Hypocrisie quand tu nous tiens. Tout le monde semble vouloir tomber sur Eminem à la suite de la sortie de son nouvel album Revival. On vous explique pourquoi cet album est à la fois si peu surprenant et carrément génial.

Internet a crié au scandale lorsque la tracklist (et ses featurings) de Revival a fait surface. Avec des artistes ultra pop comme Ed Sheeran, Beyoncé, Pink ou encore Alicia Keys, on comprend que certains puristes aient émis des réserves. Des réserves qui n’auraient sans doute pas eu lieu d’être si les détracteurs avaient gardé en mémoire la multitude de featurings à l’actif du Rap God, et ce depuis les débuts de sa carrière : Dido, Sia, Rihanna, Adam Levine, Gwen Stefani, 50 Cent, … La liste est longue et chacun des morceaux dans lesquels apparaissent ces artistes comporte un couplet magistral du rappeur de Detroit (coucou Love the Way You Lie). Comment expliquer alors qu’une déception engendrée par imagination ne perde pas de crédit après l’écoute d’un des meilleurs et des plus longs albums de Eminem (77 minutes au compteur) ?

77 minutes c’est long. Près du temps d’un match de foot, ou d’une conférence de Donald Trump (qui en prend pour son grade tout au long du disque). Mais comment expliquer le sentiment de longueur perçu par les fans lorsque les producteurs du disque se nomment Eminem, Rick Rubin, Dr. Dre (et j’en passe) qui ont de plus allègrement samplé les plus grands standards : It’s My Thing de Erick Sermon, Earache My Eye de Cheech & Chong, Human of the Year de Regina Spektor, In You (I Found a Love) de Charles Bradley ou encore Zombie des Cranberries.

Freddie Gray for us/A levy breaks or fuzz, why is it they treat us like dryer lint?/We just want a safe environment for our kids, but can’t escape the sirens/Don’t take a scientist to see our violent nature lies in/The poverty that we face so the crime rate’s the highest in/The lowest classes, it’s like a razor wire fence/And we’re trapped in these racial biases” – Untouchable

Le sampling parfait, il fallait encore qu’Eminem nous débite un propos à la mesure de sa stature. Un défi relevé haut la main comme sur Untouchable, n’en déplaise aux Inrocks ou au Point. Il fallait bien que chacun choisisse son camp, très chère société manichéenne, afin de pomper le plus de clics en cette fin d’année, publicité oblige…

Le problème avec ce lynchage en règle, c’est le manque de respect total envers la carrière si dantesque d’Eminem. En fan de la première heure, je retrouve le Eminem du D12, je retrouve le petit mioche de 8Mile, je retrouve le Rap God du MMLP2. On retrouve la grandiloquence instrumentale et parolière du bonhomme, et c’est tout ce qu’on demandait, avec surtout “Arose”, titre écrit pour sa fille, en point d’orgue du disque.

If I could rewind time like a tape/Inside a boombox, one day for every pill or Percocet that I ate/Cut down on the Valium, I’da heard everything/But death is turning so definite—wait!/They got me all hooked up to some machine/I love you, being, didn’t want you to know I was struggling/Feels like I’m underwater submerged like a submarine/Just heard that nurse say, my liver and kidneys aren’t functioning/Been flirtatious with death, skirt-chasing, I guess/It’s arrivederci, same nurse, just heard say they’re unplugging me” – Arose

Bien sûr que le refrain de Ed Sheeran me fait mal au cœur et aux oreilles et qu’il faudrait supplier Pink d’arrêter de chanter, mais Eminem ne fait ici que jouer avec les même armes que les autres, s’ouvrant à d’autres publics, d’autres manières de travailler, Eminem fait des rencontres, ne serait-ce que pour tenter de comprendre pourquoi ces (indignes) invités en sont à ce point dans leurs carrières. Et croyez-le ou non, les internets auront vite fait de nous uploader un River (only Eminem verses).

A chacun des passages un peu trop pop (Ed Sheeran, Skylar Grey, Alicia Keys) le couplet d’Eminem rééquilibre le titre et nous laisse béat. Quelqu’un a t-il insulté Kendrick Lamar lorsque des featurings de Rihanna et U2 nous ont été annoncés sur DAMN ? Toujours est-il que la portée politique, intime, musicale, éclectique, engagée profite à l’album le plus pop certes, mais surtout le plus inscrit dans son époque d’Eminem.

Eminem n’a plus besoin de prouver quoi que ce soit, mais il le fait quand même. Tout au long du disque, Marshall Mathers fait rimer chacune des syllabes qu’il prononce avec toujours autant de hargne, sa signature, le tout d’une diction parfaite faisant honneur à son titre de rappeur le plus rapide du monde (n’en déplaise aux rappeurs Bigflo & Oli et leur faux record Konbini). Le tweet suivant nous résume, façon ‘Questions pour un Champion’, assez bien la situation dans laquelle semble se trouver la critique.

Nous on résumera simplement : Eminem, on t’aime de tout notre respect, les gens ne savent plus lire entre les lignes voilà tout.

Eminem Revival Modzik

Eminem
Revival
(Aftermath/Shady/Interscope Records)