Mêlant raï oranais et R’n’B occidental, le new raï a sû faire sa place dans les festivals, sur les réseaux sociaux, mais surtout dans nos playlists. Ce nouveau genre musical a été amené sur le devant de la scène par une nouvelle génération d’artistes, voulant mettre en avant des sonorités qui leur rappellent leur enfance et leurs origines, tout en y apportant une touche plus moderne, afin de les adapter aux tendances actuelles.

 

 

« Ce n’était pas cool d’écouter du raï en France à l’époque. Quand mon père voulait me faire écouter du raï, j’étais en mode “arrête de me soûler”… », confiait le rappeur franco-algérien, Danyl, en mars dernier. Pourtant, aujourd’hui, il est devenu l’un des pionniers de sa version 2.0, le new raï

 

 

Dans Bledi mon amour, Danyl nous fait une démonstration parfaite de la recette qui vaut son succès au new raï : des paroles nostalgiques, qui énumèrent tout ce que le rappeur chérit et lui manque de son Algérie, qu’il n’a pas visité depuis si longtemps, posées sur une prod aux sonorités orientales et remixées à l’urbaine. Le tout est illustré dans le clip par la danse traditionnelle du baroud, aussi appelée danse aux fusils, un rituel du mariage algérien, mixée à des pas de hip-hop : une fusion plus qu’harmonieuse.

Véritable foyer du new raï, la scène française regorge de talents déterminés à faire fleurir cette tendance, et à l’imposer comme un nouveau genre à part entière. Avec ses 1 300 000 auditeurs mensuels, TIF, artiste algérien lui aussi, est l’une des figures ayant participé à son importation, maniant rap, raï, chaâbi (un autre genre de musique algérien) et même musique andalouse.

 

 

Le compositeur Khalil, racontait après sa rencontre avec TIF : « Pour moi c’est notre musique, c’est naturel, on est fiers. Le fait qu’avec TIF on vient de là-bas, on fait de la musique en français, avec nos sonorités, et maintenant tout le monde nous appelle, c’est fort ! »

 

Les racines du new raï

Ce genre hybride doit ses origines au raï, apparu au début du 20e siècle dans la région de l’Oranie, en Algérie, et devenu très populaire dans les pays du Maghreb. Subissant de nombreuses modifications au fil du temps, il commence à se moderniser dans les années 1970, avant de s’exporter à l’international une vingtaine d’années plus tard. Traditionnellement joué avec le nay (flûte), la zoukra (cornemuse), la derbouka et le bendir (percussions), il se décline alors en sous-registres comme le raï love, électrique, ou encore pop, auxquels s’ajoutent différents instruments plus modernes.

 

 

Le duo Rachid et Fethi, notamment, participe grandement au développement de la production du raï, dès les années 1980, en y incorporant des influences rock, funk, et même disco. Il lance ainsi plusieurs artistes, dont le célèbre Khaled (C’est la vie, Aïcha).

Si le premier festival de raï est organisé en 1985 à Oran, ce n’est qu’en 2022 qu’il entre sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Algérie.

 

L’importance des visuels

Une attention particulière est accordée aux tenues et accessoires, mais aussi aux lieux de tournage des clips de new raï. En plus de la musique, les visuels sont très importants, puisqu’ils permettent d’intégrer d’autres clins d’œils aux différentes cultures arabes. Nayra, apparue dans la saison 2 de la compétition de rap Nouvelle École, met elle en avant ses racines Amazigh, des autochtones d’Afrique du Nord.

 

 

Dans Prête, elle déambule au milieu des rues à l’architecture typique berbère : bâtiments en terre cuite, formes géométriques et mosaïques colorées, on l’aperçoit entre les tissus et objets traditionnels. Habillée d’une abaya et parée de beaux bijoux, Nayra se fait tatouer le visage comme les femmes Amazigh jusque dans les années 1940, une pratique ancestrale sacrée. L’artiste force le détail jusque dans la reproduction d’un paquet de cigarettes de la marque de tabac marocain Casa.

Du côté de Montréal, Zeina, chanteuse libano-égyptienne qui cartonne sur TikTok, mise sur la sobriété dans Hot. Le fond simpliste au rideau rouge laisse toute l’attention se concentrer sur sa démonstration de danse orientale. Dans son costume deux pièces à paillettes, henné aux mains et bracelets aux bras, celle qui chante en anglais, arabe et français nous captive et nous transporte complètement dans son univers.

 

 

L’exportation du new raï à l’international

Pionnier du new raï, Saint Levant est l’un des premiers artistes à avoir amené cette vague, et a l’avoir exporté, notamment aux États-Unis, puisqu’il faisait partie des têtes d’affiches du festival Coachella en avril 2024. Né à Jérusalem d’un père palestino-serbe et d’une mère franco-algérienne, il grandit à Gaza puis en Jordanie, et part étudier en Californie. C’est donc tout naturellement qu’il met ce multiculturalisme à l’honneur dans sa musique.

 

 

Élu Homme de l’année en 2023, par GQ Moyen-Orient, Marwan Abdelhamid de son vrai nom a conquis depuis le début de sa carrière un public international. Avec Deira, son featuring avec le rappeur Gazaoui MC Abdul, il dépasse les cinq millions de vues sur YouTube et confirme la place du new raï dans l’industrie actuelle.

 

 

Texte Lucile Gamard