Rares sont les groupes ou artistes qui déchaînent autant les passions    : c’est le cas pour Alt-J    : ils sont autant adulés par une partie des critiques autorisées que détestés, point d’entre-deux avec eux! Pourquoi un tél déferlement? Un des éléments de réponses est certainement que leur musique possède une forte charge émotionnelle avec un maniérisme exacerbé. Petit résumé: Tout d’abord quatuor puis trio (après le départ du bassiste Gwil Sainsburry) rock indie originaire de Leeds en Angleterre, ils ont littéralement explosé avec leur album An Awesome Wave paru en mai 2012, devenant en quelques mois le groupe le plus cool et branché, écumant en passant les scènes de festivals. Le disque sera même classé parmi les 10 albums de l’année et ils remporteront un Mercury Prize ! Périlleuse mission donc que de donner une suite à pareil succès. Nos trublions relèvent pourtant le défi avec This Is All Yours qui sort maintenant. Joie ou déception ? Nous avons rencontré Joe, Gus et Thom pour en savoir plus…

Vous avez beaucoup tourné après votre premier album, pouvez-vous nous parler du making off de ce nouvel enregistrement    ?
En fait on a travaillé sur des bases musicales communes    : on avait beaucoup de tracks démos non aboutis réalisés au moment du premier album et on s’en est servi pour démarrer. Ensuite on s’est laissés porter et cela a coulé de source. On n’a eu que 2 mois de vraies vacances entre les deux disques    ! On a toujours su qu’il fallait donner une suite à An Awesome Wave.. Enfin contractuellement on le devait (rires!). C’est comme cela qu’on est arrivé à donner une suite à Bloodflood (part2) d’ailleurs. Mais on a aussi composé de nouveaux sur la période.

A l’écoute l’album révèle une richesse de sons et d’instruments assez conséquents, pouvez-vous nous en dire plus    ?
On a commencé de manière très classique    : basse, batterie, synthé, guitares. Ensuite on a pensé à d’autres sonorités comme des cuivres, des marinba, de l’orgue. Enregistrer un morceau c’est comme créer un petit miracle. C’est difficile à expliquer, c’est aussi la magie de l’instant, l’inspiration est quelque chose de volatile et d’impalpable. On est essaye juste de se mettre dans un état de réception optimum. Il y a beaucoup de choses qui peuvent vous bloquer à ce moment et il faut se concentrer un maximum. Mais ce sont avant tout des moments agréables, on se laisse porter par nos envies.

Votre musique dépasse de loin les frontières habituelles du rock comme dans le morceau Hunger Of The Pine par exemple…
En fait, Gus a étudié la musique de la Renaissance et ne peut s’empêcher de chanter de cette manière comme dans les choeurs de ce morceau par exemple. Quand on est avec lui en studio, parfois on a l’impression de voyager dans le temps    ! C’est très étrange voire déstabilisant parfois et en même temps on adore cette confrontation entre modernité et influences plus classiques. Et concernant certaines références ethniques, on a tous fait nos études au sein d’écoles à la fréquentation multi-culturelle et on a tous joué dans des groupes au lycée, je penses qu’une part de nos références et envies ethniques vient de là.

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Vous faites références à Nara dans plusieurs titres, de quoi s’agit-il   ?
Nara est une ville au Japon qui fut la capitale du pays durant le 13ème siècle. Connue pour ses nombreux temples classés, la ville a subi plusieurs destructions suite à plusieurs guerres civiles. La chanson principale parle de l’égalité des droits pour les homosexuels, de la situation durant les Jeux Olympiques en Russie. En fait le sens de la chanson c’est qu’on aimerait être tranquilles, ne pas nous dire ce qu’on doit faire ou ce que l’on doit penser, être libre en fait, comme c’est la cas dans la ville de Nara, où nous ne nous sommes jamais rendus d’ailleurs   !

Et quand à la chanson de «   The Gospel of John Hurt   »   ? Êtes-vous fans de cet acteur   ?
Mais on aime vraiment beaucoup John Hurt tu sais (rires!). En fait il a incarné un personnage du film Alien. Et la chanson parle de ce moment où il donne la vie à l’Alien et que celui-ci sort de sa poitrine   ! C’est un moment de cinéma qui nous a marqué et qui reste à jamais gravé dans nos mémoires.

Miley Cyrus aurait participé à votre album   : alors info ou intox   ?
En fait elle aime beaucoup notre musique et elle a utilisé un extrait de «   Fitzpleasure   » dans son show et du coup on lui a envoyé un email pour lui demander si elle souhaitait un remix. Elle nous a envoyé les parties de sa chanson 4×4 et on s’est rendus compte qu’une des parties vocales collait vraiment bien avec un riff de guitare que Joe était en train de jouer. On s’est alors demandé ce qu’on pourrait en faire   : cela ne sonnait pas trop Miley Cyrus, d’ailleurs on n’apprécie pas trop la chanson originale   ! Mais lorsque l’on ne conserve que cette partie «   I’m a female rebel   » ça devient génial et du coup c’est bien elle qu’on entend sur   «   Hunger Of The Pine   »   !

Au final que penser de ce This Is All Yours  tant attendu ? L’album pourra désarçonner les amateurs de rock purs et durs par son coté ultra-travaillé au niveau des arrangements mais aussi son manque d’hymnes fédérateurs. Par là, on peut reprocher un manque d’émotions par excès de zèle (certains diront aussi manque d’inspiration). L’autre versant de l’album montre une production riche, mêlées d’étonnantes influences inattendues, qui prouve s’il le fallait que le groupe (et cet album) valent largement le détour et qu’ils savent mêler folk et électronique avec brio. Débarrassé de son enveloppe de studio, on se dit que l’album devrait largement gagner en efficacité sur scène. On espère néanmoins un disque plus dense et direct pour leur prochaine livraison.