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La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.

 

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JORJA SMITH – THE WAY I LOVE YOU

Janvier 2025. L’Hyper Weekend Festival parisien résonne encore de cette étrange alchimie : cordes classiques et compositions soul contemporaines. Au centre, Jorja Smith, impériale. Accompagnée de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, la chanteuse britannique avait livré un moment de grâce suspendue. Point d’orgue : un duo surprise avec Maverick Sabre sur Loving You, aussi inattendu qu’émouvant. Elle revient frapper avec The Way I Love You. Et pas doucement. Le titre, co-produit par Maverick Sabre, Ed Thomas et Shayk, est une perle taillée dans l’UK garage, avec des relents de house filtrée et une basse électro bien grasse. Mais là où d’autres se perdraient dans l’hommage passéiste, Smith dégaine l’arme fatale : sa voix. Une voix toujours aussi soul qui flotte au-dessus du beat. Elle transforme un banger en un club anthem en trip introspectif. Le clip, signé KC Locke, ne triche pas et délivre un hommage à l’underground britannique et au mythique Niche Night Club de Sheffield. On sent que tout ça n’est pas posture. C’est vécu. Avec ce titre, Jorja Smith continue de brouiller les pistes, de refuser les étiquettes faciles. Elle passe du R&B au garage, de la soul à la dance sans abandonner une once de personnalité. Elle avance en funambule, au bord du précipice pop. The Way I Love You marque le retour d’une artiste qui regarde dans le rétro, oui, mais en gardant le pied bien appuyé sur l’accélérateur.

The Way I Love You est disponible via Famm Limited/Because Music. En tournée à Hérouville-Saint-Clair (Festival Beauregard) le 2 juillet 2025 et à Paris (Rock en Seine) le 20 août 2025.

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PAUL PRIER – THE RUSH

Il est des musiciens qui avancent en ligne droite. Et puis il y a Paul Prier. Un parcours en zigzag, qui trouve un nouveau sommet avec Panic Peaks, son deuxième EP solo, et le single The Rush. Un disque rock d’intérieur — frontal, viscéral, mais traversé par les névroses modernes. Avant d’en arriver là, Prier a essayé le classique, le jazz, la pop, l’électro. À 15 ans, Chopin le bouleverse. Il se rêve pianiste soliste, mais la rigueur du classique brise vite le fantasme. Puis vient le jazz — American School of Modern Music — mais trop de technicité, pas assez de faille. Prier cherche l’émotion, pas la démonstration. Alors il bifurque. Encore. La pop, celle de ses premiers amours — de Michael Jackson à Daft Punk. Il allume un vieux Juno-60, et c’est une nouvelle révélation : Il a trouvé son clavier totémique. La route s’éclaire. Avec Toys, duo électro-pop des années 2010, il affine une esthétique : élégance synthétique, efficacité mélodique. Mais c’est en coulisses qu’il apprend vraiment : claviériste et directeur musical pour Charlotte Gainsbourg, Christine and the Queens, Woodkid. Un rôle discret, mais formateur. Panic Peaks, c’est trois titres entre ballade électro-pop et pastiche baroque (Dust), croisement entre la pop cérébrale d’un Julien Ribot et l’électro planante d’un AIR ; harmonies aériennes héritées du jazz (Ease It), groove en apesanteur et textures soul-funk (Back Pain), jusqu’à cette pépite pop à la Tame Impala (The Rush). Intruder et Outless viennent poser le décor et tirer les rideaux de Panic Peaks. Deux vignettes instrumentales, jouées en une prise. L’ombre du conservatoire rôde encore, mais elle ne dirige plus rien. L’album est en route. Paul Prier, c’est celui qui vous dit que ça ira mieux — mais qui, d’abord, transforme vos angoisses en sommets de pop.

Panic Peaks/The Rush sont disponibles via Recherche & Développement. En concert à Paris (La Maroquinerie) le 17 juin 2025.

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TURNSTILE – SEEIN’ STARS / BIRDS

À l’origine, Turnstile était cette meute hardcore issue de Baltimore qui pulvérisait les murs des clubs avec rage. Puis vint Glow On (2021) : le hardcore pouvait faire danser. En 2025, Turnstile ne cherche plus à ouvrir les frontières – il les efface. La preuve en deux titres avec SEEIN’ STARS / BIRDS, diptyque contrasté, où la pop rencontre le hardcore. En ouverture, le groove discoïde SEEIN’ STARS désarme et évoque une relecture de la new wave, quelque part entre The Police et Tame Impala période The Slow Rush. Brendan Yates s’y mue en limite crooner, épaulé par Devonté Hynes (alias Blood Orange) et Hayley Williams (Paramore), dont les voix se fondent en arrière-plan comme des halos discrets. C’est sans doute la prise de risque la plus franche du groupe à ce jour – un virage pop assumé, qui divisera autant qu’il fascinera. Et qui rappelle une vérité essentielle : Turnstile ne joue plus seulement pour les fans de hardcore. Il joue pour celles et ceux qui écoutent avec l’esprit ouvert. Mais BIRDS vient vite rappeler d’où ils viennent. Deux minutes d’assaut frontal, brûlot punk guidé par la batterie martiale de Daniel Fang et les hurlements écorchés de Yates. C’est le Turnstile originel, celui du sang et de la sueur, mais avec une maîtrise nouvelle du chaos. La transition entre les deux morceaux – captée dans un double clip co-réalisé par Yates et le guitariste Pat McCrory – fonctionne comme une métaphore de leur esthétique actuelle : fluide, transgenre, viscérale. Avec ces deux titres, et le déjà connu Never Enough, Turnstile s’avance vers son prochain album (prévu le 6 juin) comme une entité sonore mutante, capable de faire cohabiter fureur et plaisir. Never Enough pourrait bien devenir l’album charnière d’une génération qui ne veut plus choisir entre intensité et élégance, entre pogo et rêverie – ou mieux : qui s’amuse à brouiller les lignes.

SEEIN’ STARS / BIRDS est disponible via Roadrunner Records/WEA. En concert à Clisson (Helfest) le 21 juin 2025.

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KAE TEMPEST – KNOW YOURSELF

Le 30 avril, Kae Tempest a annoncé sur Twitter (fuck Musk) la sortie de son nouvel album Self Titled pour le 4 juillet prochain. Coproduit par Fraser T. Smith (Adele, Stormzy, Dave), ce cinquième opus du célébré et multi-primé poète londonien accueillera des invités comme Neil Tennant (Pet Shop Boys), Young Fathers, Connie Constance et Tawiah. Après un sublime et puissant premier single déjà dévoilé en mars, Statue In The Square, Kae enchaîne avec un deuxième single, Know Yourself, qui nous donne un aperçu de la structure narrative de ce nouveau travail. Ici, Kae chante avec Kate. Comme il le signale lui-même : « J’adore cette chanson. Elle utilise un sample des paroles que j’ai écrites il y a des années, dans lesquelles mon moi plus jeune parle à son moi plus jeune. Un dialogue entre des moi à travers le temps, en temps réel. Ou peut-être pourrais-je le dire plus simplement : quand j’étais jeune, j’ai cherché l’aide de mon moi plus âgé. Je suis entré dans ma tête et je me suis dit : Connais-toi toi-même ». Après un long chemin parcouru, où l’artiste a réalisé plusieurs tours de force pour se transcender comme créateur et comme individu, on ressent dans sa voix plus grave et son sourire – à la fois un brin ironique mais surtout assumé –, un regain de foi en ses engagements passés. Le musicien et dramaturge, qui a su injecter du Shakespeare dans la pop en s’inspirant d’un autre poète-performer du rock, John Cooper Clarke, et en dressant ses compositions avec une sauce à la Wu-Tang Clan, boucle la boucle avec Self Titled. Renouant avec la Kate des débuts pour mieux se fusionner avec le Kae d’aujourd’hui, Know Yourself est un manifeste intime, profond, intelligent et sensible qui débarque avec force dans un moment trouble pour la communauté trans/non binaire en Angleterre. Après le revers subi suite à la décision de la Cour suprême de son pays, qui a déterminé que le sexe légal d’une femme doit être défini par le sexe biologique et non par le genre, Kae Tempest s’installe avec assurance au centre du débat sociétal avec tout son talent et en brandissant les armes les plus belles.

Know Yourself est disponible via Island Records. Kae sera en concert le 02 juillet au Festival Days Off à La Cité de la Musique.

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BLADEE – ONE IN A MILLION

Bladee, figure emblématique de la scène alternative suédoise, marque son retour avec One In A Million, single hypnotique et mélancolique accompagné d’un clip réalisé par Hendrik Schneider. Dans cette vidéo à l’esthétique glacée, l’artiste évolue au ralenti dans des paysages brumeux, brandissant une épée drapée de drapeaux, peut être symbolisant la solitude et la quête d’identité qui traversent le morceau. Ce titre ouvre son nouveau mini-projet surprise Ste The Beautiful Martyr 1st Attempt, dévoilé sous son label Trash Island, qui propose trois titres inédits et marque la première sortie solo de Bladee depuis l’album Cold Visions en 2024. Produit par Lusi et Woesum, One In A Million s’inscrit dans la lignée des collaborations phares du rappeur avec les membres du collectif Drain Gang, dont Ecco2K, Thaiboy Digital et Yung Lean. Pilier du Drain Gang depuis sa création en 2013 à Stockholm, Bladee a très largement contribué à populariser une esthétique mêlant cloud rap, pop expérimentale et influences électroniques. Toujours à l’avant-garde, il poursuit son développement artistique avec une tournée européenne et américaine qui le mènera notamment au Lido Festival à Londres, au Openair Frauenfeld en Suisse, au Lollapalooza Chicago et enfin au Flow Festival à Helsinki.

One In A Million est disponible via Trash Island.

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MATHILDA – HOTEL HILBERT (CHAPITRE 1)

Il fallait oser éclater les formats, réinventer la sortie d’un projet musical en le plaçant dans un hôtel imaginaire, infini, cinématographique. C’est exactement ce que fait Mathilda avec Hôtel Hilbert, un ovni en forme de série musicale, construit comme une œuvre à épisodes. Ce n’est pas un album, ni un EP. C’est une traversée. Mathilda incarne une voyageuse, une âme égarée dans un hôtel aux lois absurdes, peuplé de fantômes intérieurs, de figures troubles et de scènes symboliques. Le réceptionniste s’appelle Toni (interprété par Cali). Dans ce chaos organisé, Mathilda avance, s’effraie, s’enfuit, se retrouve. Elle le dit : « Je joue un humble personnage qui vient faire un séjour dans cet hôtel pour découvrir les aléas de l’infini, trouver des réponses, peut-être se perdre parfois… ». Mathilda vient du cinéma. Chaque chanson est un fragment de récit. Le premier chapitre, Certains infinis sont plus grands que d’autres, déroule trois titres comme trois actes : Évidemment / Shoganai, Est-ce que les autres s’aiment ?, et Les Filles d’Avril. Trois titres aux esthétiques différentes, entre pop électronique et ballades suspendues portés par une voix limpide, singulière. Derrière ce projet deux années de travail aux côtés du fidèle Augustin Charnet, co-compositeur et au sound design. À l’instar de la série White Lotus, Hôtel Hilbert est aussi une critique douce-amère de notre société de l’auto-observation maladive. Fille de sportifs, élevée dans un monde de rigueur physique entre gym et danse, Mathilda a toujours cherché la beauté dans l’exigence. Le chant est venu tard, presque par accident. Elle pensait écrire pour d’autres. Elle a joué les premières parties de Cali, Feu! Chatterton, Julien Doré, travaillé avec le regretté Christophe. Hôtel Hilbert n’est pas là pour plaire à tout le monde. Il est là pour exister. On y trouve des morceaux pour danser, d’autres pour se perdre, d’autres encore pour se taire. Elle cite Christophe comme mentor, et on comprend. Il y a chez elle le même refus de la facilité, la même élégance désuète. Ce qu’elle construit ici, c’est une œuvre fragile et forte à la fois. Hôtel Hilbert est une plongée dans l’absurde, dans l’intime, dans le vertige. Une réponse artistique qui préfère le risque à la redite. Mathilda construit. Lentement. Solidement. Poétiquement. Et surtout, librement.

Chapitre 1 : Certains infinis sont plus grands que d’autres est disponible via Maximalist Records/Sprint Records/Sony Music. En concert à Paris (Point Ephémère) le 8 octobre 2025.

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KALI UCHIS – ILYSMIH

Kali Uchis, étoile montante de la pop internationale, dévoile un nouveau chapitre de sa carrière avec ILYSMIH, sorti le 25 avril et prélude à son cinquième album très attendu, Sincerely. Sur ce morceau, produit par Josh Crocker et Dylan Wiggins, la chanteuse américano-colombienne explore une soul moderne, portée par une voix toujours sensuelle et des paroles intimes, confirmant son statut d’icône sensible et avant-gardiste. Depuis ses débuts remarqués avec Drunken Babble en 2012 et l’album Isolation en 2018, Kali Uchis s’est imposée grâce à un savant mélange de R&B, pop et influences latines, puisant dans ses racines pour façonner un univers unique et intemporel. Son ascension s’est accompagnée de collaborations majeures avec des artistes tels que Tyler, The Creator, Jorja Smith, SZA, Tame Impala, Kaytranada ou encore Gorillaz, et d’un succès planétaire avec Telepatía, certifié double platine et devenu un hymne générationnel. Après avoir célébré la féminité et la culture latine sur Orquídeas (2024), Kali Uchis s’apprête à livrer un projet plus introspectif et personnel avec Sincerely, annoncé comme son album le plus intime, inspiré par un moment charnière de sa vie, probablement la naissance de son premier enfant. Ce disque, attendu le 9 mai 2025, promet de marquer une nouvelle étape dans la trajectoire d’une artiste qui, loin de se reposer sur ses lauriers, continue de redéfinir les codes de la pop mondiale.

ILYSMIH est disponible via Capitol Records.

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MONTE CRYSTAL – BAGHEERA

Certains projets musicaux ne suivent pas une trajectoire linéaire. Ils naissent dans un élan, connaissent un succès — parfois éphémère, parfois durable — puis disparaissent, emportés par un changement de cap ou simplement l’usure du temps. Mais ils ne meurent jamais vraiment. C’est le cas de Monte Crystal, ex-Monte-Cristo. À une lettre près, on aurait pu les confondre avec le groupe d’italo-disco des années 80, mais Maxime Frèrebeau et Paul Cattelat n’étaient même pas encore nés. Maxime vient du milieu artistique, Paul de l’audiovisuel. Deux passionnés aux univers différents mais complémentaires — la chanson française moderne pour l’un, la culture électronique et psyché pour l’autre — réunis par une même volonté : créer une pop exigeante, à la fois dansante et introspective. Deux ans après une première sortie de cinq titres sur les plateformes, Côté cour, le véritable premier EP de Monte Crystal, voit enfin le jour. L’EP s’ouvre sur Autoroute, ballade pop solitaire, avant de s’embarquer vers Bossa DB, morceau emblématique du projet déjà dévoilé en 2023 : une fusion entre bossa nova et drum & bass, enchantée par la voix de Joan Pronnier (du projet Lou de la Falaise). Suit Bagheera, dernier extrait en date, qui nous entraîne vers des contrées plus psychédéliques. Puis viennent Manhattan, escapade new-yorkaise au groove léger, et Montée de Crystal, rêverie instrumentale et onirique. De bout en bout, Côté cour dessine un paysage sonore élégant, fait de guitares suaves, de synthés vaporeux où le spleen devient un moteur d’évasion. Pensé comme un projet collectif, avec une esthétique ouverte et mouvante, Côté cour est le fruit d’un travail en tandem, nourri par des années d’écoute, de scènes partagées — notamment au défunt Bus Palladium en 2022 — et d’envies croisées. Frèrebeau et Cattelat y trouvent un terrain d’expression commun : une pop libre, élégante et profondément personnelle.

Côté cour est disponible via VIRYCORDS. En concert à Paris (Pop Up du Label) le 16 juin 2025.

 

 

 

KEKRA – LEVEL UP/ BAD DAYS

Originaire de Courbevoie, Kekra s’est imposé dès le milieu des années 2010 comme une énigme dans le paysage du rap hexagonal : masqué, ultra-productif, et résolument tourné vers le digital. En prélude à son très attendu projet VRÉEL, dont la sortie est fixée au 16 mai 2025, Kekra a levé le voile sur trois morceaux : Back2, Level Up, et Bad Days. Level Up se distingue : Kekra s’auto-sample et revisite son propre morceau Pas Jolie, sorti il y a neuf ans, en reprenant à la fois des éléments musicaux et visuels du titre initial. Dans le clip de Level Up/ Bad Days, on retrouve le même noir et blanc granuleux qui avait marqué l’esthétique du clip de Pas Jolie, réalisé par Ousmane Ly, un visuel devenu culte qui a depuis dépassé les 10 millions de vues sur YouTube. La prod. originale de Pas Jolie, signée El Loco Beats, est sped up et Kekra renforce ce pont temporel dans ses paroles : « C’est pas jojo depuis le début ». Level Up est un regard dans le rétroviseur sans lâcher le volant. Une transition parfaite avant l’arrivée de VRÉEL, qui s’annonce déjà comme un projet pivot dans sa discographie.

Level Up/ Bad Days disponible via Kekra/BienVu Productions.

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