Sculpture, architecture, musique, littérature, peinture, aux premières partitions des Jeux Olympiques modernes, l’art aussi avait ses médailles. Cent ans après les derniers jeux parisiens, le monde de la musique endosse désormais le brassard d’architecte du spectacle olympique. 

 

 

 

«Pentathlon des muses» ou quand le sportif côtoyait l’artiste

 

En 1912, lors de la 5ème édition des Jeux Olympiques modernes, le baron Pierre de Coubertin concrétise sa volonté d’associer «le muscle à l’esprit». Il ajoute alors une page artistique au programme : le «Pentathlon des muses».  Dans cinq catégories créatives, les compétiteurs doivent présenter une œuvre qui célèbre le sport. 

Durant la courte histoire de ces jeux, seuls deux compétiteurs remporteront une médaille à la fois en sport et art. En musique, peu s’illustrent et il arrive d’ailleurs qu’aucune médaille ne soit desservie. 

 

Alfréd Hajós (gauche) médaillé d’or nage libre et médaille d’argent architecture et Walter Winans (droite) médaille d’or tir et sculpture

 

Après 36 ans de tentatives plus ou moins fructueuses, le Comité international olympique (CIO) décidera de replacer les arts en ornements du sport. Expositions, musiques officielles, cérémonies d’ouverture, portages de flammes, hautes coutures, deviennent dès lors maillon des jeux. Pour participer au rayonnement, les organisateurs de jeux mettront également en place des Olympiades Culturelles : une  programmation artistique qui naît au contact de l’événement Olympique.

 

Le sport en création

Cependant, dans la ville des lumières et de la culture, les arts ne restent pas sur les bancs de touche et sont aussi les vedettes de la compétition. Avec l’arrivée du break dance ou les prestations de natation synchronisée, la frontière se brouille, le sport devient créatif, s’engage. 

Avec l’épreuve du breaking la musique est au centre de la pratique. Les B-Girls et B-Boys, ne connaissent pas les tracks en avance. Au rythme du DJ, ils doivent improviser leurs mouvements et façonner leur corps avec la signature qui leur est propre.

Dans un registre différent, les chorégraphies de gymnastique et de natation artistique s’articulent elles aussi autour du son. Poussées par le message féministe de Grand Corps Malade, les Françaises et leurs troublants bonnets de bain ont transformé les carrelages du centre aquatique olympique de Saint-Denis en scène hip-hop.

 

 

Des cérémonies tout en musique

 

Impossible de parler de la musicalité de Paris 2024 sans mentionner la cérémonie d’ouverture de Thomas Jolly qui a fait couler beaucoup d’encre. Un passage de cette cérémonie de mariage entre arts et sports a d’ailleurs été censurés dans plusieurs pays. Pour le meilleur et pour le pire, l’avant-gardisme de cette union a imprégné l’événement sportif et lui a valu certains rejets, d’ordinaire dirigés vers le monde de l’art. 

 

 

Cependant dans un événement d’une telle envergure, le sensationnel reprend vite l’avantage, à l’image d’un Super Bowl où la mi-temps est aussi attendue que le score entre Chiefs et 49ers. Car de Céline Dion à Lady Gaga en passant par Gojira, les étoiles du Drag français, le pied-de-nez d’Aya Nakamura et la cérémonie de clôture qui a mis à l’honneur la French Touch – avec le moment suspendu où Angèle prête sa voix à Kavinsky et Phoenix – les Jeux Olympiques ont à nouveau créé des images uniques, déjà iconiques.

 

Paris 2024 : fête rythmée

 

Puisque les Jeux Olympiques se veulent fête et qu’il n’y a pas de fête sans que la musique ne s’invite, les musiciens viennent à la rencontre de la foule. Dans les rues de Paris la garde nationale improvise des concerts pendant qu’aux pavillons Serbe ou Coréen fleurissent des concerts traditionnels, et que dans les fans-zones performent Franglish, l’Impératrice et bien d’autres.

Les artistes eux-mêmes participent à l’engouement IRL…mais aussi en ligne. Quand Lady Gaga est aux premières loges du goat Simone Biles : la vidéo devient virale. Ariana Grande, Sharon Stone, Travolta, parfois les têtes d’affiches du podium doivent partager l’attention avec les stars des gradins. 

Impossible d’ailleurs de louper un Snoop Dogg proactif qui s’improvise commentateur sportif au gré des disciplines et qui ouvre même l’épreuve du breaking.

 

https://www.youtube.com/shorts/IZBk4nydQno

L’artiste en compétition ?

 

Les artistes des JO sont donc partout, sauf sur le tatami et certains les y rêveraient bien, à l’instar de Pharrell Williams qui, en porteur de flamme, a exprimé son désir de revoir les artistes en compétition. Le “Pentathlon des muses a été arrêté avec la professionnalisation des artistes que les athlètes n’avaient pas à cette époque. Pourtant aujourd’hui, hors compétition, un Teddy Riner devient le visage de Coca-Cola et un Léon Marchand, une égérie LVMH. Les sportifs eux-mêmes ont dépassé les frontières du sport pour se diversifier. 

Comme l’a exprimé le directeur créatif de Louis Vuitton, à l’avenir les arts se feront peut-être à nouveau une place sur le ring. Mais, à l’image de la cérémonie d’ouverture, l’esprit de revendication qui fait l’essence de l’art pourrait bien se heurter à l’idéal apolitique du CIO. 

 

 

Rendez-vous le 28 août pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques de Thomas Jolly qui promet un programme où l’art célébrera le handicap et la résilience.

 

 

Texte Louise Pham Van