A l’occasion du festival Solidays, Modzik a rencontré la chanteuse Mai Lan. Découverte en 2006 par le grand public sur la BO du film Sheitan, la jeune chanteuse gravit depuis peu à peu les marches du succès et venait présenter son dernier EP, Vampire.

Bonjour Mai Lan, tu viens donc présenter ton nouvel EP, Vampire, qui est bien plus éléctro-pop que tout ce que tu as fait jusqu’alors. Ta rencontre avec Anthony Gonzalez (M83, ndlr) y est-elle pour quelque chose ?

Non, le disque était déjà prêt avant que je ne rencontre Anthony avec qui je travaille beaucoup depuis. Pour Vampire, j’ai été aidé de mon ami Max Labarthe avec qui je compose depuis longtemps, et du producteur de Shamir, Nick Sylvester qui est très tourné vers l’électronique. J’avais besoin de me rapprocher d’un son électro car je m’en sens bien plus proche finalement. J’avais aussi une envie d’avoir un show plus péchu pour la scène. La première tournée était trop folk, plus calme.

J’ai vu que tu as intégré le roster de Panamaera, qui a produit le clip de Vampire. Tu nous en dis plus ?

Panamaera c’est une équipe créative qui s’occupe également de mon management. Je cherchais des gens qui puissent prendre en charge toute l’image de l’album pour qu’il en ressorte une continuité et un esprit d’équipe. Je voulais aussi prendre entièrement part au projet et ne pas me contenter de livrer des commandes. C’est donc eux qui ont fait tous les clips jusqu’ici, les visuels, etc.

C’est une entité assez jeune, ce qui te permet de prendre pleinement part au processus et d’être autant en position de force qu’eux j’imagine ?

C’est des mecs super excités, jeunes, et qui ont vraiment la dalle. Ils sont complémentaires également, avec un chef opérateur, un Directeur Artistique très compétent, et même un pilote de drone ! J’ai l’impression qu’on peut tout faire avec eux.

Je les ai connu grâce à Jim Bauer dont l’esthétique est absolument folle elle aussi. J’imagine qu’ils ont eu un rôle à jouer là dedans. Tu travailles avec les autres artistes du crew, comme Jim?

Oui, on est comme une famille. On travaille beaucoup en crosswork, on échange des idées, on fait des sessions ensemble. C’est très stimulant créativement.

Tu as été “absente” de 2012 à 2016. Qu’est ce que tu faisais ?

J’ai beaucoup travaillé sur le disque avec des allers-retours réguliers entre la France et les USA avec Nick et Anthony, j’ai tout de même fait des featurings avec Jabberwocky, Birdy Nam Nam et puis j’ai aussi participé à la tournée mondiale de M83, qui m’a pris une année entière.

Tu t’es quand même tenu au courant des nouveautés ? Qu’est ce que tu écoutes ?

J’écoute du rap ! Mélodique de préférence. Je suis obnubilée par Kendrick Lamar et ses influences musicales, sa recherche, il met tout le monde d’accord. Frank Ocean aussi, qu’on catalogue comme chanteur de RnB mais qui fait du rap pour moi. J’adore sa sensibilité, j’ai épluché Blonde, son dernier album, pendant un an! L’album m’a traumatisé, transcendé. Les paroles sont juste des émotions que tu peux interpréter comme tu le veux, le peux ou le sens.

J’ai préféré Endless, sorti une semaine avant Blonde, et qui se compose de chutes de studio. Je trouve que le côté très organique dû à l’absence de fard est encore plus saisissant.

Comme le Untitled Unmastered de Kendrick Lamar !

Puisqu’on est un média mode, parlons également de ta marque, BenzemyMaiLan, qui t’a amené à travailler avec Hermès et à faire des présentations dans Paris, à la Bellevilloise, à Barbès…

C’est du passé, c’était quelque chose de très basique en fin de compte, homemade. On a jamais été dans un processus business, on faisait plus des costumes que de la mode en fait. Mais je peux te parler du côté visuel qui est très important pour moi. C’est une grande partie de ma vie, j’ai été costumière au cinéma pendant un temps. C’est d’ailleurs moi qui a fait les costumes du film de mon frère, Sheitan (le réalisateur Kim Chapiron est son frère, ndlr). Ca me manque un peu à vrai dire.

Quels sont tes coups de coeur en ce moment ? Des maisons, des directeurs de création ?

J’ai beaucoup de mal à suivre le rythme effréné du fashion world en réalité. C’est un monde qui va beaucoup trop vite. Je suis plus souvent marquée par des tenues que par des collections ou des marques spécifiques. Mon style favori ce serait une sorte de mélange hippie-thug. Un truc bien à moi en fait.

Ethnique aussi ?

Non, j’ai assez donné avec BenzemyMaiLan ! Mais il est vrai qu’à mon sens, les gens les plus stylés de la planète sont les ethnies. Les Akhas de Birmanie, les Peuls sahariens ou les Mongols cultivent une véritable science des couleurs et des formes. C’est d’une élégance rare.

On est loin du revival nineties occidental. En veux tu en voilà du Fila et du Champion.

C’est poussé le style au ridicule. On recycle toujours le ringard de la décennie précédente. C’est divertissant !

C’est une bonne transition pour mes prochaines questions : Quatre featurings sur le dernier album de M83, c’est pas un peu trop ?

C’est jamais trop ! Mes featurings sont ringards, c’est ça ?!

Non, mais Trax, Tsugi et d’autres ont qualifié l’album en ces termes. Tu en penses quoi ?

Ca a été mitigé en fait. Il y a eu une majorité de critiques négatives en France, malheureusement, mais Stereogum, NME ou d’autres médias américains ont crié au génie (M83 vit aux USA, ndlr). Un album qui génère ces deux extrêmes, c’est un gage de qualité je pense. L’album est produit par le bassiste de Beck, c’est le genre de mecs qui a une manière complètement différente de travailler. Très instinctive. On ne travaille pas avec la tête en se disant je vais faire ci, je vais aller là, mais plutôt au feeling en essayant encore et encore. C’est pour ça que l’album peut sembler bizarre pour certains, car Anthony va là où on n’oserait pas s’aventurer. Sortir un saxophone en plein milieu d’un morceau c’est toujours l’enfer, les gens s’en offusquent alors qu’au fond de nous on a tous l’amour du saxo, on a grandi avec.

Dernière question : A force de faire partie de Kourtrajmé, de travailler avec ton frère Kim, avec Vincent Cassel ou Romain Gavras et d’autres acteurs, tu es tentée par faire du cinéma ?

Grave ! Au début avec Kourtrajmé on occupait tous les rôles chacun notre tour, comédie, lumière, composition de musique. On a beaucoup rigolé et beaucoup appris, alors c’est sûr que je ne peux que redemander de ces ambiances là.

Le slogan de Kourtrajmé a toujours été un leitmotiv pour moi !

“Seigneur, ne leur pardonnez pas, car ils savent ce qu’ils font.” C’est Kim et Romain qui ont trouvé ça.

Retrouvez Mai Lan en tournée française fin 2017.
Son EP Vampire est toujours disponible.

Photo : Quentin Curtat