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La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.
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CHARLI XCX – PARTY 4 U
Cinq ans après la sortie de son album How I’m Feeling Now, Charli XCX a offert à ses fans le clip attendu du single party 4 u, véritable cadeau pour célébrer l’anniversaire de ce projet né en pleine pandémie et réalisé en seulement cinq semaines. À l’origine, le morceau était une ballade mélancolique écrite pour un ex-petit ami que la chanteuse britannique hyperpop espérait voir revenir, où elle confessait organiser la plus belle fête uniquement pour cette personne. Réalisé par Mitch Ryan à partir d’un concept imaginé par Charli elle-même, le clip met en scène la chanteuse dans une atmosphère introspective, culminant avec l’incendie symbolique d’un panneau à son effigie : geste fort qui semble tourner la page de cette ère créative. Mais la ressortie de party 4 u aujourd’hui, dans le contexte du succès phénoménal de Brat, prend une dimension nouvelle où la chanson devient une mise en abyme de la situation actuelle de l’artiste. Alors qu’elle chantait autrefois son attente solitaire, elle se retrouve désormais au centre d’une fête collective immense, entourée de ses Angels, sa communauté de fans. La fête qu’elle organise n’est plus pour un amour perdu, mais pour célébrer un moment de communion avec son public, une euphorie qu’elle ne souhaite pas voir s’arrêter. La sortie du clip intervient alors que party 4 u connaît une résurgence spectaculaire, propulsée par l’engouement viral autour de Brat et une popularité grandissante sur TikTok et les réseaux sociaux. (TR)
party 4 u est disponible via Atlantic Records. La chanteuse sera en tête d’affiche à We Love Green à Paris le 7 juin prochain.
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KEVIN OLUSOLA – HALLELUJAH (I DON’T THINK ABOUT YOU)
Dawn of a Misfit, premier album solo de Kevin Olusola est loin des harmonies léchées et de la joie solaire de Pentatonix. Kevin Olusola, musicien à la triple casquette (chant, violoncelle, beatbox) choisit ici la rupture. Une mue assumée et longtemps murie – 17 ans pour être exact. Il fallait bien ça pour faire éclore ce chaos structuré, entre Vivaldi et 808 State, Bach et R&B. Dès l’ouverture avec Dark Winter, le ton est donné : cordes samplées des Quatre Saisons, percussions corporelles, basse lourde et voix soulful. C’est du baroque urbain. Kevin Olusola aurait pu se contenter d’être le mec cool des Pentatonix, celui qui beatboxe en costume dans les stades, Grammy Award à la main et sourire parfait. Mais Dawn of a Misfit est tout sauf confortable. C’est un album de lisières, qui pose la spiritualité au cœur de la création, parle de paternité, et tisse son identité de fils d’immigrés nigérian et grenadien. C’est l’album d’un homme qui ne se sentait « jamais assez africain, jamais assez classique, jamais assez cultivé » (I Feel Misunderstood). C’est le disque de la blessure et de l’acceptation. Parmi les moments les plus marquants : Hallelujah (I Don’t Think About You), pièce centrale, construite autour d’un chœur de Haendel, retravaillé avec son ami Scott Hoying. Il y a aussi Smile, tout en délicatesse, porté par un beatbox cristallin et des harmonies à la Stevie Wonder ; Kevin’s Fifth, clin d’œil jubilatoire à Beethoven et Pentatonix ; ou encore Hymn for Christian et Kaia’s Swan, dédiés à ses enfants. Olusola est à la croisée de tous les chemins : classique et urbain, sacré et charnel, noir et universel. À l’heure où la musique classique cherche désespérément ses nouveaux visages, Dawn of a Misfit en impose un. Kevin Olusola ne veut pas juste dépoussiérer les partitions : il veut leur injecter du sang neuf. Même si certains titres instrumentaux au violoncelle sont plus faibles (les reprises de Crazy et de A Change Is Gonna Come), l’album est habité. Il y a 17 ans, le jeune violoncelliste rêvait de comprendre pourquoi il faisait de la musique. Aujourd’hui, il répond en le fracassant dans le clip de Dark Winter comme on pulvérise un carcan, en embrassant ses contradictions. Dawn of a Misfit est un cri de naissance d’un artiste unique. (LFC)
Dawn of a Misfit est disponible via KO Enterprises/Masterworks/Sony Music.
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LUCIE-VALENTINE – ALLÔ MAMAN
Avec Minuit moins toi, Lucie-Valentine dévoile un EP sensible, porté par une écriture douce et pudique. Composé de cinq titres, ce nouveau projet explore les conséquences d’une rupture amoureuse et le cheminement intérieur qui en découle – entre perte, solitude et reconquête de soi. Artiste belge issue de la scène francophone, Lucie-Valentine suit un parcours atypique, mêlant rigueur et liberté artistique. Elle débute le piano et le solfège à 9 ans, puis atteint à 13 ans la finale du tremplin Pour la Gloire sur la RTBF. À 17 ans, elle rejoint le groupe pop-rock Wideyed tout en étudiant l’économie, et se produit lors de scènes ouvertes dans sa colocation étudiante. Elle fait ensuite une incursion dans le jazz à JazzBxl et interprète des standards dans les cafés bruxellois. Installée à Paris, elle continue à se produire en duo guitare-voix sur les scènes ouvertes et dans les couloirs du métro. Ancienne journaliste culturelle pour Openmag, l’ancêtre de Modzik, puis pour Modzik, la vie parisienne l’étouffe, la dépression la cueille. En 2015, elle part seule en Asie, un voyage qu’elle interrompt lors de la perte brutale de son frère. Cette épreuve la ramène à la musique, devenue refuge et nécessité vitale : elle se recentre sur le piano et amorce un virage vers une carrière solo. Ces fragments de vie, déjà présents dans son premier album La Vie est Belle (2020), trouvent, dans ce nouvel EP, une expression plus apaisée, plus aboutie. Minuit moins toi s’inscrit dans une pop acoustique délicatement teintée d’électro, aux arrangements sobres signés Antoine Dandoy et Thibaud Demey. L’ensemble conserve une cohérence forte, autour d’une esthétique minimaliste. Chaque morceau dévoile un pan du chemin émotionnel de l’artiste. Les morceaux explorent des thèmes intimes tels que le tumulte intérieur, l’étouffement dans une relation fusionnelle, le besoin d’amour inconditionnel face à la vulnérabilité (Allo Maman), et l’importance de ralentir pour se recentrer. Enfin, Minuit moins toi, pièce centrale de l’EP, vient poser un constat apaisé : celui d’un vide qui ne fait plus mal. La voix de Lucie-Valentine, posée, sincère accompagne ce cheminement avec justesse. À l’instar d’une Coline Rio, sa sensibilité mélancolique sait captiver. Court mais dense, Minuit moins toi est un disque qui parle de rupture sans colère, de deuil sans drame, de résilience sans grand discours. Lucie-Valentine y transforme la fragilité en force lumineuse. Un projet qui place, avec justesse et finesse, la sensibilité au centre. (FLC)
Minuit Moins Toi est disponible via Lucie-Valentine/Believe.
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DAMIANO DAVID – FUNNY LITTLE STORIES
Depuis la victoire de Måneskin à l’Eurovision en 2021, Damiano David a été partout : tournées mondiales, tubes planétaires, collaborations prestigieuses. Mais derrière l’image du frontman flamboyant, quelque chose s’est fissuré. Le succès, trop rapide, trop intense, l’a laissé désorienté. « Je me suis senti engourdi », confie-t-il. FUNNY Little FEARS est né de cette pause nécessaire, de ce besoin de réévaluer, de ralentir, de redevenir sincère. Installé à Los Angeles depuis début 2024, Damiano a composé seul, entouré d’un cercle restreint de collaborateurs, choisis autant pour leur sensibilité que pour leur talent. Il insiste : cet album n’est ni une revanche, ni une fuite. C’est une tentative de se reconnecter à soi. Musicalement, FUNNY Little FEARS se tient à distance des riffs nerveux et de l’esthétique spectaculaire de Måneskin. C’est un album de ballades pop-rock, souvent mélancoliques (notamment The Bruise avec Suki Waterhouse, Tangerine en duo avec D4VD), où les guitares se font plus discrètes, les arrangements plus retenus, et la voix plus exposée. Damiano parle d’un « récit du retour à la vie », et l’expression colle parfaitement. Il a coupé les ponts avec les certitudes, les producteurs trop lisses, les automatismes du groupe. C’est dans un court-métrage, FUNNY Little STORIES, que le chanteur italien accompagne la parution des 14 titres de l’album. On y découvre un paysage désertique et quatre nouveaux morceaux – Mars, Sick of Myself, Perfect Life, Solitude. Quatre ambiances, quatre fragments d’un même récit : celui d’une traversée intérieure, de la nécessité de se retrouver à la redécouverte de l’amour. Et puis il y a eu cet hommage à Lucio Dalla, au Festival de Sanremo 2025. En interprétant Felicità, vêtu d’un costume noir sobre et de gants, Damiano a livré une performance profondément habitée. Un moment de grâce bouleversant. Cette prestation a confirmé ce que l’album laissait déjà entrevoir : FUNNY Little FEARS est un positionnement artistique personnel. Une façon, pour Damiano, de faire entendre une autre voix – la sienne, sans le groupe. Damiano ne renie rien de son parcours avec Måneskin. Mais il reconnaît que le succès collectif a fini par étouffer l’individu. Ce disque est une manière de reprendre la parole, à la première personne. Avec FUNNY Little FEARS, Damiano David signe un album modeste, personnel et cohérent. Ce premier projet solo, bien qu’éloigné de l’énergie de Måneskin, révèle une autre facette de l’artiste : plus mature, plus posé, plus humain. (LFC)
FUNNY Little STORIES est disponible via Sony Music Italy/Arista Records. En concert à Paris (Adidas Arena) le 26 septembre 2025.
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ARCA – PUTA
Alejandra Ghersi AKA Arca signe un retour très attendu depuis la saga de ses albums Kick (Kick i, Kick ii, Kick iii, Kick iiii, Kick iiiii), dont le dernier volet est paru en 2021, marquant une période d’expérimentation intense et de collaborations majeures avec des artistes comme Kanye West, FKA twigs et Björk. Après une série de remixes et de collaborations remarquées, elle dévoile en 2025 un double single Puta et Sola, présentés pour la première fois lors de performances mémorables à Coachella, où elle a partagé la scène avec Addison Rae, Tokischa et Hikaru Utada. Réalisé par STILLZ, le clip de Puta plonge Arca dans une esthétique exosquelettique, née de sa collaboration avec le créateur robotique Ikeuchi Hiroto et le collectif Skeletonics. Il fusionne univers cybernétique et sensualité brute, deux marqueurs emblématiques de la diva expérimentale vénézuélienne. Quand Puta célèbre une sensualité extravagante, son autre single Sola explore la vulnérabilité, formant un diptyque mûri de longue date et peaufiné par Arca seule, qui affirme et réaffirme son statut de figure incontournable de la scène électronique et avant-gardiste. (TR)
Puta est disponible via Arca/XL Recordings.
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BASILE PALACE – INTRO
« J’ai toujours rêvé de ce jour où j’annoncerai que je sors mon premier album, et ce rêve est devenu possible », confie Basile. 22m2, est le titre de cet album mais aussi c’est la taille de la pièce où il écrivait ses premiers textes à 14 ans, aux côtés de son père et de sa belle-mère enceinte de son petit frère. Enfant, il suit des cours de solfège sans grand enthousiasme, tente le violon pendant un an, puis trois ans de guitare. Mais c’est le rap qui devient sa première échappatoire. Très vite, il écrit, enregistre, publie ses morceaux sur YouTube, apprend seul. Puis viennent les études, une prépa littéraire, un master d’urbanisme. Le retour à la musique arrive en 2019, sous un nouveau nom : Basile Palace. Ce premier album est profondément marqué par la disparition brutale de son père, survenue en pleine période de création. Loin de l’entraver, ce deuil devient la colonne vertébrale émotionnelle du disque. Trois titres en dessinent la trajectoire : LIDL, Problèmes de grand et Allez Papa. Basile y convoque les souvenirs d’enfance, les dialogues impossibles avec l’absent, les dernières heures passées ensemble. Il mêle sa voix à celle de son petit frère, rendant l’hommage encore plus intime. Musicalement, 22m2 est un album d’hybridation : rap, pop, variété française, sonorités électroniques aux accents eighties s’y croisent sans jamais se heurter. Basile fait partie de cette génération qui ne choisit pas entre les genres : il les absorbe et les transforme, aidé par son meilleur ami Alexandre Bonnemort, co-compositeur de l’ensemble de l’album. Le disque s’ouvre sur Intro, un titre presque slamé, comme une promesse de mise à nu. Vient ensuite Mille morceaux, single pop à l’efficacité radiophonique qu’il a interprété dans nos studios. La suite est une descente douce-amère dans l’intime : amours évanouis, enfance cabossée, et quête de soi. Il y a du spleen, mais aussi des pulsations plus lumineuses, comme Palace, porté par un groove disco bancal, ou Dernier round, co-composé avec Séverin, trempé dans les synthés des années 80. Mécaniques tranche avec son beat hip-hop brut, tandis que Promesses non tenues et Toi et moi étirent les ruptures adolescentes. Enfin, Seul clôt le disque comme une ultime respiration, presque euphorique dans sa mélancolie. 22m2 est un album sans esbroufe, celui d’une jeunesse tiraillée entre l’élan de vivre et le poids de ce qu’on perd en chemin. Finalement rayonnant. (LFC)
22m2 est disponible via Basilic/Play Two. En tournée à partir d’octobre et à Paris (La Maroquinerie) le 9 octobre 2025.
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LITTLE SIMZ – YOUNG
Depuis la sortie de ses premiers projets en 2013, Little Simz fascine le monde. Ses deux derniers albums, Sometimes I Might Be Introvert (2021) et Grey Area (2019) ont été élogiés par la critique anglaise et internationale. Rappeuse expérimentale, elle dit se fier à son instinct et n’a pas peur de s’attaquer à tous les genres musicaux. L’artiste d’abord influencée par Missy Elliott, Lauryn Hill, 2Pac et Jay-Z réussit à construire un univers vaste, éclectique mais toujours personnel. Copier ses idoles ne l’intéresse pas. Little Simz se pousse constamment à se réimaginer et se renouveler. Le clip de son dernier single Young est réalisé par Dave Meyers et produit par Nathan Scherrer qui collaborent souvent avec Kendrick Lamar qui voit Little Simz comme l’une des meilleures rappeuses contemporaines. Young évoque l’insouciance de la jeunesse sous un angle nostalgique. Little Simz, de son nom Simbi Ajikawo, révèle la nécessité de vivre sa vie auprès de sa famille pour pouvoir créer en studio. Le morceau plutôt rock associe la basse et la batterie pour faire transparaître ce refus de vieillir. Dans la vidéo, sous l’apparence d’une femme âgée, la rappeuse rejette toutes ses responsabilités pour revivre sa jeunesse passée. « Living out your wildest dreams yeah we’re just young and dumb. No responsibilities don’t care for anyone. » Son visage ridé clashe avec ses grillz, bagues et vêtements flamboyants. Little Simz affronte son quotidien nonchalamment dans un quartier londonien similaire à celui où elle a grandi dans les années 90 qu’elle est fière de représenter. Ce parcours banal, jalonné de personnages théâtraux, chorégraphiés par Kloe Dean, rappelle le clip Parklife du groupe britannique Blur qui dépeint la jeunesse londonienne. Son enfance a toujours été une source d’inspiration. À 10 ans, ses premières paroles évoquaient ses rêves et aspirations qu’elle accomplit actuellement. Son sixième album Lotus sortira le 6 juin. Ce projet porte le nom de la fleur qui s’épanouit en poussant dans les eaux troubles. Pour Little Simz, peu importe d’où l’on vient ou ce que l’on a vécu, on peut quand même s’accomplir personnellement. Résilience et prospérité seront les maîtres-mots de cet album. (MTL)
Young est disponible via Little Simz/Awal Recordings.
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L.MAYLAND – LIGHTHOUSE
Lizzie Mayland est un pilier discret mais essentiel du quintet flamboyant The Last Dinner Party, où iels assurent la guitare et les chœurs. Lizzie s’identifie comme non-binaire (They/them). Avec The Slow Fire of Sleep, son premier EP solo, iels s’éloignent des orchestrations baroques et des envolées glam-rock de son groupe d’origine pour livrer une œuvre feutrée, habitée par des silences éloquents et des murmures qui en disent longs. Dès les premières notes, Mayland impose un timbre à la fois fragile et assuré. Longtemps resté·es dans l’ombre, en tant qu’architecte mélodique au service des compositions du groupe, iels se dévoilent ici pleinement, en pleine lumière. Avec maîtrise et sensibilité à fleur de peau, iels évoquent par moments une Joni Mitchell moderne. Les morceaux de The Slow Fire of Sleep semblent avoir été écrits dans un entre-deux : un espace suspendu entre les paysages bucoliques de la campagne anglaise, où iels ont grandi, et la rugosité de la ville, où iels résident désormais. Homeward est sans doute la perle de cette quête intérieure, où cordes et voix s’harmonisent avec une sobriété touchante pour évoquer le déracinement. Mother Mother explore quant à lui les contours mouvants de l’identité et du genre avec délicatesse. C’est brut et poétique. L’intime devient politique. À propos de Lighthouse, Lizzie confie : « C’est ma première expérience dans une relation amoureuse saine, et la peur de la perdre ». Iels avaient même storyboardé le clip avant de découvrir que le photographe et réalisateur Cal McIntyre souhaitait le réaliser. « Il a su capturer les éléments les plus importants pour moi, tout en y apportant sa propre touche esthétique. » Loin du tumulte et du décorum, Lizzie Mayland trouve dans l’épure un terrain fertile pour faire vibrer l’essentiel. C’est une musique qui ne cherche pas à impressionner, mais à toucher. (LFC)
The Slow Fire of Sleep est disponible via Lizzie Mayland/Universal Music. En tournée avec The Last Dinner Party (Garorock, Beauregard, Eurockéennes, Musilac, Lollapalooza Paris et Le Cabaret Vert).
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