On vous l’avoue d’entrée, l’album nous a laissé perplexe. NME en dit très justement ” so strange, it’s fantastic ” , et en effet l’album surprend énormément, le liant est presque absent, si ce n’est la voix de Damon Albarn. Mais le tout génère quelque chose de presque mystique. Après tout, c’est de Gorillaz dont on parle. Et puisque l’album est selon nous trop décousu, on vous en a fait une chronique toute aussi décousue.

L’introduction de l’album est on ne peut plus simple : ” I Switched My Robot Off ” , j’ai éteint mon robot. Si c’est Damon Albarn qui s’exprime, la suite de l’album lui donne immédiatement tort : il survole l’album avec un effet usuel sur sa voix dont on dirait qu’elle est toujours en orbite. Un effet qui aura fait le son si caractéristique des belles années Gorillaz façon Demon Dayz.

C’est un Vince Staples en feu qui prend la suite sur ” Ascension ” , premier vrai morceau de l’album entrecoupé des litanies spatiales d’Albarn. Les titres sont assez courts avec une moyenne de 2:45 minutes.
Le morceau suivant, ” Strobelite ” , mi funk-mi disco découvre un Peven Everett dans un gospel thing qui prend aux tripes. Si Damon se contredit d’entrée de jeu, alors nous aussi. L’album prend du sens finalement. S’étirant dans différents styles qui lui donne cet effet brouillon. Ce ” Strobelite ” nous a tout de même hérissé les poils.

Le premier single, ” Saturnz Barz ” , qu’on avait hésité à descendre lorsqu’il est sorti, prend sens ici, c’est à dire à l’écoute ordonnée de l’album. L’instrumentalisation de l’album, dans son illusion de patchwork, tend à se répondre de morceau en morceau. Le génie de Damon Albarn pointe le bout de son nez.

On avait bondi quand sur la tracklist ” Momentz ” se déclarait être un featuring avec De La Soul. On avait tellement adoré leur dernier album And The Anonymous Nobody. On adore encore plus ce featuring, qui nous rappelle cette époque dorée où Gorillaz chantait ” Feel Good Inc. ” avec De La Soul.
L’interlude suivant, ” The Non-Conformist Oath ” , est un sermon paradoxal. Ce qu’on suppose être un leader fait répéter à une foule ” I promise to be different, I promise to be unique. I promise to not repeat things “.

On frise la dance music des années 2000 avec avec la voix très Kelly Rowland de Kelela sur ” Submission ” , un Danny Brown (qui aurait pu être sur le morceau suivant) survolté comme toujours vient sauver les meubles.
Sur ” Charger ” , Damon Albarn rebondit de syllabes en syllabes sur un instrumental qui lui va si bien : guitare bipolaire sur beat industriel. Magistral.

” Elevator Going Up ” sera pour longtemps l’interlude le plus court de l’histoire : 2 petites secondes avant que le single le plus réussi débute. ” Andromeda ” et son background très ambient se développe dans une continuité sur le morceau suivant, ” Busted and Blue ” , morceau le plus long de l’album et seul non-featuring, où Damon Albarn laisse transparaître toute sa mélancolie.

” Carnival ” explose dans la foulée de l’interlude ” Talk Radio ” avec une composition de l’espace pour un Anthony Hamilton des grands jours (ou des grands soirs, c’est selon). Le dernier single a être sorti, ” Let Me Out ” , fait se rencontrer la chanteuse de 77 ans Mavis Staples et le rappeur du Bronx signé sur GOOD Music Pusha T, donnant au morceau un côté hip-hop soul très agréable grâce notamment au duo pleinement consommé des deux artistes qu’on aurait jamais pensé voir sur un même titre, la voix de Albarn scellant le tout.
A l’image de l’album, le morceau aurait tant gagné à être plus long.

L’interlude ” Penthouse ” nous fait arriver dans une soirée animée : La ” Sex Murder Party ” , le morceau suivant, dans lequel on se projette sans mal en s’imaginant dans une belle orgie dont Jamie Principle serait le MC. ” She’s My Collar ” , comprenez ” elle est mon collier ” nous emmène dans une ballade typique de Gorillaz, façon Tomorrow Comes Today. On sent arriver la fin de l’album, la nostalgie a fait son chemin. On se met à regretter les jours du démon.
Le premier single dévoilé, ” Hallelujah Money ” , se retrouve, comme un symbole, en avant dernière position du disque, comme pour fermer la boucle. On réécoute avec plaisir le chant du poète londonien Benjamin Clementine.

Quoi de mieux pour clôturer un disque qu’un hymne universel ? C’est certainement la question que se sont posés Damon Albarn et Jamie Hewlett, fondateurs émérites du groupe virtuel le plus connu de l’univers : Gorillaz. Question à laquelle les deux hommes apportent ” We Got The Power ” comme réponse. Un morceau solaire où Jehnny Beth s’époumone en français (” On a le pouvoir de s’aimer ! ” )

A l’instar de Random Access Memories des Daft Punk, qui aura mis du temps à faire l’unanimité, ce Humanz de Gorillaz surprend de prime abord, risque de décevoir certains les premiers jours, mais deviendra certainement l’une des pièces maîtresse de la discographie du groupe. On salue indéniablement le talent de Damon Albarn et de Jamie Hewlett pour avoir su donner à chacun des artistes conviés sur l’album le rôle parfait, pour avoir su inviter sur le même album l’euro-dance et le rap US, la soul et la funk, le hip-hop et la drone, Mavis Staples et Vince Staples, d’avoir refait un tube avec De La Soul. En bref, on les félicite d’avoir su devenir une évidence musicale, si ce n’était déjà fait.