Concentré foisonnant d’une joie pure et jaillissante, certaines directions musicales vont droit au cœur. Sans détour. La rapidité du trajet peut être déconcertante mais est surtout profondément ravissante. Le jeune homme Axel Monneau sous le nom d’Orval Carlos Sibelius, ses postnoms sortes de wagons se suivant les uns les autres, fait parti de ces diffuseurs de sincérité. Après avoir accouché de deux albums en 2006 et 2010, après avoir quitté la bande des Centenaire, il nous revient tout scintillant avec Super Forma, toujours chez Clapping Music.

Au premier toucher, la musicalité d’Orval Carlos Sibelius semble développer une sorte de maniaquerie du bouquet de fleurs. Cela dans le sens où le son qu’il crée se révèle d’emblée être d’une impressionnante épaisseur qui n’a de cesse de révéler des couches successives. D’une introduction Sonho de Songes progressive et lyrique, il ouvre les portes de royaumes inconnus et de multiples occasions musicales. La porte devient cet échappatoire possible et susceptible de se rattacher aux expériences de chacun, appropriable et appropriée. Si bien que l’enchaînement pop sur Desintegraçào avec un refrain au rythme chantant et solaire, voix couverte et lointaine, devient suite logique et indicateur des beaux jours à venir. La guitare et le clavier se baladent nonchalamment jusqu’à ce que les trompettes annoncent une farandole festive. Ce parcours de la joie est cependant loin d’être monastique. L’ami Sibelius cherche au contraire la variation qu’il amène en guise de prise de risque, valorisant le fun par contraste. Ailleurs, les guitares se métamorphoseront et prendront l’apparence de cantatrices multiculturelles au nom d’une assourdissante variété d’influences au mille et cent couleurs, d’ici d’ailleurs. Spinning Round en est l’exacte illustration sous les traits d’une voix moderne, presque « banalement classique et belle »; de même avec Super Data aux rythmes africains palpitant de chaleur, sans voix et produisant rapidement le « Ravissement » au détour d’un motif. Vous savez, ce genre de Ravissement à la Marguerite Duras, ou mieux, à la Stendhal.

Ce contraste dont je parlais agit dans la continuité de ce « Ravissement » en faisant s’entrechoquer les sentiments de l’auditoire. La perturbation vient se poser en force supérieure, surplombant notre propre raison et nous bouleversant totalement. La rythmique évolue vers des sommets certains puis se brise, nette, on est en soufflé, surpris. C’est au demeurant ce qui arrive sur un morceau comme Archipel Celesta lorsque la voix vient couper l’herbe sous le pied à la fausse monotonie pour instaurer un rythme neuf . Mais par dessus tout, il sera impossible de passer à côté du titre épopée fort et intense, cet hidden track du nom de Burundi, fou et sauvage. Sur une durée d’environ quinze minutes, la moiteur nous monte à la tête et devient envoûtante, la savane, la forêt tropicale, la modernité, l’ancestral, le tout s’unit et se mélange jusqu’à former une étrange potion magique. Bien belle péroraison pour un album comme prodigieux remède à la neurasthénie ambiante.

Par Emilie Jouan