Excepté si vous êtes complètement déconnecté de la technologie, vous devez sans doute être conscient que le monde entier subit une vague de protestation. Suite au meurtre de George Floyd par la police de Minneapolis le 25 mai, les gens sont descendus dans la rue pour dénoncer le racisme systémique au sein de la police et dans le monde. Si vous lisez cet article, vous avez forcément vu l’élan de solidarité sur Instagram ou bien avez-vous participé à l’un des rassemblements concernant “L’affaire Adama Traoré”. Le mouvement #BlackLivesMatter donne un nouveau souffle à la lutte anti-racisme à l’internationale, ce qui nous a donné envie de faire un petit topo des mouvements minoritaires qui ont grandement influencé la culture et inversement.

L’imaginaire des Black Panthers

Angela Davis

Les Black Panthers sont un mythe et surtout une image : ce symbole du poing levé, béret et veste en cuir sombre. La révolution et la fierté noire prennent dans les années 1970 le visage de ces militants insurgés qui réclament le droit à l’autodéfense des Afro-Américains face à l’Amérique raciste. Activistes radicaux caricaturés par les autorités, ils ont pendant quelques années porté la voix d’une jeunesse enfermée dans les ghettos et la pauvreté, maltraitée par la police et une société américaine qui les violente et leur refuse le droit à la révolte. Incarnation du corps politique qui affirme la dignité noire dans le rapport de force, le mouvement fondé par Bobby Seale and Huey Newton fut un mouvement de libération nourri de Mao et de Fanon qui mit la question du pouvoir au cœur de son action. Méconnue, la réalité de leur approche mérite d’être explorée par la voix d’intellectuelle comme Angela Davis, qui milite contre la discrimination raciale et sexiste.

De passage aux États-Unis en 1967, la réalisatrice française Agnès Varda clame “Black is beautiful. Noir c’est noir” dans son documentaire Black Panthers où elle capte les témoignages de plusieurs leaders du mouvement. Des interviews rares qui montrent le rôle primordial des femmes dans la lutte, au travers de meetings où l’on échange sur la justice, l’éducation et la paix.

Affiche de Black Panthers d’Agnès Varda (1968)

Le mouvement Afro-américain perdure dans l’imaginaire de la pop culture sous divers aspects, prouvant que la lutte n’est pas terminé. En 2016, à l’occasion de la finale du Super Bowl, Beyoncé donnait une performance remarquée de Formation, plus politique qu’artistique finalement. D’abord, par la façon dont ses danseuses étaient vêtues, avec des coupes afro, combinaisons de cuir et Rangers, et le fameux “black beret” porté par les membres du Black Panther Party. D’autres mouvements saluent la force identitaire de la diaspora noire du monde entier. En 2015, sous l’impulsion de gamins afro-américains fanas de punk, le festival Afropunk devient plus qu’un événement musical, il est aussi un mouvement de tolérance et de fierté où le vêtement est fédérateur.

Super Bowl (2016)

Le coup de poing féministe

MLF © AFP / PAUL HARLE / INA

Le poing sur la table se fait ressentir à travers l’histoire, que ce soit chez le Mouvement de Libération des Femmes en France ou le National Women’s Political Caucus aux Etats-Unis par exemple. La culture a toujours suivit de près ces mouvements, avec plus récemment le collectif NousToutes qui a rassemblé énormément de participants à la dernière manifestation en novembre 2019. Récemment le documentaire Les Insoumuses faisait à nouveau surface sur Arte, mettant en avant le travail de ce collectif qui était composé du trio Carole RoussopoulosDelphine Seyrig et Ioana Wieder. Des femmes-artistes dont le but est de réaliser des vidéos sur les luttes des femmes dans les années 1970.

Affiche des Insoumuses

Outre-Atlantique, aux côtés de Betty Friedan, Bella Abzug et Shirley Chisholm, Gloria Steinem milite activement pour le droit des femmes. C’est l’une des portes-paroles les plus écoutées de ce mouvement, puisqu’elle publie de nombreux ouvrages et s’adonne à des organisations politiques toujours en lien avec la cause. En plein confinement, une mini-série a surgit Mrs. America, dont nous avions brièvement parlé dans un article. Elle retrace la lutte pour l’Equal Rights Amendment, cependant à travers le parcours de Phyllis Shlafly, une conservatrice républicaine anti-féministe notoire. Choix audacieux, la série mise sur la figure d’icône féministe pop Gloria Steinem qui permet d’apercevoir les deux aspects du combat.

Gloria Steinem à New-York (1975)

La splendeur Queer

En 1969, Marsha P. Johnson lançait la première pierre sur la police lors des émeutes de Stonewall, inaugurant une longue lutte pour la reconnaissance des droits des personnes LGBT. Femme, trans et noire, Marsha P. Johnson fut une héroïne des émeutes de Stonewall à l’époque où afficher son homosexualité était illégal. Point de départ de longues années de lutte, les émeutes de Stonewall ont radicalement modifié la situation des personnes LGBT à travers le monde. Mama RuPaul, cite d’ailleurs Johnson comme une inspiration majeure, la décrivant volontiers comme “la vraie mère des drags”. Un documentaire lui avait été consacré sur Netflix sous le titre The Death and Life of Marsha P. Johnson. Dans la même veine, Ryan Murphy réalise la série Pose en 2018. Sous les strass et les paillettes des Balls, la série s’intéresse à plusieurs segments de la vie new-yorkaise des années 80 : l’émergence du luxe de l’ère Trump, la scène littéraire montante et la ball culture, sous-culture de la communauté LGBT. 

La scène punk et la mode

Steve Jones des Sex Pistols, une cliente, Alan Jones, alors employé chez Sex, la chanteuse Chrissie Hinde, Jordan, vendeuse, et Vivienne Westwood © Sipa (1976)

Le mot “punk” tout d’abord, ce terme anglais signifie “voyou”, d’emblée, le ton est donné. Ce mouvement apparaît en 1975 dans un contexte de profond malaise social (c’est la fin des Trente Glorieuses, le début de la montée du chômage). Les punks expriment un anticonformisme et un refus de l’ordre établi à travers une mode vestimentaire et une musique conçues pour la provocation. Deux personnalités d’envergure jouent un rôle fondamental en fournissant des tenues punk en prêt-à-porter : Malcolm McLaren (manager des Sex Pistols) et son ex-femme Vivienne Westwood. Ce mouvement connait une véritable affirmation par un code vestimentaire particulier: motif tartan, piercings, chaînes, badges, vestes en cuir, etc. En dehors du mythe punk Vivienne Westwood qui continue de créer des vêtements et organiser des défilés, a joué comme Jean-Paul Gaultier, Martin Margiela ou Thierry Mugler, un rôle dans le mouvement punk sur les sphères de la haute-couture.