Modzik a rencontré Héléna Kerbiche aka Lena Klax. La créatrice aime les bijoux bling-bling et le bon hip-hop, mais enfonce les clichés à coup de résine. Journée chargée pour celle qui fait de nombreux aller-retour Lille/Paris pour satisfaire un intérêt grandissant envers ses créations. Armé d’un franc parlé aiguisé et d’un humour incroyable, Héléna Kerbiche se raconte avec simplicité.

Par Mélody Thomas

À ses 18 ans, Héléna Kerbiche décide de tracer sa route. Sans grand intérêt pour les études mais avec de l’énergie à revendre, la jeune lilloise décide de s’installer à Londres avec pour volonté d’apprendre l’anglais, de découvrir une autre culture et de trouver sa voie. Et il faut croire qu’une bonne étoile veillait sur elle, sur place la jeune femme devient barmaid dans un bar d’artistes. C’est à cette occasion qu’elle sympathise avec un de ses habitués, qui n’est autre que Shaun Leane, l’homme derrière les créations de bijoux d’ Alexander McQueen. À force d’entendre ses clients parler bijoux, Héléna commence à s’y intéresser, Shaun Leane l’invite à son atelier et lui fait découvrir les différentes matières et maquettes. Au bout de cinq ans, elle rentre à Paris où elle passe deux ans en stage chez la créatrice russe Irina Volkonski. Aujourd’hui, Héléna Kerbiche est la créatrice de Léna Klax, une marque punchy.



Parle nous un peu de Lena Klax…

Léna Klax :
En fait Léna Klax c’est la contraction de mon nom Héléna et du mot klaxon. C’est assez nul, mais c’est parce que je klaxonne beaucoup, un pote a fini par m’appeler Léna Klax.

Comment as tu eu l’idée de ta marque ?

Léna Klax :
J’ai fait un rêve assez bizarre, où j’avais un chapeau haut de forme et les bras et les jambes platrées, avec un lion et un cercle d’ours polaire autour de moi. Et puis un jour je suis tombée malade et je suis restée longtemps chez moi, à ne rien faire. J’ai été dans un magasin et j’ai commencé à acheter de la résine et c’est ainsi que j’ai commencé à travailler sur les animaux qui font mes collections aujourd’hui : le gorille, l’ours et le lion. 

La collection STEP UP était celle des ours polaires, ma toute première. (Grâce à elle j’ai gagné le concours du Who’s Next Blog en janvier 2010). Cette collection parle de force, de culot, et du “même pas peur”! Ensuite il y a eu RUMBLE IN THE JUNGLE où est apparu le gorille, les têtes de mort, les pinces de crabes…Cette fois-ci j’ai voulu parler d’affrontements, des face à face, de la facilité qu’on certaines personnes à s’exprimer et les autres, ceux qui s’énervent, qui ne trouvent pas les mots,et qui à force de ne pas répondre, acummulent et sortent de leurs gonds. “Les grognements dans la jungle” comme ci ça bouillait à l’intérieur…et un jour bim.. J’ai pris ce titre du grand combat de boxe entre ALI et FOREMAN au Zaïre en 76. Ça collait bien avec ce que j’avais à exprimer à ce moment là. Ali s’est mangé des droites pendant 11 round. Foreman y allait, lui parlait, (ou criait) , le cognait et à un moment Ali lui a collé une immense dérouillée…Foreman s’était trop fatigué pendant 11 round, il est tombé sec, à terre ! Ali a gagné le combat, il avait une meilleure technique que Foreman. ; ) Après l’énervement de RUMBLE IN THE JUNGLE j’ai fais NEVER MIND THE BABYLON, une collection dédié à mon grand frère que je ne vois plus. Cette collection parle de souvenirs d’enfance, le fait d’avoir été élevé par notre mère, (3=d’ou le triangle) d’avoir toujours été soudé malgré notre vie de gosses un peu mouvementée.On allait nourrir les cygnes au parc avec notre mère, on était bien, et malgré le chaos autour de nous, nous étions heureux d’être ensemble. NEVER MIND THE BABYLON signifie peu importe le chaos-peu importe le fait que tout se soit écroulé (avant et maintenant) en fait on s’aime. 😉

En ce moment j’ai une autre collection en préparation, NO BULLSHIT IN MY NEIGHBORHOOD. Le shooting photo a eu lieu il y a deux semaines. J’ai utilisé trois tronches, des gens que j’ai rencontré qui ne sont pas du tout des modèles. C’était cool on s’est bien marrés et on a mis un chat sans poil dans le shooting. Je pense que cette collection sortira fin juin, en même temps que le Who’s Next. Il y aura seulement deux collections de présentées lors du salon, car je vais arrêter NEVER MIND THE BABYLON, la collection est trop dingue. Donc je viens avec les ours, les lions, le gorille et bien sûr la nouvelle collection avec des crocodiles. C’est aussi ça NO BULLSHIT IN MY NEIGHBORHOOD, ne pas me laisser envahir par tout ce qui se passe autour. Je travaille avec des chaînes fabriquées uniquement en France. La raison principale c’est que j’ai toujours plein de question à poser, j’ai besoin de parler avec les gens. J’ai besoin d’avoir du contact avec ce que j’achète.



Est-ce qu’il y a un acheteur type de Léna Klax ?

Léna Klax : C’est assez étrange car au début Léna Klax ne marchait pas du tout en France. Mon premier point de vente c’est Philadelphie, après c’est Taïwan et Hong-Kong. Et puis après la France s’est dit “ha c’est pas mal quand même ! ” (rires). Je ne suis pas en colère contre la France mais du coup j’écris mes communiqués principalement en anglais, j’ai plus de clients étrangers de toute façon. Les clients qui m’achètent je suis vraiment contente, parce que je me dit eux au moins ils n’achètent pas des bijoux girly.

Tu as vécu à Londres durant de nombreuses années, que t’as laissé cette expérience ?


Léna Klax :
À Londres, la critique n’existe pas vraiment. On est beaucoup plus libres là-bas. Je me rappelle mon banquier avait 50 piges, des dreads rouges jusqu’aux fesses, et c’était un blanc. Le banquier en cravate normal, mais avec des dreads rouges, et les filles aux guichets elles portent le voile et tout va bien. Quand tu vis dans une ambiance comme ça, c’est bizarre. Le retour en France il a fait trop mal. Et puis après je suis arrivée à Paris, et déjà, la différence avec Lille ça fait un choc.

Aujourd’hui tu vis à Lille, c’est difficile pour un créateur de s’en sortir hors de la capitale ?

Léna Klax :
Je suis retournée vivre à Lille parce que j’avais vraiment envie de lancer ma propre marque et qu’à l’époque je n’avais pas les moyens de démarrer à Paris. Ce qui est bien à Lille, c’est que j’ai pu intégrer une pépinière, un lieu ou différents artistes peuvent disposer d’un atelier et d’une aide pour démarrer leur entreprise. Les six premiers mois de loyers sont gratuits et tu signes pour deux ans.

Tu parles beaucoup des musées. Ont-ils une place importante dans ta créativité ?

Léna Klax :
Je n’ai aucune notion d’art, excepté certains courants basiques. Ils ont une place importante dans mon univers, mais depuis que je suis rentrée à Lille je vois moins d’expos. En tous cas c’est la base de mon imagination, je me nourris de ce genre de lieux pour “voyager” et remuer des trucs enfouis. J’ai une préférence pour l’art plastique, la sculpture, les artistes comme NIKKI DE ST PHALLE ou Arman, plutôt que des front row aux défilés. Je dis pas que je hais, mais ça ne me touche pas, certainement pas comme les expos, toutes confondues. À Londres je squattais pas mal la Tate, le Victoria & Albert museum, et toutes les galeries qu’il y a là bas. La gratuité facilite pas mal, surtout dans une ville aussi chère.

La musique a-t-elle son importance lorsque tu crées ?

Léna Klax :
J’ai une influence hip-hop, je ne vais pas mentir. J’ai des potes graffeurs, je n’écoute pas du métal ! (rires) Après quand j’ai commencé à faire mes bijoux, je ne me suis pas dit que ça irait aux rappeurs. Mais pas du tout.

Théophilius London, une des étoiles montantes de la scène pop, porte tes créations : raconte nous…


Léna Klax :
Une grande histoire ! En fait j’étais venue à Paris avec une amie, et on avait eu des places pour son concert. Mais moi je ne pouvais pas y aller, j’étais deg’. Je le connaissais vaguement, il avait fait des featurings avec Maximum Balloon. Ma pote y a été, elle portait mon collier ours noir. Donc elle va dans les backstages pour le rencontrer et le mec lui dit que son collier déboîte. Et comme elle aussi c’est une créatrice, intelligente, elle lui a donné. Moi j’aurais pas osé. Et le lendemain, je suis en terrasse avec des potes et je reçois la blinde de sms “Regarde Canal ! Y’a Theophilius qui porte ton collier au Grand Journal à cannes !“.  Et il a fait trois chansons en portant mon collier, j’étais trop contente. j’aime beaucoup ce qu’il fait et puis j’aime beaucoup ses choix vestimentaires, il n’entre pas dans la catégorie pantalon jusqu’au cul et casquette à l’envers. Alors je me suis dit, il faut que je trouve un moyen de le contacter pour lui dire merci, lui expliquer que je suis la créatrice etc. Après je ne traque pas la star ! Mais il a répondu a mon e-mail et m’a envoyé des invitations pour un de ses concerts à Paris. J’arrive en backstage et là je me retrouve aux côté de Cassius et De la Soul. La claque quoi ! J’étais impressionnée, j’écoute ces mecs depuis des années. J’en étais presque à oublier que j’étais là pour Theophilius. (rires) Et maintenant il y a une possibilité de collaboration entre Theophilius London et moi, j’attends que le projet se concrétise avant de dévoiler quoi que ce soit.

Est-ce qu’il y a des artistes pour qui tu aimerais créer des bijoux ?

Léna Klax :
C’est peut-être un peu cliché, mais pour moi créer c’est vraiment une thérapie. Ce sont mes émotions que j’exprime. Il y en a qui font un placement de produits à outrance, moi c’est pas ma came. Et puis il n’y pas beaucoup d’artistes sur qui j’aimerais mettre mes bijoux. Là en l’occurence, China Moses ça me ferait vraiment plaisir. Pauline Lefèvre, je lui avait lâché un bijoux et elle m’a appelé deux jours après pour me remercier. Elle est trop gentille. Et puis Theophilius. Maintenant je ne vais pas offrir mes bijoux à n’importe qui, juste sous prétexte que je veux gagner ma vie. Grâce à Theophilius, il y a quelques mecs qui portent mes bijoux à Lille.

Tu pourrais citer trois titres qui tournent dans ton atelier dernièrement ?

Léna Klax :
Pendant la création de la dernière collection il y a eu plusieurs musiques. Quand c’est comme ça je fais un peu un blocage sur les chansons. Avec cédi on s’est mis à fond l’album de Mickael Jackson “Dangerous”, et évidement “Jam” est celle qui a été le plus écouté. J’ai aussi acheté le dernier Jamie XX, il a fait un album remix de Gil Scott-Heron, la chanson “I Take Care Of You“, à fond ! Et Après ce que j’écoute en boucle à fond, c’est Grems remixé par Lefto. Je ne le connais pas énormément mais on a déjà discuté, lui il a connut mon taff via Melchior de Strip Tease. J’adore il est enragé un peu comme moi, il m’éclate ! Donc ce titre, je l’écoute tout le temps “Pisse de flûte“. J’écoute ça dans ma voiture et dans mon atelier !

Ton actu ?

Léna Klax :
Là je prépare doucement mon départ à Paris. Après j’aime bien bosser avec les autres. Graines je suis hyper contente parce que j’aime bien son taff. Après ce sont les gens qui me demandent, que ce soit dans le domaine de la musique ou des vêtements mais il faut qu’il y ait une collaboration, qu’on me prenne comme je suis.