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La sélection Modzik pour sonoriser ton weekend.
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NENIU – POUR QUE TU ME REGARDES
L’univers de Neniu est en perpétuel mouvement. Dans Les Ailes, son troisième album (3/12/25), il condense des années de création solitaire, entre compositions hybrides et films d’animation maison, pour donner naissance à un monde où sons et images s’entrelacent. Hyperpop, rap, pop électro cohabitent dans un terrain de jeu où l’expérimentation sonore se mêle à l’émotion. Au cœur de cet univers se trouve la chenille, personnage central et fil rouge de ce nouvel arc narratif. Dessinée dans un style volontairement naïf, elle incarne fragilité, curiosité et transformation. À travers elle, Neniu explore des thèmes universels : métamorphose, vulnérabilité et quête de reconnaissance. « J’ai toujours été attiré par le potentiel comique de ces personnages 3D qui chantaient des choses totalement décalées. Les mondes qui en découlent, chez moi, ont leurs propres règles, leurs propres logiques, prennent vie de façons tout à fait différentes. » Chaque mouvement, chaque interaction de la chenille dans les clips et illustrations évoque le passage de l’enfance à l’âge adulte, mêlant humour, innocence et tension. Autodidacte, Neniu façonne son monde depuis son enfance et contrôle tous les aspects de son travail, de la conception des personnages animés au mixage des morceaux. L’album se déploie avec une énergie où chaque titre explore textures et atmosphères différentes. Pour que tu me regardes se distingue par son mélange de légèreté et d’intensité, où la naïveté enfantine se mêle à une tension rock. À l’inverse, À priori plonge dans des tonalités plus sombres, où solitude et fragilité s’expriment à travers le quotidien de l’artiste, transformé en matière sonore. Terrain Vague convoque les bandes dessinées de son enfance pour traduire la difficulté à comprendre et à exprimer ses émotions, tandis que Stratégie d’évitement, en duo avec Simia, met en musique le combat contre les démons intérieurs et les processus de transformation personnelle. Après l’EP <3, qui annonçait déjà une partie de l’album, Neniu parachève sa métamorphose avec Les Ailes. L’album déploie un univers où pop, rap et hyperpop se croisent, et où la chenille reste le symbole central de transformation et de progression artistique. Dans ce monde, l’écriture minimaliste de Neniu, presque orale, se fait porteuse de métaphores : dessin, musique et paroles participent à un récit de croissance, d’émotions partagées et de liberté créative. (LFC)
Pour que tu me regardes est disponible via Parapente. En concert à Paris (Boule Noire) le 11 décembre 2025.
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JÄDE – FAN2MOI
Avec déjà quatre projets à son actif, dont Les Malheurs de Jäde sorti en 2024, Jäde revient avec un nouvel EP : Sexe & the City. À l’image de la série culte et de son univers entre intime, sensualité et inspiration des années 2000, dans se nouveau projet, la jeune lyonnaise nous propose six morceaux où les sonorités pop, urbaines et R&B se rencontrent. Dans Sexe & the City, Jäde explore les contradictions de l’intime entre le désir qui brûle autant qu’il déroute, la passion, les doutes et le détachement… tout ce qui fait que les relations ne sont jamais linéaires. L’inspiration des années 2000 se retrouve tant dans sa musique que dans ses visuels. La singularité de Jäde se démarque par une musicalité minimale mais très efficace. Avant la sortie de l’EP, Jäde avait déjà teasé cette nouvelle ère avec Comme des garçons, un single qui a tourné partout sur les réseaux et les plateformes. Et elle enchaîne avec le clip de Fan2moi, qui vient parfaitement illustrer son univers très y2k entre glamour, quête de liberté et nostalgie mais réinterprété façon 2025 c’est à dire plus affirmé et assumé. Le clip mélange codes R&B, féminité décomplexée et une douce ironie. Musicalement, Fan2moi reste dans cette vibe sensuelle et minimaliste avec une production épurée, des toplines qui s’enchaîne naturellement et un mélange entre vulnérabilité et confiance. Dans Sex & the city Jäde semble donc passer un cap. Elle va plus loin dans ce qu’elle raconte, dans la façon dont elle incarne son identité. C’est un projet sensible, doux, qui ne cherche pas à être parfait et où la modernité du R&B rencontre une écriture française capable de transformer des émotions simples en quelque chose de personnel et marquant. (ML)
Fan2moi est disponible via Athletic Discs.
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PRINCESSE – LAISSEZ-MOI
Tout a commencé dans une vieille maison trouvée sur Le Bon Coin. Un ancien bar, un peu fatigué, qu’Alfred et Aurélien, les deux membres de Princesse, ont retapé avec leurs amis. La maison est devenue studio, refuge, point de départ de ce premier album Nouvelle Romance, suite logique d’un EP Prélude à Nouvelle Romance. « Mais tout ne s’est pas passé comme prévu… On avait des chansons, mais elles partaient un peu dans tous les sens. Alors on a pris notre temps, et on est repartis de zéro. » C’est donc dans cette maison, avec leur ami Døme et l’ensemble de leurs potes, Louie Roudz, Marco Ferrand (Doomy), DIM, Doumsi, Rémi Kalfon Riou, Tianmi, KAYLON, Vincent Cirille, Pablo Roldan Cruz, que l’album a pris sa forme définitive. Nouvelle Romance est une pop française nouvelle, hybride, élégante. Elle puise dans la chanson des années 70-80, les ballades d’une époque sensible, la sincérité de l’écriture tout en n’oubliant pas les touches contemporaines : ambiances urbaines, guitares indie, synthés et rythmiques organiques. L’album suit un personnage dans ses élans amoureux, ses blessures, ses nostalgies et ses renaissances. On démarre avec La chanson sur laquelle tu danses, plongée intense dans le vertige des émotions, puis la lucidité de Des fusils dans les yeux, les fragilités de J’aime cette fille, le retour à l’enfance avec À sa manière, une pièce intime, essentielle, qui parle de filiation, de l’héritage invisible des affects. Suivent les nostalgies de Vivre en été, mourir en hiver. Les élans de liberté surgissent avec le très poppy Laissez-moi, la rupture et la mue avec le très The Cure Voix cassée, le réconfort des amis avec Roule avec le squad. Enfin, La vie entière et sur une valse fluide éthérée Il fera beau ferment la marche. Aurélien offre sa voix légèrement voilée, capable de douceur comme de brûlure. La modernité surgit des rythmes, du sens du groove, du flow d’Alfred et des textures électroniques qui donnent à chaque chanson un mouvement propre. L’ensemble forme un récit initiatique, où chaque titre est un chapitre. Nouvelle Romance est une bande-son fragile et lumineuse d’une jeunesse qui cherche sa place et sa vérité. Un premier chapitre honnête, hybride d’un groupe qui assume enfin son univers et sa liberté, entre héritage et modernité. Si l’amour est parfois un labyrinthe, Princesse en a fait une carte, fragile, parfois joyeuse, et parfaitement à eux. (LFC)
Nouvelle romance est disponible via LOW WOOD.
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MAKALA – HOTEL YOTSUYA
Après 18 mois d’absence, Makala revient avec un nouveau single intitulé Hotel Yotsuya. Un morceau qui semble annonciateur en raison des nombreux teasings qui défilent sur ses réseaux, laissant planer le mystère quant à la suite. Depuis presque trois mois, son compte Instagram sert de vitrine dédiée à sa recherche, se transformant en une quête effrénée, où se succèdent une série d’indices laissant présager le retour du « Général » (surnom qu’il s’est lui-même attribué). Un message crypté finit par émerger : « L’ORDRRE N’A PAS D’IPMROTNCAE ». S’il a tout l’air du titre d’un nouvel album, la surprise demeure, car le rappeur avait pourtant annoncé prendre ses distances avec la musique. Néanmoins, ce n’est pas pour nous déplaire : on retrouve la narration de Makala, portée par une composition musicale intrigante et sublimée par la production futuriste de Varnish La Piscine. Hotel Yotsuya s’imprègne d’une ambiance sombre, ainsi que d’un esprit revanchard, tous deux inhérents au conte japonais Yotsuya Kaidan (histoire célèbre de meurtre et de vengeance fantomatique). À travers ce dernier, Makala façonne une critique virulente du mainstream, de l’industrie musicale et des médias, soutenue par des paroles incisives et un égotrip omniprésent, marqueurs de son assurance inébranlable. Le clip, signé Exit Void et coréalisé par le rappeur, restitue l’atmosphère noire du morceau, illustrée par le quartier tokyoïte de Yotsuya de nuit. On y retrouve ses camarades habituels : les membres genevois de la SuperWak Clique, jeune garde du rap suisse, composée entre autres de Slimka ou encore Di-Meh. Makala, toujours bien accompagné, semble donc vouloir annoncer son retour de façon fracassante, à travers un récit colérique qui veut en découdre. (AC)
Hotel Yotsuya est disponible via Capital Music France/Universal Music France.
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STEVE IBRAHIM – ON DANSERA ENCORE
Il y a chez Steve Ibrahim cette manière presque désarmante de transformer ses failles en tremplin. Depuis ses premières répétitions dans les studios du Val-de-Marne, ce gamin du 94 qui traînait sa guitare comme un carnet à secrets s’est taillé une voie à contre-courant. À vingt ans à peine, il posait déjà ses premiers accords sur les plus grosses scènes du pays, mais c’est dans le silence de sa chambre qu’il a réellement trouvé son territoire. On dansera encore, son dernier titre, confirme que Steve Ibrahim appartient à cette génération d’artistes qui savent faire beaucoup avec presque rien. Une voix, une guitare, une ligne mélodique qui semble écrite au crayon gris, et pourtant… On pense à Bon Iver, évidemment, mais l’écriture, elle, est résolument française et précise. Car c’est là que tout se joue : dans l’écriture. Steve Ibrahim chante les fractures. « Il y a un trou dans le mur du salon », « Je veux rester enfant », « Je volerai plus haut » : ses phrases avancent tranquillement, comme s’il craignait encore de déranger le souvenir qui les habite. Le DIY, chez lui, n’est pas un gimmick esthétique. Il a apprivoisé la MAO en autodidacte, la basse et la guitare en solitaire, la voix à l’église, avec cette humilité qu’on retrouve dans la soul des grands chanteurs R&B qu’il admire. La chambre devient studio, refuge et laboratoire. Dans On dansera encore, il revisite le thème le plus usé du monde, l’amour qu’on a raté et réussit l’improbable : le rendre vivant. Le morceau sonne comme un désir de recommencer, de réécrire, de « tomber plus fort » si nécessaire. Cette manière qu’il a de tendre la main sans forcer, voilà sa singularité. Au milieu des machines à tisser, du vacarme du quotidien, de la fuite et des regrets, ne surgit qu’un seul refrain : la vérité. L’équilibre est toujours juste : un folk d’apparence simple, mais travaillé au scalpel, où l’acoustique dialogue constamment avec des textures digitales discrètes. Le cœur du morceau reste cette façon qu’a Steve Ibrahim de laisser sa voix se briser au bon moment, cette vulnérabilité assumée qui pourrait faire de lui un porte-voix de tous ceux qui écrivent leurs chansons en cachette. Après Le bleu du ciel et Le mur du salon, Steve Ibrahim continue de dévoiler une histoire personnelle qui n’a rien d’une carte postale. Son enfance certainement cabossée, ses obsessions, ses personnages de trottoir et de cuisine, tout revient dans ses chansons avec pudeur. On sent qu’il écrit pour tenir debout, pour réparer ce qui peut l’être encore. Avec On dansera encore, il ouvre une brèche. Sans doute, la promesse d’un premier long-format où la folk française pourrait bien trouver un nouveau souffle, vulnérable, et débarrassé de ses artifices. (LFC)
On dansera encore est disponible via Panenka Music. En concert à Paris (Boule Noire) le 1er décembre 2025, à Rennes (Bars en Trans) le 5 décembre.
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TTSSFU – UPSTAIRS
Avec Upstairs, TTSSFU semble remonter les marches vers ses propres débuts, là où tout était encore fragile, et où la mélancolie était une manière de tenir debout. Après le chaos abrasif de Blown (août 2025), ses guitares râpeuses, sa batterie tendue et ce virage « indie rock / slacker » qui tranchait radicalement avec ses premiers EPs, Tasmin Nicole Stephens redescend ici dans une zone plus intime. Le morceau s’ouvre sur une basse qui serpente entre The Cure et The XX, ligne à la fois dépouillée et obsédante. Dès l’ouverture, TTSSFU expose ce qui la hante : un amour obsessionnel, maladroit, vaguement honteux. Elle monte à l’étage, littéralement pour s’isoler, symboliquement pour s’enfermer dans sa projection. Ce « toi » n’est pas un corps, c’est une image. Un fantôme numérique. On est dans une solitude moderne où l’intimité n’est plus qu’un zoom maladif : « I’m zooming in / And I look at your face / All the cracks / And the lines ». Et cette voix, c’est celle que TTSSFU portait déjà lorsqu’elle composait seule dans sa chambre, en mode DIY total, avant les labels, avant le live, avant même de croire qu’elle y arriverait. Multi-instrumentiste, productrice, mixeuse de ses propres tourments, Tasmin revient ici aux fondamentaux de son langage : une dream-pop trouble, traversée de shoegaze, brossée à la lo-fi comme un vieux polaroïd que l’on n’ose jamais vraiment jeter. Depuis Me, Jed and Andy (2024), en passant par les errances bruitistes, les crescendos saturés, les éclats grunge hérités de Nirvana et de la vulnérabilité à vif de Cobain, TTSSFU n’a cessé de complexifier son univers. Mais Upstairs, lui, fonctionne différemment : c’est un morceau qui retire des couches, au lieu d’en ajouter. Un retour à la nudité, à la vérité, ce qu’elle a toujours revendiqué, même quand cela signifiait montrer des fissures qu’elle aurait préféré cacher. Quand elle chante « I sit back and lay on my bed / Think about when we first met », on comprend ce qui traverse vraiment le morceau : ce moment où la nostalgie devient une drogue douce, où l’image remplace le corps, où le désir n’a plus besoin d’être réciproque pour être réel. (LFC)
Upstairs est disponible via Partisan Records.
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DE LA SOUL – RUN IT BACK (FEAT. NAS)
On pourrait croire que revenir après des années de silence serait un défi compliqué pour De La Soul. Pourtant, dès les premières notes de Cabin in the Sky, on comprend que le groupe n’est pas là pour se rappeler au bon souvenir des fans, mais pour raconter quelque chose de profond. L’album naît dans le sillage de l’absence de Trugoy, disparu en 2023, mais loin de laisser un vide, cette perte devient un moteur créatif. Posdnuos affirme que certaines chansons utilisent des enregistrements laissés par Trugoy, sa voix, ses productions ou son influence se font encore entendre dans le disque, maintenant un lien tangible avec l’esprit du groupe. Run It Back!! avec Nas, morceau, construit autour du sample joué à l’envers de Every Little Thing She Does Is Magic de The Police, semble jouer avec le temps avec son groove lumineux, tandis que d’autres morceaux se nourrissent de collaborations prestigieuses : Black Thought (EN EFF), Q-Tip et Yummy Bingham (Day in the Sun (Gettin’ wit U)), Killer Mike (A Quick 16 for Mama), Common et Slick Rick (Yours), ou Bilal (Palm of His Hands). Ces featurings créent un dialogue générationnel et mettent en valeur l’ouverture musicale du groupe. Cabin In The Sky navigue entre boom‑bap, soul et jazz, ponctué d’arrangements qui mêlent samples, instruments live et touches électroniques discrètes. Les morceaux oscillent entre légèreté, humour et gravité. Run It Back!! mêle énergie et groove, Day in the Sun ou Palm of His Hands offrent chaleur et apaisement. Chaque titre construit un espace distinct, mais l’ensemble reste cohérent. Mais Cabin in the Sky est surtout un album intime, où mémoire, amitié et résilience se répondent. L’absence de Trugoy est transformée en moteur créatif, et chaque morceau devient un refuge où l’on retrouve l’esprit original du groupe : inventif et musicalement riche. Entre hommage et modernité, De La Soul prouve qu’il peut vieillir avec grâce, tout en restant fidèle à son identité, mélange d’émotion, de groove intemporel et de créativité partagée.
Cabin in the Sky est disponible via De La Soul/Mas Appeal.
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