Revenus d’une tournée gargantuesque due au succès de leur premier album Antidotes, Foals étaient attendus au tournant pour leur deuxième essai. Pari réussi, ils reviennent avec le très organique et apaisé Total Life Forever. Rencontre avec Yannis Philippakis (chant-guitare) et Edwin Congreave (claviers) autour d’un café-croissant.

 

Cet album est moins nerveux que le premier…

Edwin Congreave : C’est surtout dû à notre approche de l’écriture. Sur le premier album, nous écrivions tout en groupe. Cette fois, on a vécu ensemble dans une maison à Oxford, où l’on s’est construit un petit studio juste pour l’écriture. C’était plus intime de se retrouver là.
C’est votre fameuse House Of Supreme Mathematics à Oxford. C’est comme une communauté artistique?
Yannis Philippakis : Oui, c’est un groupe de bons amis : il y a le mec qui fait nos artworks, des musi- ciens, des cinéastes… C’est une bonne chose de rassembler nos proches dans un même lieu créatif.

J’ai entendu dire que Raymond Kurzweil (célèbre informaticien et théoricien américain, ndlr) avait inspiré ce disque…
YP : Oui, il a publié un livre appelé The Singu- larity Is Near : When Humans Transcend Bio- logy (paru chez Viking/Penguin Books en 2005, ndlr) qui parle de la relation entre l’homme et la technologie. Il extrapole énormément sur le sujet. C’est un mec incroyable, très excentrique. Je lisais ce livre pendant que l’on composait l’album et, forcément, ça a influé sur notre musique.

Vous êtes plutôt pessimistes quand vous pensez au futur?
YP : Les changements trop rapides me préoccu- pent… Il y a quelque chose de déshumanisant quand je pense à l’avenir de la société. Ce n’est pas un «concept album» là-dessus, mais ce livre m’a beaucoup inspiré. Ce n’est pas pour autant la seule thématique du disque. On a passé beaucoup de temps à le mixer pour le rendre plus organique, cela donne une touche plus humaine. Quand je compose, je pense aussi à des couleurs, des images…

Tu parles de couleurs, d’images : et si ce disque était une BO de film?
YP : Le Grand Bleu ou un film de Ridley Scott. C’est marrant que tu parles de ça car, dans notre maison, on visionne souvent des films quand on joue. On regarde l’écran et l’on essaye de s’en inspirer. Surtout pour les textes : je me passe des images et les laisse venir à moi. Je peux regarder plusieurs fois le même film de cette façon. nos paroles sont visuelles. On est aussi très proches des personnes qui font notre artwork, nos vidéos… tout se décide au même moment. Je peux associer tous les disques que j’adore à une couleur. Total Life Forever est un peu notre Blue Album.

Vous pouvez nous parler d’Oxford?
EC : Ce n’est pas une ville super fun, il n’y a pas plein de fêtes comme à Londres. Il n’y a pas de vie nocturne, ni de scènes musicales différentes.
YP : nous ne sommes pas intéressés par la hype… Oxford, c’est aussi justement très bien pour ne pas être corrompu par ces conneries. Et puis, on a des amis vraiment importants pour le groupe là-bas.

Justement, ça vous a énervés que l’on vous classe dans la catégorie hype à l’époque du premier LP ?
YP : On n’était pas énervés, mais on ne savait pas vraiment comment réagir à tout ça…
EC : La hype transforme la musique en sport de compétition. La quête du « groupe le plus cool du moment!», ce genre de trucs, c’est fascisant… Cela crée des rivalités au sein des groupes jusqu’à parfois même les détruire.

Quel genre d’ado étiez-vous?
YP : Je faisais tout le temps des conneries. du coup, j’avais tout le temps des problèmes. Je traînais avec des stoners, en essayant de ne pas inquiéter ma mère.
EC : J’étais un peu le branleur de l’école privée, perdu au milieu de mecs qui ne juraient que par le sport. J’écoutais du punk rock dans mon coin, en me cachant pour fumer des clopes.
YP : J’ai adoré l’intensité de cette période, c’était une sorte de rage positive. Je me souviens que je n’avais peur de rien et que tout était possible.

Yannis, tu avais un groupe de math rock à l’époque d’ailleurs, The Edmund Fitzgerald, que tu as laissé tomber parce que tu trouvais ça trop sérieux. Comment vois-tu cette période maintenant ?
YP : C’était fun ! J’avais 16 ans, je séchais les cours pour traîner avec le groupe. On prenait le van, on faisait plein de concerts devant personne, j’en ai tiré de bonnes leçons. On jouait tout le temps, on enregistrait plein de titres tout en sachant qu’ils ne sortiraient jamais !

Vous vous souvenez de votre première claque musicale ?
EC : Le premier disque que j’ai eu, c’est Guns n’ roses, Appetite For Destruction. J’ai appris toutes les parties de batterie et les paroles par cœur. J’étais obsédé par cet album.
YP : Je devais avoir 11 ans, on m’avait filé une cassette avec d’un côté Nevermind de nirvana et de l’autre Smash de The Offspring. tu sais, c’est l’époque où tu écoutes de la musique en cours avec ton walkman en essayant de ne pas te faire griller par le prof.

C’est l’époque où tu n’as que deux disques, mais tu dissèques tout, tu lis tout le livret…
YP : Oui, c’est une période perdue. On est la dernière génération à avoir connu ça. La musique est tellement disponible et accessible maintenant. C’était intéressant aussi à l’époque, car tu n’avais pas d’infos sur les groupes : tu voyais une photo et tu t’imaginais la vie des mecs… Cela faisait marcher ton imaginaire. maintenant, les groupes sont démystifiés. C’est pour ça aussi que l’on se protège de la hype. aujourd’hui, quand tu es un groupe, tu dois aussi faire attention à l’image, il faut davantage filtrer.

Foals, Total Life Forever (Warner) www.myspace.com/foals 

Propos recueillis par Guillaume Cohonner