Zainab Fasiki est une artiste, dessinatrice indépendante marocaine, militant pour les droits des femmes et des libertés individuelles. Auteure de bandes dessinées, elle analyse au travers de ses dessins, les problématiques liées à la sexualité et au rapport du corps de la femme dans son pays. Son dernier ouvrage Hshouma, au départ un site internet devenu BD, vise à briser certains tabous au Maroc. Personnages de femmes fatales géantes, super-héroïnes portant le voile, ces dessins sont une manière de célébrer les corps et leur beauté, face à un système patriarcale très stricte. Zoom sur cette dessinatrice hyper engagée.

Contrainte de se confronter à une société profondément patriarcale, Zainab Fasiki dénonce à l’aide de ses crayons les tabous liés au monde féminin. Avec ses dessins, elle décrit les inégalités qui caractérisent ce rapport conflictuel homme/femme, ainsi que la culture du harcèlement toujours présente dans nos sociétés. Ces femmes provocantes et fatales, parfois même sarcastiques car nues ou en lingerie portant le voile, se moquent de l’hypocrisie d’une société effrayée par les corps.

Fondatrice du collectif WOMEN POWER qui invite chaque mois des femmes à prendre part à des workshops, Zainab Fasiki utilise la bande dessinée comme un outil d’activisme, encourageant les jeunes artistes dans leur carrière. Aujourd’hui, elle s’attaque à la culture de la “hshouma”  dans la société marocaine, c’est-à-dire la honte mais aussi une manière de passer sous silence tous discours considéré comme tabou. Ainsi, elle a récemment publié une bande dessinée éponyme, qui met ce sujet du corps de la femme, sa sexualité et tout ce qui est lié aux contraintes, au cœur de l’histoire. Le livre, loin d’exprimer une injonction à la nudité propose, de manière pédagogique, un état des lieux.

Couverture de Hshouma, éditions Massot (2019)

Zainab Fasiki appelle également à une libération du désir. Son livre Hshouma est, en quelque sorte, un pamphlet pour la liberté sexuelle au Maroc, où les relations hors mariages sont interdites. D’ailleurs, la bande dessinée est sortie quelques jours après la tribune qui réclamait l’abrogation de “l’article 490 du code pénal, qui punit de prison les relations sexuelles hors des liens du mariage”, signée par Leïla Slimani et Sonia Terrab, une forme de continuité artistique en somme.

“Le seul but de ce livre est de faire la paix avec notre corps et avec les autres. Parce que le Maroc est le pays de la paix et de l’amour” – Zainab Fasiki

Hshouma parle du corps, des critères de beauté que la société impose, de l’anatomie, des règles, mais aussi d’orientation sexuelle, d’homosexualité, des populations transgenres en normalisant tous ces aspects. L’une des difficultés dans la société marocaine, selon Zainab Fasiki, tient au champs lexical de la sexualité en Darija marocain. Il n’existe pas de mots “justes” pour décrire les organes génitaux. Ceux qui existent tiennent du vocabulaire de l’insulte, ou du vulgaire, ou sont issues d’une autre langue (arabe classique, français, voire amazigh).

De ce fait, comment aborder sereinement des conversations autour du corps et de la sexualité, quand il n’y a pas de vocable acceptable pour s’exprimer ? Faisant suite à la censure à plusieurs reprises, la bande dessinée a initialement été publiée en français, cependant Zainab Fasiki compte bien changer cela dans le futur afin que tous les marocains puissent avoir accès à ce livre.