Soft Launch, c’est ce petit bijou irlandais que nous n’avons pas vu venir mais qui nous accroche dès les premières notes. Tel un café irlandais bien dosé : énergisant mais réconfortant, leur musique mêle rock indépendant et psychédélisme moderne. C’est à l’aube de leur premier album, à paraitre début 2025, que nous les rencontrons juste avant leur concert à Rock en Seine.
Et voilà qu’arrivent Josh McClorey, Conor Price, Henry Pearce, Ben Quin et Ben Limmer pour une discussion aussi joviale que décontractée, chacun n’hésitant pas à parler en même temps que l’autre. Ces cinq-là ne sont pas des nés de la dernière pluie, chacun a une expérience de la musique derrière eux, mais nous y reviendrons.
Trois singles ont déjà été publiés. Cartwheels, Piano Hands et In My Bed. Trois singles qui brouillent les pistes en termes d’esthétique. Josh explique : « Les harmonies, c’est ce qui permet d’unifier le tout. Musicalement, oui, cela varie beaucoup, mais notre approche est toujours la même : les harmonies ». Une obsession partagée avec Brian Wilson, architecte des Beach Boys. « Ils m’influencent beaucoup », confie Conor, tandis que Josh acquiesce et poursuit : « C’est un peu le fil conducteur de l’album. Au départ, on rigolait en disant que notre groupe serait comme un bras autour des épaules des gens un peu perdus dans leurs pensées ou face à la mort. Bon, on a vite lâché l’idée, mais les harmonies, elles, sont restées ».
Un album enregistré entre Brighton et une île paumée, comme le raconte Henry : « On a bossé entre Brighton et un studio sur une île rurale, chez un pote batteur (le 6e membre du groupe, dira Henry). En gros, c’est de la production maison, dans nos chambres. Mais ça nous a permis de sortir les morceaux de leur cocon et de les propulser vers un univers plus large ». Conor ajoute : « Quand on s’est réunis, on a mélangé nos goûts et nos influences pour cet album. Même si on n’aime pas tous les choix musicaux des autres ».
Chacun vient d’un horizon différent. Conor formait un duo avec son frère Sean, simplement nommé Sean and Conor Price. Ils sont arrivés en quart de finale de X Factor et ont sorti six singles et un EP, direct à la 8e place des charts irlandais. Sean travaille désormais dans l’industrie musicale, mais plus au-devant de la scène. « Je me contente de chanter et de boire des bières », rigole Conor.
Josh, lui, a passé huit ans à jouer de la guitare et à chanter avec The Strypes. En solo, il a sorti plusieurs singles et deux EPs, tout en composant pour Yungblud et collaborant entre autres avec Paul Weller. Un nouvel EP était prévu pour 2021 mais… il n’a jamais vu le jour. « Je me suis retrouvé coincé avec ces gars-là. C’est quelque part sur un ordinateur portable, caché dans une pièce quelque part, ce qui est probablement mieux ainsi. Maintenant, j’ai cette nouvelle bande de frères. » Quant à Ben Limmer, il est batteur de Declan Mckenna, mais aussi pour CMAT. « Je ne joue que de la batterie. Mais, dans quelques années, je ferai mon Ringo, je sortirais un album », plaisante-t-il. Conor en rajoute : « On adore Ringo Star, c’est notre héros, et je crois bien que c’est le seul type qu’on suit sur Twitter ! »
Henry, lui, joue principalement du clavier, mais ses potes le taquinent : « Il joue de tout, même du violon, de la basse, de la flûte… » Henry se défend : « Mais surtout du clavier, hein ». Le surnom de « Monsieur Piano Hunter » est lancé. En plus de la musique, Henry est aussi photographe. Il est d’ailleurs directeur de création sur le premier clip du groupe.
Serait-il en charge de l’image du quintet ? « Je ne dirais pas que je m’occupe des visuels », dit-il, avant que ses camarades le charrient. « Tu aimerais bien ! », lance Josh. Henry sourit : « Peut-être. Mais on collabore tous là-dessus ». Quant à la vidéo de Piano Hands, Henry raconte : « Nous l’avons faite nous-mêmes, ce qui était plus une sorte de Strawberry Fields où nous avons pris le budget du label et nous sommes partis en vacances pendant quelques jours ». Conor ajoute : « C’est la chose la plus amusante que nous ayons jamais faite ». Henry conclut : « Tout a été dépensé en conséquence, et on adore le résultat, donc c’était parfait ».
Ben, quant à lui est guitariste de formation, issu du jazz et qui a un faible pour la musique électro. « J’aime bien, oui. » Sous le pseudo Hector Zeroni, il a déjà publié plusieurs singles et a fait quelques DJ sets. Ici aussi, le chambrage reprend : « C’est un DJ ? », plaisante Conor, avant que Josh ne réponde : « Oui, notre DJ préféré ». Conor, ironique : « Enfin, pas le mien ». Limmer ferme le ban « Il s’engage pour chaque concert et se retire à la dernière minute. C’est le DJ le plus insaisissable de l’est et du sud-ouest de Londres ».
Tous ces parcours leur ont appris à rester loin des pièges de l’industrie. Conor explique : « On voulait faire l’album avant de signer avec un label et un manager, pour trouver notre son et notre identité avant de se jeter dans le grand bain ». Ce fut plus de deux ans de travail. Josh poursuit « Ensuite, on a commencé à faire des concerts. Le fait d’avoir une identité et de savoir ce que l’on veut a rendu les choses beaucoup plus faciles pour nous parce que l’industrie de la musique est assez turbulente et vous pouvez être envoyé dans tous les sens et ne pas savoir qui vous êtes après ». Josh ajoute : « On a signé un gros contrat d’enregistrement, et tout est parti très vite. Heureusement, le label nous a laissé une liberté totale. C’est rare de nos jours, et on est vraiment reconnaissants ». Parlophone, leur label, détient les masters, mais ils ont passé un accord pour les récupérer dans quelques années. « Et ils nous ont filé des pizzas gratuites à vie », rigole Josh. Conor enchaîne : « Ils m’ont payé un steak, alors j’étais convaincu ! » Henry conclut : « Non, mais ce sont des gens bien, vraiment. Et ils cuisinent super bien ! »
Ce qui rend le « boysband » – comme ils aiment se dénommer – Soft Launch si unique est leur façon de tout faire eux-mêmes : écrire, produire, et même échanger leurs instruments en plein enregistrement ou pendant les concerts. Côté voix principales, elles se partagent entre Josh, Henry, Conor et Ben, chacun prenant le relais à tour de rôle. À la base, c’était juste pour la blague. Conor raconte : « On a remarqué qu’en ce moment, la musique est hyper sérieuse. Nous, on ne se prend pas la tête avec ça, alors on a pensé qu’on pourrait jouer avec l’idée d’être un boysband ». Josh enchaîne : « Un petit coup de marketing malin, en fait. Mais aussi, on est un groupe de gars, donc bon, ça colle plutôt bien ! » Conor ajoute en riant : « Finalement, un boysband, c’est quoi ? Juste des harmonies et du rythme. Un boysband musical, ce serait… » Henry le coupe : « Un mélange pop-rock avec un peu du pire de chacun ». Conor conclut en souriant : « ‘Two plus two equals pop’, ce sera le nom de notre premier album ». Nous ne saurons pas si cette information est sérieuse.
Leur tournée qui les mènera de Dublin à Londres s’intitule Room For 5?, encore de l’humour. Du fait du texte l’accompagnant « Nous, Soft Launch, ou plutôt “Big Pharma” qui fait tout pour nous, nous sommes renseignés dans tous les pubs et clubs d’Irlande et du Royaume-Uni avec la même question alléchante : “De la place pour 5 ? C’est à dire, avez-vous de la place pour cinq grands et forts garçons en pleine croissance pour nous aider à soulever tout ce matériel et jouer un concert en direct et sur scène dans votre bel établissement ?” » Cette tournée est importante pour le groupe, qui sera en tête d’affiche, après quelques gros festivals cet été et des dates partagées en ouverture de Declan Mckenna. Conor sent la pression « C’est une responsabilité différente de jouer pour quelqu’un qui a acheté sa place rien que pour nous. Maintenant, on s’inquiète de la vente des billets ». Tout semble bien se passer pour eux, Dublin, Glasgow, Liverpool, Bristol, Birmingham et Nottingham sont complets. Mais ils veulent absolument venir jouer à Paris. Ce qui sera fait le 25 octobre prochain au Supersonic. Limmer va donc réviser son français. « Mon français est très mauvais. J’ai pris un cours. J’ai essayé et ça ne s’est pas bien passé. » Lorsqu’on lui demande quels sont les mots français qu’il connait, le premier qu’il indique est « Batterie », évidemment. Mais, peut être aurez-vous l’occasion de les croiser d’ici là. Tout d’abord, car ils adorent Paris et ensuite, ils doivent venir finir le tournage d’un clip, dont la première partie a été filmée à Montmartre.
Paris, là où tout a commencé… mais pas la capitale ! On parle du Paris House, un pub au style français à Brighton. Le 15 décembre 2022, le quatuor formé de Josh, Conor, Ben et Henry y organise un concert de Noël bien barré, The Wacky Tacky Christmas Bash (en gros, la soirée de Noël loufoque et kitsch). C’est ce soir-là qu’ils rencontrent pour la première fois Limmer. Henry se souvient : « Ben nous parlait de ce batteur depuis des mois et nous étions comme, oh ouais, ouais, ouais. Et puis il est venu ce jour-là. Ils connaissaient toutes les chansons. On avait déjà fait des essais avec d’autres batteurs avant. Limmer avait déjà un groupe, mais cela nous importait peu ». Conor ajoute en rigolant : « On a essayé de le payer. On lui a mis 150 livres dans la main. Et il m’a dit : “Je n’en veux pas. Je veux juste 20% de rien”. Et maintenant, nous sommes ici à Rock en Seine ». Henry enchaîne : « Nous avons beaucoup plus que cela maintenant ». Conor : « 21 euros ! » Ce concert de Noël fut un tel succès qu’ils l’ont refait en décembre dernier, et même pendant The Great Escape en mai. Dire que ce fut quelque peu décalé est un euphémisme. Conor conclut : « The Paris House est un peu notre Mecque ».
Soft Launch prouve qu’ils ne sont pas là pour se prendre au sérieux, mais bien pour réinventer la scène rock indé avec une dose d’humour. Leur musique, comme leur esprit, est contagieuse. Une chose est sûre : ces cinq-là n’ont pas fini de nous surprendre… et de nous faire rire. Préparez vous, Soft Launch arrive…
Catwheels, Piano Hands, In My Bed et Milkshakes sont disponibles via Good Form Recordings / Parlophone.
En concert à Paris (Supersonic) le 25 octobre (Gratuit : premier arrivé, premier servi).
Texte Lionel-Fabrice Chassaing
Image de couverture Laura Marina Jennings