On pourrait crier à la contradiction en écoutant la bande originale du dernier Martin Scorsese: “Le Loup de Wall Street”, le film qui atteint déjà 1,7 millions de spectateurs rien qu’en France. La B.O trés rock nous pose une question : le rock’n’roll rimerait-il avec capitalisme et arnaque en sous-main? Le rock dont les origines sont bien nées de la working class et de l’âme soul s’extirpant de la douleur,  n’a au premier abord rien à voir avec un trader corrompu qui a mené sa barque jusque dans Wall Street ! Pourtant, Scorsese en amateur de musique, a choisit sa bande originale avec justesse. Au délà des 14 titres programmés et des compositions spéciales de Howard Score, le réalisateur de Taxi Driver et des Affranchis y glisse pas mal de clins d’oeil en musique !

Pour ceux qui n’ont pas vu ce dernier Scorsese, dont Léonardo Dicaprio y tient le premier rôle, c’est l’histoire (vraie) d’un courtier en bourse qui démarre sa propre boite Stratton Oakmont et qui par “l’appat du gain”, devient un imprenable mercenaire de la bourse. Qui a-t-il de rock’n ‘roll à arnaquer des pauvres gens et se faire arrêter par le FBI (attention Spoiler !) me direz-vous? L’argent. Le pouvoir. Les femmes. La drogue. Tous les excès et toutes les tentations y sont explorés. On se croirait au CBGB’s en 79: les yachts, piscines, chimpanzés, strip-teaseuses en plus. Quoi de mieux qu’une bonne bande originale pour retracer ce parcours à la fois torride, puant et décadent? Dès le début l’ambiance de Manhattan se dépeint avec des titres soul et jazz, une ambiance cosy, intime et très “bureautique” façon Mad Men en…plus cash et plus “Scarface”. On reste dans l’ombre, on ne se vante pas trop même si on sent l’entourloupe avec le personnage notamment de Mathew MacCaugney, génial dans le rôle du premier “mentor” de Jordan Belfort. La bande originale retrace assez clairement tous les moments en passant par le blues, le jazz, le hip hop (avec le titre “Black Skinhead” de Kanye West), de la new wave et du rock. A noter des titres de Alien Toussaint ou encore Shirley Bassey.

Si au début, cette ambiance est martelée par l’artiste Elmore James, un guitariste de blues américain à redécouvrir,  qui connut les grands du Delta du Mississipi, mais aussi la misère et les bars mal famés. Inventeur avec Muddy Waters du Chicago Blues, avec “Shake your Moneymaker, Scorsese rappelle donc que les femmes sont “la cause de la perte de l’homme” (Jordan ne souhaite il pas satisfaire sa belle? Puis son autre belle – Nadine que l’on peut retrouver dans une publicité des années 90, jusqu’a tomber de haut?). La thématique donc très 60’s nous rappelle la dimension “Diamonds are girls best friends” que chantait Marilyn Monroe. Une dimension sociétale genrée qui mène à cette quète de l’excès car si tout partait donc d’une bonne intention, le sexe et la drogue eux coulent à profusion mais aussi dévoilent une époque pleine de rebondissements et riche de pépites comme ce groupe The Buckingams totalement passé aux oubliettes mais tellement blanc dans une musique de blacks !

Cette densité de l’excès dans le film qui pourrait être lourde et traitée plutôt façon “Confessions intimes”, est au contraire vu via un personnage non extérieur : Jordan Belfort tout simplement interprété par DiCaprio qui dirige et parle à la camera. La musique tient son rôle et pourvoie un sentiment extrèmement positif comparé aux images démentielles (mais là on ne peut pas se tromper, le ton est donné dès la première scène du film), peut-être même trop complaisant, pour certaines critiques…Passons, nous nous aimons. Des têtes méconnues et des tubes reconnaissables entre tous sont donc dans ce film dont le : Mrs Robinson de LemonHeads. On passe également par le hip hop avec le titre “Black Skinhead” de Kanye West mais aussi du Naughty By Nature bien senti. Mais quand le film s’accélère on passe de Julian Cannonball Adderley, Bo Didley et Goldfinger à quelque chose de plus agressif et rock. Comme la vie durant dix ans de Jordan, qui elle aussi devient alors plus tourmentée. On retrouve cette ambiance électrisante avec les cultissimes Cypress Hill et le titre “Insane The Brain”, bien significatif tout comme les Foo Fighters “Everlong”, un groupe où Dave Grohl pourrait aussi parler en son nom d’excès en tout genre.  La surprise bien sûr c’est d’y voir notre frenchie, l’acteur Jean Dujardin et de subir également son accent… Par sa “faute”? Peut-être, on retrouve du Plastique Bertrand en fin de film mais aussi un titre chanté en français de Louis Armstrong. Quoi de mieux pour illustrer musicalement une arrestation du FBI que cet ironique et déjanté “Ca plane pour moi”?

On passe donc aussi par une ribambelle de titres glorieux des années 80 pour le coup étonnamment européens comme le “Gloria” d’Umberto Tozzi ou “One Step Beyond” des Specials. Mais ce qui nous fait de l’effet, c’est cette bande originale rock, pour une fois mise en avant dans un film grand public. Devo par exemple, avec ce titre “Uncontrollable Urge” , tout aussi délirant que 70’s dont on se souvient des performances  à la fois kirschs et humoristiques !

Ou encore le vitaminé et déluré titre de Malcolm MacLaren, lui aussi “Loup de la meute”, mais en son temps, dans l’émergence du courant punk  et de son business. Une sorte de courtier qui aurait misé sur les plus déchirés avec son complice Jamie Reid. Tous deux proneront le détournement, notamment celle de la svatiska nazi. On a du mal à repenser sérieusement au rôle manipulateur et à la fois acteur du mouvement punk quand on écoute ce titre “Dubble Dutch”, datant de 1983, de l’ex-compagnon de la designer Vivianne Westwood…Mais bien sur ! Le titre a déjà été condamné pour plagiat envers le groupe sud-africain Puleng, les voleurs s’aquoquinent donc…Ou comment mettre les ripous dans un film hollywoodien.

Enfin, la dernière pièce de choix c’est la reprise de “Sloop John B” des Beach Boys (album Pet Sounds de 1966) par Me First and The Gimme Gimmes. Le groupe de reprise (totalement dingue) avait enregistré cette chanson pour l’album Blowin in the wind à la thématique 60’s bien orchestrée et remaniée en version punk rock. Et pour cause, ce groupe de punk rock : all stars, comprend Fat Mike, leader de NOFX ou encore Joey Cape de Lagwagon. La chanson a son origine vient des caraïbes et ce que vous ne savez peut-être pas c’est que ce John B. désigne un “sloop” à l’origine un navire plus petit que les corvettes. , dont l’équipage était particulièrement gaie. Le bateau coulé en 1900 rappelle étrangement cette scène où le titre survient, justement sur le fameux yacht de Jordan lors d’une fête encore mémorable. La chanson fut même reprise en 1966 par Sylvie Vartan. Ah…ce kitsch !

Pour finir on peut s’amuser aussi a comprendre les différences entre la biographie de Jordan Belfort mais il faut savoir que Dicaprio avait acheté les droits avant la parution du livre pour un projet qui mis 5 ans à venir au jour…Le peu de différences ne nous fait pas oublier ces véritables archives qui sont encore aujourd’hui visibles en ligne, et qui n’en finissent pas de construire des BO plus qu’originales…Et vous quelle serait votre B.O du “Loup de Wall Street”, parfaite?