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La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.
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TILILA – BEAUCOUP
Avant Tilila, il y avait Ghita (Marrakchi). La passion de Tilila pour la musique lui a été inculquée très tôt par sa tante chanteuse. Une première vie musicale en autoproduction, des débuts en 2016, puis des années à Boston et Los Angeles, entre formation à Berklee, galères, arnaques et résilience. Son univers s’est construit dans les marges – entre l’Afrique du Nord, l’Europe et les États-Unis. Multilingue (français, anglais, arabe), Tilila écrit comme on navigue entre les cultures. Ses futurs titres, déjà annoncés pour son premier album en 2026, portent cette signature hybride : Moroccan Cinderella questionne la place des femmes dans la société marocaine, Cabaret aborde l’absurde réalité des conflits, Mektoubi embrasse le destin en arabe, sans filtre. Tilila, c’est son nom de scène, un mot qui veut dire « liberté » en berbère. Et il faut croire que ce n’est pas qu’un mot. D’origine casablancaise, élevée entre les sons de la pop anglo-saxonne, les standards français, et les racines marocaines et espagnoles, ce premier single au titre français, Beaucoup, sur une production signée Khalil Cherradi (déjà derrière Saint Levant ou Tiff), est parfait pour cet été qui s’annonce brûlant : voix sensuelle, désir affirmé, groove chaud qui colle à la peau. Tilila y chante le trouble amoureux, la force du désir et la volonté de garder le cap. Le clip, tourné au Maroc, est à l’image du morceau. Chorégraphié par Cassidy Ratliff et supervisé par la puissante Charm La’Donna (Rosalía, Dua Lipa), il met en scène une femme en mouvement, contemporaine et intemporelle, sous l’œil d’Elisa Baudoin. « En grandissant, je pensais devoir être une fille parfaite et polie. Que si je voulais être prise au sérieux, je devais me modérer, surtout en tant que femme d’origine marocaine. Choisir d’être confiante et sensuelle dans ma musique, c’était comme une rébellion au début. Maintenant, c’est juste une forme de liberté », explique-t-elle. Une douce gravité émane de Tilila, teintée de la conscience intime de ce qu’elle porte en elle : les voix croisées d’une femme, d’une exilée volontaire, d’une chanteuse libre. (LFC)
Beaucoup est disponible via Tilila (autoproduit).
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MIKANO – LOCK & LOADED
Dans le paysage souvent balisé du hip-hop français, Mikano est un ovni. Pas de punchlines rageuses ni d’égotrip en boucle, mais une proposition esthétique aussi nomade que son parcours de vie. Né à Paris, grandi entre Douala, Abu Dhabi et Le Caire, Mikano a très tôt été exposé à une diversité de cultures et de sons. Ce vécu imprègne profondément sa musique, qui mêle rap, soul, house, indie et jazz, sans jamais se fixer. Depuis ses débuts avec No Devices Found (2017) jusqu’à Akwa II (2022), en passant par les Melting Balloons ou Blind Man Dreams, Mikano n’a cessé d’explorer les sons. How About Warm Nights s’inscrit dans cette continuité : une œuvre fluide, soignée, où chaque morceau semble pensé comme un instant de vie, un mood passager. En sept titres, l’artiste livre un EP à la fois intimiste et cosmopolite, quelque part entre les grooves panoramiques d’un More Life et les pulsations moody d’Honestly, Nevermind de Drake. Mikano embrasse la pulsation et fait danser les émotions. C’est un projet pour les heures floues entre lucidité et désir d’évasion estivale. L’ouverture, Only Thing I Know, donne le ton. Sur une production sobrement dansante, proche de la House, Mikano déploie un flow calme, posé. Il y a dans ce morceau quelque chose de familier et d’inhabituel à la fois, une forme de routine habillée d’élégance. On pense à Sampha, dans la manière de naviguer entre groove et fragilité. Billions of People, introduit des teintes plus pop, presque indie. Overthinking, morceau central du projet, marque une rupture dans le tempo. Synthés brumeux, ligne de piano mélancolique, douce tension : c’est un titre introspectif, qui évoque les états de fatigue mentale, l’hyperactivité des pensées. Le ton reste contenu, comme souvent chez Mikano. Avec ce Lock & Loaded, l’EP retrouve une forme de groove jazzy et feutré. C’est dans ce registre que Mikano excelle : celui d’une écriture indirecte, pudique. Enfin, l’EP se referme sur Triple 7, l’un des titres les plus forts du disque. Sur une instrumentation ample et cinématographique, Mikano interroge ses moteurs : peur ou amour ? Une conclusion tournée vers l’élévation, voire la spiritualité. « Je ne m’entends pas avec le 666, mais le triple 7 me convient toujours » : la formule résume bien cette quête d’équilibre entre doute et foi en soi. Il faut aussi souligner le travail remarquable des productions de Clément Argentier (Svtvs), Jay Adams (Lords), Ian Andria, Basile Peter et Tim Adamiec. How About Warm Nights est un projet d’atmosphère et de nuances. À l’image de son auteur, il résiste aux catégorisations. Mikano y confirme son ambition internationale, sa sensibilité visuelle, et sa capacité à composer une œuvre exigeante. (LFC)
Lock & Loaded est disponible via Akwa Corp.
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MAX BABY – I CAN DO ANYTHING
Dire que nous attendions la suite des six titres au bord de la rupture de son premier EP Out Of Control, Into The Wall, serait un euphémisme. Difficile de ne pas être envouté à l’écoute de I Can Do Anything, le nouveau single de Max Baby, artiste-producteur en fusion permanente, qui transforme ses vertiges intimes en or noir musical. Ce morceau, aussi noir qu’élégiaque, synthétise l’univers d’un créateur qui n’a jamais accepté la tiédeur. « C’est un de mes morceaux préférés qui est hyper important pour moi. C’est aussi une espèce de cri, un cri romantique et d’ambivalence entre l’espoir et le total désespoir », nous confiait-il récemment. C’est exactement ce qu’on entend : un hurlement baigné d’ambivalence, entre apathie et puissance. Le morceau accroche dès les premières secondes : basse lancinante, beats lancinants façon Tame Impala, puis cette voix trainante et incandescente. On y sent la solitude, l’angoisse, mais aussi une élégance instinctive, presque aristocratique, dans la manière dont Max agence ses textures, jamais dans la démonstration, toujours dans la tension. Co-mixé avec son complice Marcus Linon aux Greasy Studios le morceau a été masterisé par Heba Kadry (Bon Iver, Slowdive…), ce qui en dit long sur l’ambition. Le clip, écrit et réalisé par Stanko Repac, pousse encore plus loin l’ambivalence du morceau : un ballet visuel troublant, entre surréalisme, poésie noire et onirisme. Max Baby, c’est aussi un infatigable travailleur de studio. Ce sorcier stakhanoviste du son, est capable d’enchaîner sessions de production pour Hannah Jadagu, Drugdealer ou même Clara Luciani ainsi que ses propres productions. Max Baby vit à cent à l’heure. En 2024, il passait en quelques heures du Zénith de Paris (en featuring live sur Santa Fe avec Shay) à sa propre release-party au FGO Barbara. En 2025, il poursuit ce rythme effréné avec sa première tournée solo : The Great Escape à Brighton, France Music Week, All Points East à Londres, Fifty Lab à Bruxelles en novembre… Et surtout, Rock en Seine, le 22 août, entouré de sa formation live : Félix Ramaën (basse), Lyldrum (batterie) et Benjamin Bailly (son). Un set qu’on imagine brûlant, tant sa musique est pensée pour le live, avec une configuration volontairement resserrée pour mieux exploser sur scène. Avec I Can Do Anything, Max Baby transforme ses obsessions en force créative. Un perfectionniste habité, qui travaille sans relâche pour capter ce qui brûle, ce qui vit. (LFC)
I Can do Anything est disponible via Animal63. En tournée et à Paris (Rock en Seine) le 22 août 2025.
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THÉODORT – PÉLÉLÉ
Été 2015 c’est l’EP qui va nous faire bouger tout l’été, sortie vendredi, Théodort revient avec PÉLÉLÉ, un titre + un clip brûlant qui bouscule les codes tout en élargissant les contours de son univers musical. Porté par une production entraînante et festive, fortement marquée par les influences amapiano, le morceau et même l’EP en général, témoigne d’une maturité artistique nouvelle, et on adore ça. Avec PÉLÉLÉ, Théodort navigue à travers une mer d’émotions intimes, porté par une direction sonore solaire qui lui est propre : un subtil alliage d’afro pop, d’afrobeats et de Lo-fi, comme un écho aux couchers de soleil tropicaux et aux nuits d’été sans fin. Derrière l’apparente légèreté rythmique, c’est tout un jeu de tension qui se déploie. Dans la lignée de ses précédents projets, l’artiste continue de cultiver une identité singulière sur la scène francophone, mêlant profondeur émotionnelle et singularité. Avec PÉLÉLÉ, il réussit le pari de faire danser toute une génération. Avec le clip, on voyage avec lui, l’esthétique léchée et affirmée nous emporte au « PÉLÉLÉ », un endroit où l’on se sent bien, à sa place et entourée. Un banger de l’été qui sera dans toutes les playlists pendant encore de nombreuses années c’est certain. Le flow est toujours précis, Théodort impose son tempo. (EL)
PÉLÉLÉ est disponible via BUDOKAI/ERRO/Epic/Sony. En tournée en France.
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MINA TINDLE – HEAVEN THUNDER FEAT. SUFJAN STEVENS
Heaven Thunder, troisième extrait du prochain album de Mina Tindle, semble suspendre le temps. Après les délicats Victoire Trésor et Rosa – ce dernier co-composé avec Bryce Dessner (The National), la chanteuse dévoile une nouvelle perle folk, éthérée et subtile, cette fois en duo avec Sufjan Stevens. Ce n’est pas la première fois que leurs chemins se croisent. Mina Tindle a accompagné Stevens sur plusieurs dates de sa dernière tournée, et leurs voix semblent avoir appris à respirer ensemble. Heaven Thunder explore le passage de la douleur à la lumière, un thème profondément résonnant avec l’univers de Sufjan Stevens, dont la voix murmure ici en écho, ajoutant une couche de grâce mélancolique et de spiritualité retenue. La production reste en retrait, portée par des accords fragiles, une rythmique presque fantomatique très stevensienne. Les voix s’y fondent sans s’effacer, dans un équilibre rare. Derrière Mina Tindle, il y a Pauline De Lassus, autrice-compositrice-interprète. Elle s’impose en solo à partir de Taranta (2012) et surtout Parades (2014), où elle affine sa signature : un folk élégant, toujours sur un fil, mélancolique et lumineux. La complicité avec son compagnon Bryce s’incarne dans des morceaux aux arrangements soignés, toujours au service de la voix enveloppante de Mina Tindle. Dans Heaven Thunder, l’actualité personnelle de Sufjan Stevens plane aussi en sourdine. Après une période de retrait et un deuil douloureux, il revient au fil des collaborations (Angelo De Augustine, Cat Martino, maintenant Mina Tindle), comme à pas lents. Cette posture en retrait donne au titre une délicatesse rare, comme une forme de consolation partagée. Ce nouveau single confirme que le prochain album de Mina Tindle – encore sans titre ni date officielle – s’annonce comme l’un des rendez-vous les plus précieux de la scène folk francophone contemporaine. Trois titres, trois atmosphères, mais un fil rouge : une voix douce capable d’enrober les fêlures du monde. (LFC)
Heaven Thunder est disponible via S76.
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GUY2BEZBAR – LA JEUNESSE DORÉE (FT. KILLA PREDATOR)
Avec La Jeunesse Dorée, Guy2Bezbar signe un titre à la fois festif et fédérateur, reflet d’un parcours en pleine lumière sans jamais oublier le point de départ. Le clip, tourné entre un terrain de foot du 18e arrondissement – son quartier d’origine – et l’élégante avenue Rivoli, joue habilement sur les contrastes : d’un côté les matchs au quartier sur gazon artificiel, de l’autre les valises Louis Vuitton et l’allure assurée d’un homme qui a gravi les échelons. Sur une prod aux sonorités coupé-décalé, le rappeur célèbre la réussite avec énergie et style, mais rappelle surtout une chose : la victoire est collective. Entouré des siens, Guy2Bezbar transforme chaque plan en manifeste de loyauté et d’ambition partagée. Un hymne dansant et lumineux, parfait pour ambiancer le week-end et rappeler que le succès se construit en équipe. (SK)
La Jeunesse Dorée est disponible via Blue Magic Corp/Sony Music Entertainement SAS. En concert à Paris (Yardland) le 5 juillet 2025.
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OF MONSTERS AND MEN – TELEVISION LOVE
Cinq ans de silence. Cinq ans sans cette folk volcanique venue d’Islande, sans ces voix entremêlées qui avaient su, dès Little Talks en 2011, faire de Of Monsters and Men bien plus qu’un simple groupe à refrains fédérateurs. Avec Television Love, le quintette revient avec une tension sous-jacente. Ici, tout est retenu, comme si l’émotion devait se distiller lentement. Ce nouveau single, enregistré à Reykjavik et accompagné d’un clip tourné en 35 mm dans la nuit éternelle de l’été islandais, sonne comme une conversation entre deux personnes à travers le temps, adressée à une version passée de soi ou à un amour lointain. La production joue sur une tension sourde qui ne se libère jamais vraiment. C’est dans cette attente que Television Love trouve sa force. La voix de Ragnar þórhallsson, grave et calme, conduit la première partie du morceau comme une confession retenue. Puis vient la voix féminine de Nanna Bryndís Hilmarsdóttir, toujours aussi envoûtante, qui adoucit l’atmosphère sans jamais la dissiper. Elle n’apporte pas la résolution, mais une lumière voilée, fragile aux nuées de guitares finales. C’est elle qui introduit l’idée de pardon, de possibilité, de réconciliation. « La chanson nous accompagne depuis un certain temps et, lorsque nous travaillions en studio, nous la revisitions à différents moments de notre vie. À chaque fois, nous avions l’impression d’avoir quelque chose de nouveau à partager et à ajouter à son histoire. La vie est faite de changements, le désespoir se transforme en espoir. Le paysage sonore et la conversation se sont enrichis de notre propre histoire. » Avec Television Love, Of Monsters and Men n’a rien perdu de son instinct émotionnel : cette capacité à saisir la faille, ici celle d’un amour blessé, suspendu dans un monde de silences, d’écrans et de souvenirs en clair-obscur. (LFC)
Television Love est disponible via Skrimsl ehf/Skarkali Records/Virgin.
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RITUAL X – PROCESS, JAZZBARZZ NO.5
Direction Pigalle, entre néons fatigués et trottoirs chargés d’histoires, pour Process, le nouveau clip de Ritual X. Captée en mode VHS, l’image granuleuse colle parfaitement à l’ambiance brute et feutrée du morceau. Produit par Docent, ce freestyle s’inscrit dans la série Jazzbarzz, une collection de titres où le rappeur messin d’origine comorienne explore les frontières entre rap technique et atmosphères jazz. Ici, pas de démonstration gratuite : chaque mot est posé avec une précision chirurgicale, chaque mesure respire l’élégance d’un flow maîtrisé. La prod., inspirée des sonorités du jazz contemporain, offre un terrain de jeu aussi exigeant que raffiné. Ritual X ne se contente pas de livrer un freestyle : il installe un univers, dense et cohérent, à la fois musical et visuel. Une proposition audacieuse, parfaite pour accompagner les dérives nocturnes d’un week-end curieux. (SK)
Process est disponible via Out of (The) Blue/Ablodē.
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