mire des festivals comme The Great Escape à Brighton ou Les Vieilles Charrues. Avec LIVE. SHIFT. DREAM., dont est extrait IDNTKNWYT, leur premier EP de six titres, on comprend tout de suite qu’on ne parle pas juste de conquête. Non, il s’agit de marquer l’instant. Six morceaux d’une puissance implacable, un concentré d’influences où se croisent LCD Soundsystem, Gorillaz, The Cure ou Joy Division. Entre électro-pop, new wave et une touche résolument moderne, le duo tisse une toile sonore sophistiquée d’une dance music qui ne craint pas de se frotter à l’indie rock, la britpop ou la chanson. Pamela n’est pas juste prêt à faire parler d’eux, ils le font, en électrisant le public, concert après concert. Pamela n’est pas seulement un groupe, c’est une énergie qui vibre et s’impose. Le voyage ne fait que commencer, et il est déjà inoubliable.
Idntknwyt est disponible via FMA Records.
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LIZZO – STILL BAD
Lizzo revient avec Still Bad, un single qui dévoile une facette plus sombre et introspective de l’artiste, tout en restant fidèle à son énergie débridée. Produit par Blake Slatkin et Ricky Reed, ce morceau funky, imprégné d’une ligne de basse omniprésente, reprend les éléments qui ont fait le succès de About Damn Time. Mais cette fois, le message est plus abrasif, plus brut : « Je n’ai pas besoin de lui, j’ai besoin d’un verre / Transformons cette douleur en champagne, bébé ». Lizzo semble se réinventer, non plus dans la célébration de son corps ou de sa joie de vivre, mais dans une quête de résilience après une rupture, où l’auto-dérision côtoie la douleur. Le clip, qui lorgne clairement vers l’univers cinématographique, est un véritable parcours initiatique. Lizzo, figée dans un décor nocturne post-apocalyptique, se retrouve dans une forêt où elle est traquée par des créatures à l’apparence étrange, des êtres argentés qui rappellent les spectres de ses propres démons. L’imagerie — une voiture en feu, des éclaboussures de sang — semble directement inspirée des codes visuels du cinéma d’horreur et de la pop-culture gothique, tout en insufflant une dynamique de danse salvatrice et cathartique, typique du style de Lizzo. Le groove disco-pop qui anime Still Bad évoque sans détour les années 80, rappelant vaguement Bad de Michael Jackson, avec un refrain qui ne laisse pas de place à la nuance : « Je survis encore et je suis toujours aussi mauvaise, bébé ». C’est ici que Lizzo puise dans l’héritage des icônes de la musique pop, mais avec une approche résolument plus punk, où chaque syllabe semble cracher une vérité sur sa propre survie face aux épreuves. Still Bad est une sorte de mise en scène cathartique de cette transformation, où l’héroïne Lizzo se débarrasse de son ancienne peau pour émerger comme une version plus dure et plus affirmée d’elle-même.
Still Bad est disponible via Nice Life Recording/Atlantic Recording.
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SHYGIRL – WIFEY RIDDIM FT. JORJA SMITH & SADBOI
Shygirl, princesse de l’électro-pop expérimentale londonienne revient avec Wifey Riddim, son dernier single en collaboration avec Jorja Smith et SadBoi. Sorti le 28 février 2025, ce morceau est extrait de Club Shy Room 2, un EP de six titres qui maintient la flamme de la fête allumée. La collaboration marque également le retour progressif de Jorja Smith, qui avait récemment fait parler d’elle avec Crush, single en duo avec AJ Tracey sorti le 13 février. Blane Muise, de son vrai nom, n’en est pas à son coup d’essai en matière de collaborations audacieuses. Cofondatrice du label Nuxxe, elle a su s’entourer de producteurs de renommés: Sega Bodega, Arca ou encore Mura Masa. L’EP Club Shy Room 2 est un concentré d’énergie en moins de 15 minutes, avec des featurings internationaux qui vont de PinkPantheress à Saweetie. Mais c’est Wifey Riddim qui se démarque, fusionnant les univers de Shygirl et Jorja Smith dans un hymne à la confiance et à la liberté. Shygirl n’est pas simplement une étoile à suivre mais une véritable avant-gardiste à adopter. Concert après concert, clip après clip, elle redéfinit les codes de la musique électronique et expérimentale. Avec ce dernier single, l’artiste britannique prouve une fois de encore qu’elle est plus qu’une simple tendance : elle est l’avenir de la scène électronique britannique.
Wifey Riddim est disponible via Nuxxe.
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GEORGE KA – LE MÊME CORPS
Son prénom de naissance est Camille, mais sur scène, elle choisit de s’appeler George, un surnom affectueux donné par sa sœur, inspiré par la bande dessinée Le Combat ordinaire de Manu Larcenet. Représentante de la troisième génération des Viet Kieu, cette diaspora vietnamienne d’outre-mer, George Ka utilise sa musique pour explorer les frontières de l’identité, du métissage et des minorités. Dès son enfance, elle est confrontée aux stéréotypes de genre. Refusant de jouer à la poupée, elle préférait faire de l’escalade avec son père qui lui enseigna la résilience physique et l’importance de la persévérance. Loin de se plier aux attentes sociales, elle choisit de se démarquer par son attitude et son rejet des normes sexistes. Sa mère, devenue professeure de français, a transmis à sa fille l’importance de la langue comme outil d’émancipation et de réussite sociale. C’est avec cet héritage qu’elle sort son premier EP, Par Avance (2021), une réflexion intime sur ses expériences personnelles, abordant des thèmes comme l’identité, le rejet et la honte, tout en déconstruisant les normes pour dévoiler un parcours authentique et sensible. Après avoir exploré les amitiés féminines sur 2000 âmes et la fin d’un amour sur L’Espagne, voici Le Même Corps concernant le poids des héritages, extraits de son premier album, Les rebords de l’âme, prévu pour le 4 avril 2025. Co-composé avec Louxor (Georgio, Gaël Faye…), l’album réunit onze titres mêlant pop, électronique et acoustique, avec la participation de Kevin Heartbeats et de Fils Cara. Parmi les titres marquants, Bus 115, divisé en deux parties, nous entraîne dans un voyage intérieur et extérieur, où George Ka scrute le monde et notre humanité avec lucidité et espoir. « Si quelqu’un trouve dans mes chansons un bout de « je ne suis pas seul », alors ça va un peu mieux », slame-t-elle. À travers ses mots et ses mélodies, elle tisse des ponts entre passé et présent, entre luttes et espoirs, nous invitant à explorer nos propres rebords d’âme.
Le Même Corps est disponible via Excuse My French/Pavillon Bleu. En tournée, elle sera au Printemps de Bourges le 19 avril 2025, et à Paris (Trianon) le 21 novembre 2025.
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SOROSORO – HNIN
Jason Nasser et Léo Desnoyelles, tous deux originaires du Sud de la France, se rencontrent à Lyon lorsqu’ils deviennent colocataires. C’est à ce moment que naît leur aventure musicale sous le nom de Sorosoro. Porté par le programme Variations de FGO, le duo s’entoure rapidement d’une équipe talentueuse et signe récemment avec Moonchild Records, Universal Publishing, et Vertigo pour leur tournée. Sorosoro, c’est une alchimie subtile entre chanson, influences orientales et sonorités urbaines. Dès les premières notes, la délicatesse des paroles et le vibrato discret de Jason nous envoûtent et ne nous lâche plus. Leurs textes, empreints d’une émotion sincère, explorent des thématiques universelles comme l’amour, la souffrance et la résilience. Le nouveau single du duo, Hnin, évoque la persévérance, l’importance de ne jamais abandonner. Ce titre aborde également les répercussions de l’exposition artistique sur les réseaux sociaux, notamment les messages privés souvent intéressés. Il nous plonge dans le quotidien d’artistes qui passent de l’anonymat à la reconnaissance. L’équilibre entre une introspection profonde et l’envie de partager se ressent dans chaque chanson, comme un journal de bord de leur parcours professionnel et personnel, créant une connexion authentique. L’art devient alors un moyen d’unir les émotions, de soutenir l’autre et d’établir un pont entre les âmes. Sorosoro poursuit son parcours avec une démarche sereine et affirmée, s’imposant comme un projet à suivre de près, capable de toucher les cœurs avec sa poésie musicale.
Hnin est disponible via Moonchild Records. En concert à Paris (Pop up) le 27 mars 2025.
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THE ODDS – ROI
The Odds, c’est le groupe qui débarque en 2021 avec l’énergie d’une jeunesse affamée de rock qui nous rappelle que le rock français n’est pas mort. Ce quatuor franco-britannique, composé de Tarka Decamps (guitariste chanteur), César Calles (guitariste chanteur) et Julien Samuel (batterie), rejoint en 2024 par Alexis Vialatel (bassiste) réconcilie les sonorités du passé avec une soif de nouveauté. Ce qui frappe tout de suite, c’est leur complicité, fruit d’une amitié qui remonte à leurs six ans, lorsqu’ils se sont rencontrés à l’école dans le 9e arrondissement de Paris. Leur histoire commence avec les guitares en plastique de Guitar Hero et une adolescence plongée dans les sons rock. Leur approche est simple mais efficace : des riffs nerveux, des rythmes poisseux, le tout saupoudré d’un soupçon de dérision. Ce qui les distingue en France, c’est leur capacité à briser la structure classique du groupe de rock, avec plusieurs voix, une complicité palpable, et un sens du show qui fait vibrer le public. Avec l’appui de Yarol Poupaud qu’il rencontre lors d’une jam et une production soignée, le groupe se forge une place de choix dans le paysage rock français avec leur premier EP Danse animale en 2024. Roi leur dernier single, marque sans doute le passage à une certaine maturité. Oubliés les costumes pailletés et les maquillages bienvenue à un stylisme plus traditionnel rock. L’utilisation des images des membres enfants, dans la lyrics vidéo n’est pas sans nous rappeler la pochette de First Date de ce groupe talentueux malheureusement méconnu Deputies. Roi est extrait de leur EP Kids de six titres à paraitre le 21 mars 2025. Après une première partie fiévreuse (Bastille, Roi, Joujou), Enfant de Lucifer marque une rupture, offrant une ballade acoustique plus douce, presque fragile, qui aborde la dévalorisation post rupture amoureuse avant que ne débarque l’histoire avec Carla (Avant qu’elle ne parte), pastiche musical réussi de Daniela des Elmer Foot Beat avec une rythmique et des harmonies qui sonnent comme un air de déjà-entendu. Enfin, Sans avenir clôt l’EP sur une note plus calme, une ballade mid-tempo cristalline et intense, véritable bijou de l’EP. Entre rébellion, mélancolie et comin’ of age, ce deuxième EP confirme tout le potentiel du groupe.
Roi est disponible via Label Odds/Jo&Co. En concert gratuit à Paris (Supersonic) le 24 mars 2025.
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THESE NEW PURITANS – INDUSTRIAL LOVE SONG [FEATURING CAROLINE POLACHEK]
Les jumeaux Jack et George Barnett prennent leur temps, six ans entre chaque album et ils n’ont aucunement sacrifié l’ambition de structures musicales complexes. Chaque opus comme leurs concerts sont une expérience unique. Opposer le beau au brutal, la berceuse à la cacophonie a toujours été la signature musicale de These New Puritans. Ils nous offrent ici un aperçu de leur album Crooked Wing, prévu pour le 23 mai 2025 avec le double single Bells/ Industrial Love Song, ce dernier avec Caroline Polachek, qui n’a jamais caché son admiration pour These New Puritans et a partagé sa joie d’avoir rejoint le projet. En 2022, elle leur écrivait déjà pour exprimer son amour pour Inside The Rose (2019), et quelques mois plus tard, Industrial Love Song lui arrivait, comme une réponse musicale à cette connexion. Jack Barnett explique la symbolique de la chanson : « C’est un duo entre deux grues, deux entités mécaniques qui cherchent à se rapprocher. Cela reflète notre époque, où la technologie et l’humanité se confondent parfois ». Les paroles sont imbibées de cette vision étrange et poétique où l’industrie devient une métaphore de l’amour et du désir, tout en détournant l’attente du terme « industriel ». Crooked Wing s’annonce comme une nouvelle exploration sonore hybride, oscillant entre intensité et grâce. Produit par Jack Barnett et Graham Sutton, l’album fusionne des sonorités électroniques et organiques, mêlant jazz, classique et musique industrielle. À la fois avant-gardiste et intemporel, il s’inspire d’instruments anciens, comme l’orgue d’église, pour créer des atmosphères saisissantes, tout en restant résolument ancré dans son époque par des textures modernes.
Industrial Love Song est disponible via Domino Recording Co Ltd.
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