Qui a dit que “banlieue” rimait avec hip-hop ? En tous cas, pas le YGRK Klub, jeune collectif d’artistes multimédia musicalement orienté vers la house qui tabasse, visuellement tourné vers l’univers seapunk et ses dérivés et presque entièrement issu de la banlieue parisienne. Les trois membres fondateurs, William (Debellyou) Arnaud (Primat’) et Xavier (Jenovah), soixante ans à eux trois, destinent leur projet vers une culture techno urbaine et alternative, dans le but de promouvoir une scène parfois sous représentée dans le Paris intramuros.
Le nom YGRK Klub trouve son origine dans celui de la ville de Cergy (Cergy>Ygrec>Ygrk) qui selon la légende viendrait de la forme que l’Oise prendrait sur les terres de la ville. Le “Y” donc, comme un leitmotiv, les deux branches qui se rejoignent pour ne faire qu’une, la rencontre de deux univers formant une galaxie. C’est à partir de cette réflexion, que trois potes, tous originaires de banlieue grise et monotone, à priori sans grand intérêt, ont décidé de se lancer dans le projet YGRK Klub. Les trois artistes s’efforcent de faire côtoyer des scènes à première vue sans grandes accointances. Une partie du collectif se compose de DJs. Jenovah officie dans le pur style UK/Garage, Debellyou qui penche lui plus pour une techno 90’s et Primat’ se plaisant à définir assez ironiquement sa musique comme de la “macaque house” teintée d’afro-rhytmes. Côté image, on trouve Claire Barrault a.k.a. Cirale Tabular à l’univers digital et bariolé, dans un espace confus presque transcendant. A ses côtés William Losik, photographe aux ambiances futuristes pourtant très ancrées dans le présent, ses compositions sont d’une redoutable efficacité graphique. Dans le large collectif on trouve également Le Francuski qui lui préfère le monde du Seapunk, mais courant plus ésotérique que celui bas de gamme propre au style. Au total c’est plus d’une quinzaine d’artistes qui participent de près ou de loin au rayonnement de la banlieue dans le reste de l’Hexagone.
Pour parler un peu plus musique penchons nous d’abord sur le cas de Jenovah, petit prodige house, dont les influences se trouvent chez Aaliyah, Missy Elliott ou encore Ta-ku qu’il remixe avec brio. Son morceau Lovers, beat minimaliste très californien paru l’année dernière agite la blogosphère qui commence à s’intéresser de près au jeune producteur. Tout est auto-produit et pourtant le résultat est au rendez-vous. Il y a quelques jours, Four Tet annonçait ne plus passer en studio pour le mastering depuis six ou sept ans, grand bien en fasse à toute la génération d’home-recorder dont le YGRK Klub fait parti. Debellyou donne lui plutôt dans la bass music. Ses productions sont rebondissantes à souhait et c’est quelques décennies de house qu’il fait revivre à travers son premier EP Rose Bandit. Le deuxième opus du groupe YGRK Tape confirme un peu plus le style tapageur du cergyssois. Wegue Kadillac Sheet frappe la où ça fait mal, à grand coup de vocals brésiliens et de congas démoniaques, le tout dans une ambiance techno bien sombre. Le ciel s’éclaircit un peu du côté de Primat’, qui mélange aisément influences africaines et rythmes plus occidentaux. Angela sonne presque ironiquement, comme une boucle Lo-Fi entêtante et minimaliste. Une production qui aurait pu servir d’instru aux Outkast en quelque sorte… Une chose est sûre, ces trois-là ont de l’appétit et ne sont pas prêt de s’arrêter en si bon chemin. Pour la suite, le collectif parle d’une soirée qui se tiendra à la fin du mois dans un lieu secret de la banlieue parisienne. Endroit qui sert à la fois de refuge et de laboratoire artistique, hors du temps et des codes établis. Au programme, projections, concerts et performances, tous ces supports qui permettent au groupe un champ d’expression sans frontières, aussi bien qu’un terrain de jeux sur lequel les trois garçons continueront de s’épancher en mélangeant idées reçues et images du futur…