Courte ou caressant la cheville, sage ou séductrice, la robe est un personnage à part entière au grand écran. Souvenirs du vertigineux dos nu de Mireille Darc dans Le Grand blond ou encore de l’espiègle robe blanche de Marilyn Monroe dans Sept Ans de Réflexion. Cependant, la robe comme arme de crime est un sujet bien moins commun. Bingo! Avec In Fabric (en salle le 20 novembre) le mythe de la robe empoisonnée se paye une nouvelle jeunesse dans une ambiance oscillant entre du Lynch du Wess Anderson. Exit le poignard ou la clef anglaise pour votre prochaine partie de Cluedo et dites bonjour à la petite robe rouge.

Soldes d’hiver. C’est la cohue. Sheila se laisse tenter par l’ambiance calfeutrée de Dentley & Soper’s, une enseigne de prêt-à-porter chic. Très vite le spectateur ressent un vif malaise face à cette caricature du consumérisme où une vendeuse tirée à quatre épingles affiche un sourire un peu top large pour ne pas être inquiétant. Prise par l’argumentation s’apparentant davantage à un sortilège déclamé par cette dernière, Sheila se laisse séduire par une jolie robe écarlate. Un bout d’étoffe qui lui coûtera bien des malheurs par la suite… Teinté d’un onirisme cauchemardesque, In Fabric est une critique de la mode et du regard carnassier sur l’image que l’on a de soi. Un jeu de miroirs, parcouru de bizarreries, d’une musique qui accapare et d’un humour qui dérange tout autant qu’il ravit. Le réalisateur Peter Strickland tire ainsi les ficelles d’un univers proche de son The Duke of Burgundy (2015). Aussi effroyable que fascinant, on se laisse séduire.

Robe rouge, robe sang

Cette histoire saugrenue n’est cependant pas sortie de nulle part. Bond en arrière dans l’espace-temps. Loin, bien loin du film de Strickland. La silhouette d’une robe meurtrière couleur vigne se dessinait déjà dans la poétique mythologie grecque. Une certaine, Déjanire, épouse d’Hercule aurait offert à son bellâtre une robe de jalousie. Un poison fatal si ce dernier oserait s’enticher d’une autre donzelle. Pas bête la guêpe.

Après un passage dans la littérature contemporaine avec I’m Dangerous Tonight de l’américain William Irish, la robe fatale a définitivement pris des mécaniques avec le 7ème art. On se souvient du maladroit Robe Sang de Tobe Hooper en 1990 ou du dérangeant remake de Suspiria (2018) où la robe de ballet rouge devient l’accessoire d’une tension satanique. Maudit écarlate.

Suspiria réalisé par Luca Guadagnino (2018)