Vingt ans après le documentaire culte et primé, Paris Is Burning, qui chroniquait l’essor du «voguing» dans le new York de la fin des années 80, zebra Katz – rejeton de la ball culture – a mis le feu à la dernière Paris Fashion Week avec son pervers et crypté « Ima Read », bande-son du défilé de Rick Owens.

Ojay Morgan, qui selon les pho- tos ressemble à Roots Manuva ou Grace Jones, a donné vie à son alter ego, Zebra Katz, et écrit une ver- sion primitive de l’addictif « Ima Read » il y a cinq ans. Contraire- ment à ce que laisse penser le titre (qui se traduit par « Je vais lire »), il ne s’agit en rien d’un morceau van- tant les mérites de la lecture, mais bien d’un hommage aux voguers, ces danseurs performers travestis (et militants gays), apparus dans les rues de Harlem et mis en lumière par le tube planétaire de Madonna, « Vogue » (et son clip réalisé par David Fincher, en 1990). Dans les ballrooms et les clubs, où les danseurs se déhanchent, prennent des poses de top-models et s’affrontent en enchaînant des mouvements plus techniques les uns que les autres, le « reading » est à la fois une insulte et une mise au défi de l’adversaire – un gimmick tout trouvé pour le monde ultra-concurrentiel de la mode.

« Ima read that bitch, Ima school that bitch, I’m gonna take that bitch to college, I’m gonna give that bitch some knowledge… »

Quand il s’est agi de mettre en son sa sulfureuse collection automne- hiver 2012, le créateur californien, Rick Owens, a choisi l’hymne minimaliste et provocateur de Zebra Katz ; au risque de laisser une bonne partie des spectateurs perplexes, quant au message délivré par le morceau joué pendant plus de dix minutes. Froid, industriel, et répétitif, « Ima Read » rappelle les débuts de Spank Rock, et la scan- sion d’Ojay Morgan a un fort pou- voir hypnotique.

Le rappeur floridien a, instantané- ment, été mis sur orbite, voyant le compteur de vues de sa vidéo exploser, et les sollicitations pleuvoir. Adoubé par Azealia Banks, Quest- love des Roots et Diplo – qui vient de le signer sur Jeffree’s, son nouveau label-laboratoire – Zebra Katz est devenu, en quelques jours, bien plus que la coqueluche des défilés : la figure de proue d’une nouvelle génération queer rap obsédée par la mode. La brèche ouverte devrait voir s’engouffrer la rappeuse Njena Reddd Foxxx (qui donne le change à Zebra Katz sur « Ima Read »), ainsi que les New-Yorkais Cakes Da Killa et Mikki Blanco. D’autant que le contexte n’a rarement été aussi favorable : d’A$AP Rocky (qui fraye avec Jeremy Scott et Comme Des Garçons) à Azealia Banks (qui passe des disques chez Karl Lagerfeld), en passant par Odd Future, les nouvelles têtes d’af- fiche du rap sont en lien constant avec la mode. Dans le cas de Zebra Katz, c’est le monde de la mode – et l’un de ses représentants le plus en vue, en personne – qui est venu lui apporter une notoriété et une hype, qu’une industrie musicale en berne a de plus en plus de mal à fournir aux nouveaux venus.

www.zebrakatz.com
Le label Jeffree’s propose « Ima Read » agrémenté de remixes en téléchargement gratuit sur http://jeffrees.tumblr.com
La mixtape de Zebra Katz, Champagne, est, quant à elle, disponible en ligne sur http:// soundcloud.com/zebrakatz

Propos recueillis par Damien Besançon