A l’occasion de la sortie de son 1er album Trauma chez Delicieuse Musique, le jeune producteur/musicien/chanteur français FHIN – découvert surtout avec son second EP Around Away (2017) – nous offre une playlist des plus inspirée et nous éclaire à travers son interview sur ce premier long format. Outre EPs & singles, il a également collaboré avec d’autres artistes tels que Parcels, Polo & Pan ou encore Zimmer. Teasé par le lead single (au titre éponyme) où il convie le rappeur anglais Louis VI mais aussi “I’ll Figure Out” et “Lights Would Be Better”, l’album s’avère une belle réussite mêlant électronique, groove et indie pop et démontrant un indéniable charme hypnotique.

(crédit photo header Flavien Prioreau)

L’interview de FHIN :

Quel a été le déclic avec la musique pour toi ?
J’ai toujours su que c’était un rêve pour moi, je naviguais entre les instruments, j’écoutais énormément de musique. Mes parents m’ont toujours accompagné dans ce sens, à me pousser à me trouver un groupe, transformer ma passion. Mais justement j’avais aussi conscience que ça resterait très complexe d’en vivre, et j’ai décidé de faire des études d’ingénieur du son pour rester proche de tout ça, bosser en studio etc. Et finalement j’ai commencé à produire de la musique sur mon ordinateur, à me frotter à ce milieu que je connaissais finalement assez peu, et c’est en découvrant des artistes comme M83, Burial, Shlohmo, Four Tet, que j’ai voulu passer à ce format de création.

Tu te montres finalement assez peu : c’est voulu ?
C’est pas forcément une fuite ou une envie de me dissimuler, mais c’est vrai que naturellement on me voit pas des masses. Récemment j’ai posté pas mal de contenu studio assez intimiste dans lesquels j’apparais et finalement je me rend compte que ça parle aux gens et je vais essayer de continuer dans ce sens. Mais c’est vrai que quand je vais travailler avec un réal, je préfère que ses idées servent pleinement la musique, qu’il sélectionne son scénario, son casting parfait… Je me présente comme près à apparaitre, faire de l’acting etc s’il pense que ça servirait son projet, mais que c’est pas du tout une nécessité pour moi.
Sur scène également, on a beaucoup travaillé sur ça avec mon meilleur ami qui s’occupe aussi de ma DA visuelle, Leo Mozoloa. Il a programmé tout un show visuel immersif, synchronisé à ma musique, très à contre jour, où j’apparais surtout comme une silhouette. On a cette volonté de mettre en avant tout la partie artistique de Fhin, la musique, les lumières, les couleurs, les textures, plus que l’interprète.

Fhin – ©Idriss Arin

Pourquoi avoir signé sur le label Délicieuse Musique, par affinité musicale ?
A l’époque j’ai envoyé mes démos à pas mal de monde, en bouteille à la mer ; Mathieu de Délicieuse m’a appelé le jour même et on a tout de suite eu un contact super friendly et une communication fluide. Lui et Gautier sont deux personnes en qui j’ai grande confiance, ils sont devenus des amis avec le temps. C’est aussi important pour moi que ce soit dans les deux sens, sur l’album ils ne m’ont jamais freiné dans mes direction, ils m’ont accompagné au max dans tout ce que j’ai voulu exprimer et ça me semble primordial afin qu’un artiste puisse s’épanouir et trouver son plein potentiel, je pense qu’ils l’ont compris.

Comment s’est déroulé le passage des singles/EPs au 1er album ?
Beaucoup de remises en question, trop d’analyse sur ce que je composais, tout ça m’a pas mal freiné au moment de me mettre à l’album. J’ai préféré prendre le temps pour être sûr de ce que je voulais délivrer par la suite. Un jour un professionnel du milieu avec lequel je papotais m’a dit “Tu sais si tu sors pas ton album “tant de mois” après ton dernier EP, c’est sûr que le projet va couler etc”. Et en fait il m’a mis un déclic, j’avais envie de lui donner tort. J’avais trouvé ça hyper triste de valider cette course à la release, au stream, au détriment de la qualité de ce que tu sors de tes tripes et ça m’a confirmé que beaucoup d’artistes se mettent dans ce type de régime. J’ai donc pris le temps de peaufiner quelque chose dont je voulais être fier.

Quel est le fil rouge musical de ce projet ?
Mon fil rouge c’est de ne pas en avoir finalement, par défaut, ma vision de la musique évolue et donc ce que je crée aussi, naturellement. Je pense qu’on ressent encore quelque chose qui me ressemble mais que ce que je transmets est différent et se transforme doucement avec le temps. Écouter Trauma après les EP c’est sans doute un peu comme repasser une soirée avec un pote qu’on n’a pas vu depuis longtemps, qui a plein de choses à te raconter et d’une manière un peu différente aussi.

Qu’est-ce que ce 1er long format représente pour toi ? Pourquoi avoir choisi le titre « Trauma » ?
J’ai voulu rendre un hommage aux “Traumas”, ces cicatrices liées à des moments forts et intimes qui font profondément partie de nous, à vie, qui à première vue sont des choses négatives mais restent des expériences vécues et dont on peut se servir, faire évoluer leur impact sur nous, avec le temps.

Quel est l’aspect de ton album qui te rend le plus fier ?
Je suis heureux d’avoir pu exprimer mes émotions dans autant d’axes différents, de la douceur autant que de la violence, de l’entrain, de la torpeur, un peu de folie, mais que l’album puisse quand même parler à du monde et être cohérent. J’aime me dire que n’importe qui aimera au moins un des morceaux, et n’appréciera pas au moins un des morceaux également.
Je voulais que ce soit vécu comme une nuit de rêve dans la tête d’une personne : on est transporté dans beaucoup de situations très différentes, mais on reste dans le point de vue du même rêveur.

Ta musique est plutôt introspective, où puises-tu ton inspiration ?
J’écris beaucoup sur des sensations que je peux exploiter au sein de rêves lucides. Mais aussi parfois ça peut être en geekant sur des textures de synthétiseur au studio, en jouant du piano, ou même durant un trajet en moto ou un truc me vient en tête et je m’arrête pour le poser sur le mémo de mon téléphone.. Il n’y a pas tellement de constante à ce niveau, je prends l’inspiration comme elle vient, plutôt passivement, souvent en s’installant dans le but de faire une chanson comme ça, j’ai pas la sensation d’être au plus créatif.

Des envies de collaborations ou tu penses rester plutôt solo ?
Après tant de solitude dans la conception de cet album, j’ai naturellement très envie d’échanger plus, de créer davantage avec du monde. J’échange actuellement avec du monde et je pense que la prochaine étape sera en effet plus collaborative.

Quels sont les artistes que tu suis de près musicalement aujourd’hui ?
Il y en a des tonnes, c’est plutôt mon radar de sortie Spotify qui me tient au jus de tout ça, mais il y a tellement d’artistes talentueux qu’il serait complexe de faire une shortlist. En tout cas c’est super satisfaisant d’avoir autant de variété de styles et autant de talents à portée d’écoute, constamment, on vit une époque incroyable à ce niveau !

La playlist commentée par FHIN, morceau par morceau :

1.Crazy P – “Love is with You”
Quand la voix toute douce et son vocoder entrent, je me suis retrouvé tout envouté. C’est une caresse un peu dansante dont je ne me lasse pas.

2. Youandewan – 4D anxiety
J’ai été super touché par l’aspect très expérimental et progressif de ce track mené par un beat simple et droit.

3. William Crook – rainbows
Le traitement du son est tellement unique, j’aime beaucoup Wiliam Crook pour ça, il bouscule toujours les codes dans la manière de produire, et ça influence tellement les émotions qui en découlent.

4. Catching Flies – Daymarks
Vibe super originale, j’adore le traitement des voix, la guitare classique, le beat bien à l’ancienne et le piano droit. Tout est à sa place et me transperce.

5. Cella – Imperfection
Un son qui a accompagné beaucoup de mes rides nocturnes à vélo dans Paris (pas bien). Une prouesse de production qui ne délaisse pas l’âme, la musicalité, les harmonies qui touchent. Pas toujours évident d’apporter les deux.

6. Hendrix Harris – ZONE
Un meurtre qui démarre au bout de quelques secondes, Hendrix n’avait clairement pas le temps de niaiser. La prod de Lou Berry est tellement sombre, tape tellement fort. Un bonheur.

7. VHOOR – Embraza
Je ne pense pas qu’un être humain normalement constitué puisse rester immobile quand Embraza tape dans les hauts parleurs. La voix juvénile et énervée qui accompagne la prod apporte un truc fou.

8. Burial – Archangel
Je suis retombé sur ce son de Burial. Je l’écoutais en boucle à l’époque durant laquelle je passais mon temps à chercher des perles sur des blogs de son comme Live for the Funk etc. Je pense que cette génération d’artistes m’a beaucoup influencé.

9. Philip Glass – Metamorphosis 2
C’est Philip Glass qui m’a donné l’envie d’essayer le piano et ce besoin de m’exprimer du bout de mes doigts. Celui ci est vraiment unique et très cinématique, difficile de ne pas être transporté.

10. RY X – Thunder
J’ai entendu celle-ci pour la première fois dans l’incroyable série Allemande “Dark”. Un beau voyage intime, transporté en guitare-voix.

11. Ashley Henry – The Mighty (ft. Ben Marc)
Instrumental super inspirante, avec un arrangement élégant et efficace. Une boucle qui pourrait durer et durer…

12. Sampa the Great – Energy
Sampa m’a hypnotisé des qu’elle entre dans le track. Elle est tellement en place, sa voix épouse parfaitement l’arrangement monstrueux qui l’accompagne. Le côté narratif apporte un truc très particulier aussi.

13. N.E.R.D – Hypnotize U
Gros classique, toujours aussi emballé à chaque écoute. Pharell tue le truc, normal, et la production par les Daft Punk aide pas mal.

14. Aphrodite’s Child – Loud Loud Loud
Leur album 666 m’a beaucoup marqué quand je l’ai découvert, adolescent. Une narration de l’apocalypse selon Saint Jean, par l’ancien groupe de Demis Roussos, avec un rock progressif super charismatique et visuel.

15. Jadu Heart – Another Life
Le final de ce titre me rend fou, l’énergie qu’il développe est tellement contagieuse, on a envie que ça ne s’arrête jamais.

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